Sensation et réflexion
La sensation pour fin dernière.
La sensation est la finalité, l'analyse est le moyen.
La connaissance scientifique des choses, est une des motrices de l'évolution humaine. Par elle notre espèce chemine vers la confiance et la compréhension.
Mais le raisonnement, pour reprendre la terminologie d'Aristote, n'est pas la cause première de notre aventure. Ce n'est pas le but final de l'humanité. Imaginons l'homme parvenu à résoudre entièrement son monde (et nous pensons ici, qu'il y parviendra), ce qu'il lui resterait alors à faire en dernier lieu, c'est vivre et ressentir la vie.
Le raisonnement est extrêmement important pour construire notre monde, mais il rencontre et rencontrera toujours une limite face à la Vérité ultime avec
un grand V.
Prenons un exemple.
Aujourd'hui, nous pouvons décrire pratiquement tous les processus chimiques et biologiques à l'oeuvre dans le désir amoureux. Nous pouvons remplir plusieurs ouvrages de connaissances à propos de cette sensation. Mais aucun de ces livres n'équivaudra jamais, la sensation et le plaisir procuré par le désir d'aimer.
Tout est voué à la sensation
La théorisation, l'analyse, la conceptualisation ou l'observation sont des activités intellectuelles, fondamentales pour l'humanité. Mais elles ne sont pas destinées à elles-mêmes. Elles servent un but supérieur, celui d'améliorer les sensations humaines*.
* dont l'ultime échelon s'appelle : extase.
Un exemple évident est celui de la psychanalyse. Toutes les recherches théoriques dans ce domaine, sont destinées à accroître la sensation de bonheur de l'individu. L'analyste répare les traumas pour éliminer les empreintes désagréables au bénéfice des sensations de plaisir. Et c'est le cas pour toutes les activités humaines. La technologie est destinée au bonheur humain. La recherche scientifique également. Le travail philosophique aussi. Les évolutions sociales ont la même vocation. Toute activité humaine sert au final à améliorer le degré de bonheur ressenti de l'humanité.
Intelligence du principe créateurL'homme a envie de découvrir ce qu'il se passe réellement derrière les phénomènes.
Il a besoin d'écarter progressivement de son regard toutes les formes illusoires des choses. De dépasser les reflets derrière lesquels se dissimulent les plus profondes réalités.
Dans un premier temps, ce désir est destiné à comprendre notre monde. À en découvrir la logique. Mais le but profond de cette compréhension est tout autre. Il est d'abaisser le niveau d'angoisse, donc de sensations douloureuses, lié à l'inconnu. Toutes les questions métaphysiques qui sont encore sans réponse (qui y a-t-il après la mort, etc.), provoque du malaise physique dans l'humanité. Tant qu'il en sera ainsi, l'homme devra relever le défi de ces interrogations philosophiques. Il travaillera sans relâche à élucider l'absolu, l'infini, le temps, dieu, la mort... C'est la condition essentielle pour accéder à la jouissance du bonheur.
La recherche est donc fondamentale pour l'amélioration des sensations humaines.
Les deux connaissances
Science, extase et Dieu
Connaissances sensitives et descriptives
En schématisant nous pourrions dire qu'il existe 2 formes de connaissances. L'une est descriptive, elle observe les manifestations de l'extérieur. L'autre est sensitive, elle ressent les phénomènes
de l'intérieur. Ces deux formes d'appréhension ne peuvent se chevaucher.
- La connaissance sensitive est du domaine de l'intime. À partir du moment où elle est relatée, elle sort du sensitif pour s'intellectualiser. Elle quitte alors l'espace de la vérité pure (domaine exclusif de la sensation).
- La connaissance scientifique peut poser des lois universelles derrière lesquelles chacun peut se
rassembler. Mais elle accède simplement aux vérités pratiques et phénoménologiques et non pas à la vérité pure.
Le scientifique et le mystique
Ces deux formes de connaissance sont nécessaires à l'évolution humaine. Nous devons analyser le désir amoureux, mais nous devons également le ressentir dans nos chairs. Nous devons l'expérimenter charnellement pour le comprendre tout à fait. Entre ces deux formes de connaissance, existe une hiérarchie. L'analyse est au service du sensitif et non pas l'inverse. Autrement dit, la sensation prime dans l'humanité.
La vérité ultime serait donc du côté du sensualisme.
La recherche et le bonheur
Prenons un autre exemple pour saisir ce sens de priorité.
Les sciences physiques cherchent depuis longtemps à déchiffrer les grandes lois universelles. Mais ce n'est pas pour accomplir une performance. Ce n'est pas pour pouvoir dire : « l'humanité l'a fait ». C'est avant tout pour rassurer l'homme. Pour faire tomber des pans d'inconnu, donc des pans d'anxiété et donc du malaise physique et favoriser au contraire, les sensations découlant de la quiétude et de la tranquillité.
La véritable destination de toute recherche est d'accéder au bonheur, non d'en décrire les effets.
Lorsque l'humanité étudie la matière, le temps, l'infini, l'avant big-bang... ce n'est pas uniquement par curiosité intellectuelle.
C'est surtout pour se libérer des angoisses liées à ces questions profondes.
Faire tomber de l'anxiété au sein de l'humanité, c'est aujourd'hui le travail de la science. Dans ce travail, la philosophie et la religion l'ont précédé.
La religion et la sensation
Atma-bodha, kabbale, bible, coran, bagatha giva.. n'ont pas été écrit par pur effet de style. Ces livres sacrés étaient avant tout destinés à rassurer leurs pratiquants. A leur donner à ressentir les effets de cet enseignements (la béatitude, le nirvana).
L'extase au bout du chemin
La finalité d'un tel processus devient alors particulièrement claire. Une fois libérée de toute angoisse, l'état d'esprit de l'humanité sera obligatoirement
heureux. Il baignera naturellement dans l'amour, la quiétude et la paix. Vivre dans un esprit totalement serein et paisible, procure une sensation de bonheur intense. Une sensation intime et subliminale d'amour et de vérité absolue.
Cette expérience sensitive c'est l'extase, le nirvana la béatitude.
Une sensation mystique.Selon nous, l'extase est la seule expérience permettant d'accéder à la compréhension totale du monde. La seule pratique capable de résoudre en soi, l'ensemble des questionnements*
*par Dissolution pure et simple des questions métaphysiques
Selon nous encore, « l'envie d'extase » est inscrite dans les gènes même, de l'être humain. On la retrouve corrompu, dans nos attraits pour l'alcool ou les produits stupéfiants. On la retrouve dans l'exploit sportif et ses espoirs d'adrénaline. On la retrouve dans la quête du pouvoir, de la célébrité et ses sensations jouissives (pour certains). Dans les extases créatrices*. Et on la retrouve bien entendu, dans notre profonde attirance pour les sensations sexuelles.
*Lisons ce passage de Frédéric Nietzsche à propos des pensées créatrices qui illuminent : « Jamais le choix ne m'a été laissé. Un ravissement dont l'extraordinaire tension se résout parfois dans un torrent de larmes, ou le pas tantôt se précipite involontairement, tantôt se ralentit ; un état de complètes extases avec la conscience la plus distincte de mille frissons et frémissements délicats qui vont jusqu'aux orteils ; un abîme de bonheur, dans lequel le plus douloureux et le plus lugubre ne constitue pas un contraste, mais est une conséquence obligée, un élément indispensable, une nuance nécessaire au milieu d'une telle surabondance de lumière». Et ce désir d'extase est sans doute encore plus originel que la libido ou la volonté de puissance*. Il est le moteur de l'homme et par déclinaison, celui de
l'humanité
* La volonté de puissance est un des concepts majeurs de Frédéric Nietzsche. Nous pouvons trouver des similitudes entre cette volonté de puissance et « l'envie d'extase » dont nous parlons ici. La différence se situerait au niveau du type de sensation lié au réel et permettant d'atteindre la vérité. Pour Nietzsche, ce sont les instincts, les appétits, les passions, les forces spontanées et agressives qui le permettent. Et ces sensations permettent en effet d'atteindre une certaine vérité. Mais pour la mecaniqueuniverselle, ce sont des sensations justement délivrées de ces instincts primaires qui permettent d'atteindre la vérité sensitive. À travers l'extase.
2002
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