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Des prospectives dialectiques

Deux essais

cheri sambaLa prospective dialectique est selon Marx d’essence critique et révolutionnaire (Postface au Livre I du Capital, de 1873). La philosophie sociale qu’elle a inspirée notamment à Sartre et à Marcuse consiste à objectiver les processus de l’aliénation socio-économique et à mobiliser les sciences sociales et psychanalytiques pour analyser la négativité constitutive de tout rapport faussé des sociétés humaines à leurs milieux naturels et sociaux.

Pour l’analyse prospective, la critique des tendances actuelles est d’une brûlante nécessité car dans cette dimension comme en toute autre, notre humanité continuera à progresser de façon dialectique ; l’exemple de l’approche inter communautaire démontre cette grande fragilité tant la gangue des préjugés est épaisse. Victor Segalen a éprouvé ces difficultés en écrivant ses Immémoriaux où il oppose  « les beaux parlers originels où s'enferment l'éclosion des mondes, la naissance des étoiles, les ruts et les monstrueux labeurs des dieux maoris » à la parole missionnaire détenue dans un livre. Les signes étaient autrefois dans la nature, maintenant le dieu unique a enfermé le monde dans les mots écrits… ».

Il faut donc accumuler toujours plus d’expériences pour aboutir à cette libération ; concernant les prolongements « exotiques » d’internet, c’est l’idée développée dans le 1er essai sur les prolongements de l’évolution d’internet et l’apparition d’un contre modèle africain. Le 2ième essai aborde la question de la mystification statistique qui, à notre époque, dépasse toute limite. 

Des expériences africaines m’ont permis de concrétiser via la pratique statistique les réflexions théoriques qui précèdent ; il est intéressant de noter qu’une fois de plus, l’Afrique est « en avance » sur ces scandales de l’aliénation et les réactions appropriées qui s’imposent. Depuis les « indépendances » les États africains luttent par tous les moyens contre le développent imposé de l’extérieur dans le cadre ubuesque de frontières coupant les ethnies en morceaux. Cette résistance sourde inclut la poussée démographique et les pays africains doivent aujourd’hui faire face à une surpopulation urbaine génératrice de violences, mais aussi emblématique des enjeux du futur…

Thématique 1 :

Quels prolongements pour l’internet ?
Un contre modèle africain ?

Thèse : Internet n’est qu’une étape vers un bouleversement beaucoup plus radical et planétaire de la communication entre les humains ; des technologies inspirées de l’i-pad vocal permettront prochainement un « retour aux sources »vers l’oralité conviviale et inspirée, que ne permet plus l’écrit appauvri par le Web ; il faut retrouver des échanges de valeurs et bâtir les vecteurs adaptés à notre monde mutant...

Déjà les anciens Grecs avaient des inquiétudes sur l'écriture et Socrate craignait que la poésie (pour Platon, il s’agit de la tradition orale) n'ait pas sa place dans la Cité idéale ; les poèmes épiques, comme l'Iliade, étaient en effet le moyen qu'avaient les Grecs de préserver et de transmettre le savoir d'une génération à l'autre.

La pensée écrite et attentive est en train de disparaître comme le sont les chants des poètes grecs. Nous devons réagir très vite au risque d’oublier de quoi il s'agissait, et anticiper sur d’autres modes de création spirituelle.

Pourquoi : la puissance du cerveau humain démesurément développée par les techniques informatiques (on a aujourd’hui 3000 ans de civilisation de l’écrit « en ligne » et on peut en croiser toutes les idées qu’on veut) a aussi des conséquences néfastes :

  • Anarchie de la recherche, déroutant puis décevant les jeunes générations ;
  • Anémie de la pensée spirituelle (de la « magie » de l’enfance à la bibliothèque des vieux) ;
  • Appauvrissement des échanges, etc.

Ce n’est pas que l’information en ligne soit de qualité moindre que celle des livres mais c'est que nous la consommons dans un état de distraction ; en essayant de faire plusieurs choses en même temps (on veut rivaliser de vitesse avec l’ordinateur), l'attention portée aux activités diminue, et nous les faisons chacune plus négligemment.

Comment : il faut que la parole de l’autre (y compris celle des ancêtres (1)) retrouve toute sa place (2) ; les progrès de la pensée ne sont pas linéaires et d’autres civilisations que la notre ont heureusement perpétué leurs traditions orales comme leurs échanges non-verbaux ; il faut s’en inspirer à bon escient !

Vision : j’ai revu récemment la ville de Nairobi où j’ai vécu dans les années 1980 ; les changements de cette capitale de plus de 5 millions d’âmes sont impressionnants tant en mal (embouteillages monstres) qu’en bien ; j’ai été en particulier fasciné par le centre ville, un « quartier de la Défense » à l’Africaine : tours de 20 étages décrépites à peine construites, leurs couleurs ocres, et surtout ces immenses posters verticaux qu’on y a accrochés (10 fois nos affiches du métro) : paysages de brousse, d’animaux, et ce Kenyan marchant seul dans la savane africaine, sans rien d’autre qu’un téléphone portable dans lequel il parle au monde entier ; bientôt à l’univers !

Thématique 2 :

L’usage des statistiques : de la mystification à la révolution sociale

Thèse : L’humanité a besoin de chiffres valides et pertinents pour promouvoir la justice économique et sociale. Les statisticiens ont développé des techniques de mesures précieuses dans des domaines comme la santé, l'éducation et le pilotage des politiques publiques. Cependant, la société moderne souffre de graves perversions en matière de statistiques : multiplication des quantifications orientées ; prolifération des données de qualité douteuse, détournement des indicateurs, etc. Les travaux critiques sur ces perversions n’en dépeignent en général qu’une image partielle - par exemple les biais statistiques en faveur des entreprises - sans prendre en compte le rôle de la publicité ou l’impérialisme des grands groupes militaro-industriels (3).

1 Dans les Immémoriaux, Victor Segalen raconte l'initiation de Teriux fonctions de Haere po : lors de son interminable apprentissage des généalogies, il utilise comme moyen mnémotechnique, un faisceau de cordelettes, appelée « origine du verbe », car « elle semblait faire naître les paroles ».

2 Robinson Crusoé devient fou de solitude sur son ile « Désespoir »  jusqu’à l’apparition de Vendreduquel il apprend – avant toute autre chose - à parler !

3 Que penser de la précision extrême des données citées par l’Administration Bush sur la prétendue prolifération d’armes de destruction massive par l’Irak, justifiant l’intervention armée des USA ?

La critique de ces manipulations doit être élargie (globalisation oblige) et débattue sur tous les fora disponibles ; parallèlement il est urgent de démocratiser les techniques douces (enquêtes qualitatives sur la pauvreté) tout en alphabétisant les consommateurs à l’utilisation critique des statistiques sur la base d’une éthique humaniste.

Pourquoi : L’exemple des mesures de l’incidence et de la profondeur de la pauvreté à partir des enquêtes auprès des ménages (4) suscite une quadruple critique :

  1. Définition inadéquate : la pauvreté ne réside pas seulement dans la faiblesse de la consommation et/ou le manque de revenus (5) ; cependant les instituts nationaux de statistique (INS) s’obstinent (6) à mesurer cette pauvreté monétaire à coup d’enquêtes fort coûteuses, réalisées à l’économie (échantillons réduits et fréquences faibles) ;
  2. Présupposés méthodologiques flous : le choix du seuil de pauvreté conditionne les résultats : à 60% du revenu médian, 1 français sur 7 se retrouve classé pauvre ; mais à 70% du même revenu médian, on dépasserait le taux de 1 pauvre sur 6 français. Quant aux comparaissons temporelles, elles restent très hasardeuses en raisons des points évoqués plus haut ;
  3. Champ mal différencié : que signifient des indicateurs de pauvreté produits au niveau national ? Est-on pauvre de la même façon en Ile de France ou à la Guadeloupe, en milieu rural ou urbain, chez les petits bourgeois surendettés et les émigrés des quartiers, dont les revenus proviennent en grande partie de l’économie souterraine…
  4. Non participation des intéressés : si ces derniers étaient proprement consultés (via des enquêtes qualitatives, par exemple (7)), ils diraient que la véritable pauvreté est la non-insertion sociale ou la non participation aux modes de vie ambiants. Que l’aide n’est pas la solution mais plutôt la multiplication des réseaux de solidarité, etc.

En Afrique, la Banque mondiale, patron et bailleur de fonds tout puissant, impose aux INS des questionnaires de plus de 100 pages dans ses enquêtes « niveau de vie des ménages » : les statisticiens qui ont travaillé durant des années sur ces nouveaux (8) programmes de « réduction de la pauvreté » savent bien que les résultats en sont techniquement critiquables ; ils découvrent aujourd’hui qu’ils sont souvent manipulés pour en faire des instruments de reproduction des mécanismes de pouvoir nationaux et internationaux !

4 Voir les résultats de 2011 récemment publiés par l’INSEE

5 Les éléments de revenu ne sont pas tous déclarés par les ménages interrogés ; quant aux coûts des consommations, ils varient suivant les points d’achats et peuvent être nuls dans le cas des « Restaus du Cœur » ou d’autres formes de trocs en plein développement dans nos sociétés sinistrées par la crise ;

6 Pour des raisons politiques et idéologiques, l’élite universitaire au pouvoir cherche ainsi à rassurer l’opinion en lui montrant qu’elle est capable de quantifier et contrôler ces phénomènes sociaux !

7 Ce type d’enquête est testé en Afrique via un questionnaire complémentaire d’une page intitulé « pauvreté subjective » et adressé à tous les répondants de plus de 18 ans aux enquêtes sur l’emploi ;

8 Il est révélateur de noter que ces programmes n’existent que depuis les années 1990 (avant, il s’agissait surtout d’aider les classes moyennes pour créer un pouvoir d’achat) avec comme principal justificatif l’argument « moral » que les dirigeants nationaux étaient trop corrompus pour faire attention à « leurs » pauvres, ce qui pose deux questions :
a/ Comment aider les pauvres ? en fonction d’impératifs moraux ou pour mettre en place un régime conforme aux souhaits politiques des actionnaires de la Banque ?
b/ Comment mesurer puis évaluer les effets de telles actions contre la pauvreté autrement que par des enquêtes directes auprès des « bénéficiaires », qui ne sont jamais menées ?

Comment :Comment : ces manipulations impudentes et trompeuses doivent être stoppées en brisant le monopole des instituts nationaux de statistiques, trop proches du pouvoir politique ; des ONG pourraient être formées puis subventionnées pour prendre le relais et développer des nouvelles méthodes d’approche systémique de tous les intéressés (9), les interrogeant sur leur vision du passé, du présent comme du futur.
A la responsabilité rétrospective (via l’évaluation), qui mesure sur quels points nous sommes responsables de nos actions passées, nous proposons (avec Hans Jonas), une responsabilité prospective ; cette nouvelle dimension éthique nous implique tous vis-à-vis des générations futures en proposant des solutions pour l’avenir à court et moyen termes.

9 Parmi les projets de développement les plus réussis, on relève en premier lieu les initiatives financées sur les fonds rapatriés des nationaux travaillant à l’étranger.

 

Les philosophes et le futur

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Tire ainsi tes flèches si tu veux devenir une lumière pour les hommes Homère