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Du nirvana Bouddhique J. B. F. Obry

a Barthelemy Saint Hilaire

NirvanaEn réponse

Grâce aux féconds labeurs des orientalistes modernes, en tête desquels il faut placer notre immortel philologue Eugène Burnouf, peu de lecteurs ignorent les origines, les développements et les destinées du Bouddhisme.

(...)

Ce n'est-ce pas aussi faire injure au bon sens des peuples bouddhistes qui, après tout, sont nos frères, si ce n'est tout-à-fait nos semblables, comme le remarque très bien l'habile critique, disons mieux et disons vrai : n'est-ce pas faire injure à l'humanité tout entière que de poser comme article de foi bouddhique cette étrange proposition: depuis vingt-cinq siècles, les crédules et fervents ascètes bouddhistes s'efforcent de pratiquer la rigide discipline de leur maître, afin d'en être récompensés par le néant !»
Voilà les considérations extrinsèques, mais puissantes, qui m'ont déterminé et qui me déterminent encore à combattre, à armes fort inégales sans doute, l'opinion du Nirvâna-néant. Ce que j'ai dit une première fois, je le redirai de nouveau, au risque de me répéter; je le redirai malgré tout mon respect pour la mémoire vénérée d'Eugène Burnouf, malgré toute mon estime pour la grande érudition de M. Barthélemy Saint-Hilaire. Si l'on trouve qu'il y a de ma part trop de présomption, j'invoquerai encore la seule excuse que je puisse faire valoir, toute banale qu'elle est devenue : amicus Plato: amicus Aristoteles ; sed magis arnica veritas!
Après ces observations préliminaires sur lesquelles j'aurai encore occasion de revenir à la fin de ce travail, je me hâte de résumer en quelques lignes les preuves dites irréfutables et les autorités non moins imposantes sur lesquelles le savant académicien insiste dans son Mémoire-avertissement, pour justifier son système. Il écarte, bien entendu, comme peu recevables les objections puisées dans les lois générales de l'esprit humain, et s'attache aux arguments spéciaux fournis par les textes bouddhiques ou tirés du fond même du sujet. En conséquence, il fonde sa théorie « d'abord sur le caractère propre du Bouddhisme venant réformer et contredire la foi brahmanique; en second lieu, sur » l'athéisme instinctif et spontané de la nouvelle doctrine ; troisièmement, sur ses rapports avec le Sânkhya de Kapila, dit Sânkhya athée ; puis ensuite, sur » les textes mêmes des soûtras bouddhiques, sur les » noms significatifs que les Brahmanes infligent aux » Bouddhistes, et enfin, sur la métaphysique tout entière du Bouddhisme, depuis VAbhidharma de Kâcyapa, » (successeur immédiat de Çâkyamouni), jusqu'aux Vinaya soutras de Nâgârdjouna, (docteur nihiliste, s'il en » fut jamais), venu quatre ou cinq siècles après lui.

Cet ensemble de preuves lui paraît plus que suffisant; mais pour qu'il ne manque rien à la démonstration, il rappelle un dernier fait qui, à son avis, ne serait ni le moins intéressant ni le moins décisif. C'est que les Bouddhistes de nos jours, malgré les modifications que les siècles ont apportées aux doctrines du maître, ne se feraient pas une autre idée du Nirvana que leurs prédécesseurs: assertion qu'il croit établir par les témoignages plus ou moins explicites des modernes missionnaires chrétiens nommés ci-dessus: M. Spence Hardy.

(...)

Résumons d'abord en quelques pages les réponses déjà faites ou que l'on peut faire aux autres objections, la plupart extrinsèques, du docte critique. Elles ne m'arrêteront pas longtemps, parce que je les considère comme purement accessoires. Les questions principales et essentielles sont celles qui concernent l'âme humaine et sa délivrance selon le Bouddhisme orthodoxe, abstraction faite des sectes nihilistes, postérieures en date et beaucoup moins suivies.

En premier lieu, M. Barthélemy Saint-Hilaire oppose que si le Nirvâna des Bouddhistes n'est pas autre chose que l'absorption brahmanique de l'âme humaine en Dieu, dans l'esprit universel et infini, dans l'âme du monde, le Bouddhisme n'a plus de raison d'être, et sa réforme n'a plus de sens, en ce qui concerne le Nirvana bien entendu -, « car alors, ajoute-t-il, on ne voit plus ce qu'il est venu réformer, s'il a donné de la destinée de l'homme, après la mort, la même solution précisément que » le Brahmanisme en donnait avant lui. » Mais l'auteur paraît oublier, en cet endroit, que tous les Brahmanes, tant les orthodoxes que les rationalistes, réservaient la délivrance finale aux ascètes de la première caste, et laissaient tous les autres mortels rouler éternellement dans le cercle mobile des transmigrations; que, de plus, ils n'accordaient guère aux membres des castes subalternes ou mélangées que des renaissances peu attrayantes, malgré leur bonne conduite religieuse ou morale.

Le but de Çâkyamouni était plus grandiose, plus libéral, plus humanitaire. Avant tout, il voulait éclairer, instruire, moraliser les classes inférieures de la société indienne, à peu près délaissées par le Brahmanisme tout entier, et communiquer aux hommes de bonne volonté, sans distinction de rang, de caste, de condition et même de nationalité, les moyens d'atteindre, après la mort, à ce qu'il croyait être le bonheur suprême : « sa » mission était de sauver le genre humain et les créatures, ou mieux encore les êtres et l'univers entier, » depuis les plus élevés des dieux jusqu'aux hommes les » plus dégradés ». Il venait publier la loi de grâce pour ions. M. Barthélemy Saint-Hilaire convient de tous ces points. Il reproche même au Bouddhisme d'avoir aboli les trois castes privilégiées pour en créer une autre en place de la première, c'est-à-dire pour fonder un ordre immense de religieux, d'ascètes, de contemplatifs, de moines-mendiants, pris dans toutes les classes sans distinction, mais placés par lui au rang de Brâhmanes. Çâkyamouni voulait en faire des saints comme lui-même était saint ; car la vie religieuse était son idéal, et un idéal qu'il a seul rempli dans toute son étendue.

En second lieu, il n'est pas exact de prétendre que les Indiens et les peuples qui les entourent abhorrent la vie autant que la chérissent toutes les autres nations du monde. Les Vêda, les Lois de Manou, le Râmâyana, le Mahâbhârata, et les Mémoires de Hiouen-Thsang, témoignent hautement du contraire. Les Soûtras bouddhiques, moins explicites peut-être, nous montrent pourtant qu'il faut aux ascètes de grands efforts, des efforts héroïques, pour renoncer à l'idée de la vie phénoménale, de la renaissance sous une forme ou sous une autre dans l'un des trois mondes de la terre, de l'atmosphère ou du ciel, parmi les hommes, parmi les génies bienfaisants, parmi les dieux.

2002

Nirvana

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