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Nietzsche et l'artiste

La force de la faiblesse

Le surhomme et l'artiste

Friedrich Wilhelm Nietzsche, est sans doute un des philosophes les plus populaires du monde actuel. Son tempérament poétique et sa passion critique sont parfaitement bien adaptés à l'esprit contemporain et rendent sa philosophie particulièrement attrayante.

Pour Nietzsche, l'art est un des fondements de l'humanité. Il est le moyen d'accéder au surhomme dont il fait sa visé. Le surhomme est un créateur capable d'affirmer sa volonté de puissance. Il est l'homme apte à construire son monde et à lui donner sa direction. Pour le philosophe allemand, l'histoire n'a pas de sens, pas de but (et ici notre point de vue diverge).

Plus précisément, Nietzsche ne reconnaît pas le but proposé (imposé) au monde par les spiritualités monothéistes. Autant dire que pour lui, la domination du héros temporel (l'aristocrate) par le héros spirituel (le saint) est une erreur, une catastrophe qu'il s'acharne à combattre.

Vision juste mais conclusion fausse

Pour la réalité, Nietzsche a raison. Dans l'évolution générale de l'humanité, le saint l'emporte sur l'aristocrate. Globalement, la faiblesse du religieux a effectivement pris le pouvoir sur la force brute de l'aristocrate. Le philosophe de Röcken est dans le vrai lorsqu'il accuse le faible d'oppresser (à l'aide des principes moraux), le fort. Lorsqu'il dit du spirituel qu'il empêcher le dominant d'affirmer son désir de toute puissance. Si l'on observe de façon élargie, la grande marche du phénomène humain, le fragile et le sensible, en effet, l'emportent progressivement sur le guerrier. Psychologiquement parlant, on pourrait dire que le névrosé a pris le pouvoir sur le narcissique* et Nietzsche en a parfaitement conscience.

* grâce à sa créativité, sa spiritualité et ses œuvres d'art

Mais à mon sens, le philosophe a tort de juger négativement cet état de fait. La naissance de la démocratie, compense cette inversion de moteur naturel. Le narcissique parvient toujours au sommet de l'état (grâce a ses qualités de dominant), mais c'est pour incarner la souveraineté du peuple (autrement dit la politique du dominé).

 

C'est effectivement une constatation.

Pour Nietzsche, l'inapte à vivre son désir de puissance (le névrosé) a pris le pouvoir sur l'apte à le faire (le narcissique) et il en fait une faiblesse alors qu'il s'agit d'une force et d'une logique d'évolution.

Nietzsche sous-estime l'importance du saint pour l'évolution psychique de l'humanité. Sans cette prise de pouvoir, l'homme restait soumis aux autocrates. Impossible pour lui de sortir des schémas de la Grèce antique dans lequel s'épanouissait à merveille l'aristocrate guerrier. Un aristocrate autrement dit, généalogiquement : un chef de clan, qui, malgré ses qualités, n'est pas à idéaliser. Nous pouvons constater chaque jour, les conditions de vie imposées par ces « aristocrates » dans les sociétés encore claniques. Nous n'aurions jamais atteint ce degrés d'évolution, sans l'arrivée du moraliste religieux (qu'incarnait déjà, à mon sens Socrate et Platon pourtant favorable à l'aristocratie).

Nietzsche refuse, me semble-t-il, de voir l'archaïsme social du modèle grec (malgré ses modernismes époustouflant, comme la philosophie). Si le modèle chrétien (basé sur le judaïsme), s'est imposé sur l'aristocratie des Romains, c'est parce qu'il était rénovateur et novateur. Le philosophe allemand n'a pas compris, que l'humanité ne se trompait pas dans son évolution intuitive. Qu'elle évoluait sans faille depuis sa sortie des primates toujours dans le même sens d'adoucissement et de spiritualisation. Qu'elle progressait de civilisation en civilisation, vers sa finalité spirituelle (une évolution vers le sensible que le philosophe allemand redoutait).

Mais Nietzsche fait partie des véritables grands philosophes qui comprennent intuitivement, intelligemment et charnellement, la totalité du mouvement humain. D'ailleurs son surhomme à venir à quelque chose du saint. Un saint libéré de tout, y compris du religieux (ce qui est différent de la spiritualité).

Par le faible et le sensible

Le sensible aux commandes, l'aristocrate à l'action

Van Gogh, autoportrait au chapeauDepuis la naissance de l'art, la sensibilité est devenue le plus grand moteur de la société humaine.

Depuis l'extension de la sensibilité, la volonté de puissance n'est plus aux commandes. C'est l'imagination et la créativité (autrement dit le QE), qui tire l'humanité vers le haut. En somme, l'impuissance à affirmer sa volonté de puissance (par les moyens traditionnels), endosse l'habit de guide.

Les forces brutales participent évidemment elles aussi, à la construction de l'humanité. Elles apportent leur énergie insouciante à l'évolution. Mais au final, c'est le fragile qui trace la route. C'est le sensible qui permet à ce progrès de s'élever au lieu de stagner ou de régresser.

D'ailleurs, la puissance de Nietzsche, est l’œuvre même de son impuissance. Son influence décisive sur la pensée occidentale découle de son impossibilité à affirmer sa volonté de puissance (telle qu'il semblait la concevoir chez l'aristocrate, à commencer par la bonne santé, la joie, et l'insouciance).

Grand nomade solitaire

Nietzsche, et c'est intéressant à remarquer, semble impuissant de nous proposer une image du surhomme à venir. Il ne peut nous présenter l'homme ayant franchi le pont. Cet humain accompli est effectivement difficile à cerner. A quoi ressemblerait cet être parfait, sans peur, sans reproche et délié des religions. Ce serait alors une sorte de nomade individualiste et sans idéal. Un sage, envahi d'amour et errant dans l'immédiat. Un homme jouissant à chaque instant de la plus profonde paix. (et c'est comme cela que nous concevons l'humanité à sa perfection)

Le refus de sa sensibilité

Nietzsche souffrait de ses souffrances et de sa sensibilité. Il était écœuré par des religions torturant l'homme au lieu de l'apaiser. C'est pourquoi, le père du Zarathoustra, avait un tel ressentiment envers le vainqueur spirituel (sans discerner tous les intérêts de cette victoire).

Nietzsche désirait ressembler à ces aristocrates guerriers insensibles, sans souffrance morale et existentielle et sans état d'âme sans comprendre qu'ayant été l'aristocrate qu'il aurait voulu être, il n'aurait pas été le Nietzsche qu'il a été. La hantise de Nietzsche envers sa propre sensibilité a conduit le philosophe à sous-estimer la réalité de l'évolution humaine. À sous-estimer l'importance de la faiblesse du spirituel dans l'évolution humaine.

Car c'est justement en renversant l'attirance spontanée de la nature pour le plus fort, que l'humanité a évolué. C'est par cette inversion qu'elle est parvenue à s'extraire des mœurs irréductibles de la nature. Des mœurs qui condamnent les autres primates à reproduire indéfiniment le schéma réactionnaire du plus fort s'affirmant au détriment du plus faible.

En résumé, l'art est un des moyens utilisés par l'humanité pour favoriser le passage de l'animal à l'homme. Un des moyens pour développer le sentiment et la réflexion au détriment de la spontanéité pulsionnelle. Un outil pour rompre avec la toute puissance stérile des dominants narcissiques et égocentriques, nécessaires mais pas en vainqueur.

2002


vers Nietzsche le surhomme

kandinsky