Le nirvana dans la mecaniqueuniverselle
Nirvana et évolution
Béatitude sans fin, horizon de l'humanité
Le nirvana est appelé incomposé (asamskrta ) c'est-à -dire absolu, ni causé ni conditionné, dépourvu de naissance et de cessation, de transformation et de durée, car il échappe à la grande loi de l impermanence à laquelle sont soumis tous les êtres et toutes les choses, lesquels sont par nature composés (samskrta ). Il ne peut donc être classé dans aucune des catégories où la doctrine bouddhique range ceux-ci; il n'est ni
matière ni pensée, ni bon ni mauvais, sans rapports avec les vices ni avec les vertus, situé au-delà des étages les plus élevés, les plus subtils qu'on puisse atteindre par les méditations et les exercices analogues, en dehors de l'univers sans bornes où vivent les êtres, les dieux comme les hommes, en dehors même du temps, car on
ne peut dire qu'il soit passé, présent ou futur.
Il est appelé l'autre rive, l'île, le refuge, l'abri, la protection, la sécurité, la quiétude, l'état où l'on est délivré de la douleur, de l'affliction, du désir, des impuretés...
Il est encore appelé l'immortel (amrta ) le but suprême, la fin, l'état excellent, extraordinaire, merveilleux, subtil, très difficile à voir, invisible aux yeux
des hommes ordinaires. Le nirvana apparaît comme un état de béatitude imperturbable où il n'y a rien de ce qui appartient à notre monde et aux êtres qui le peuplent, un état hors de l'espace et du temps que le bouddhisme concevait pourtant, en fait, comme infinis l'un et l'autre.
Cette béatitude est-elle la sérénité dont jouit ici-bas le saint qui s'est complètement délivré de ses passions et de ses erreurs, en attendant la fin de sa dernière existence? Il est évident que cette sérénité n'est pas aussi totale ni aussi continue qu'il pourrait l'espérer
puisqu'il demeure soumis aux peines et aux souffrances inhérentes à la vie humaine, maladies, accidents, vieillesse, déceptions, chagrins, comme le montrent abondamment les textes canoniques racontant la vie du Bouddha et de ses meilleurs disciples. Cette béatitude est-elle atteinte seulement après la mort, après l'extinction complète? Mais, on l'a vu, elle ne peut être, en toute logique, que l'anéantissement total du saint, qui ne peut donc plus goûter une telle béatitude non plus qu'aucun autre sentiment. Cette dernière objection est cependant repoussée par les bouddhistes, qui se fondent sur certains sermons où le
Buddha déclare qu'on ne peut absolument rien dire de celui qui s'est complètement éteint, qu'aucun
mot ne permet de le désigner, qu'on ne peut prétendre ni qu'il existe, ni qu'il n'existe pas, ni qu'il existe et n'existe pas tout à la fois, ni nier, conjointement, qu'il existe et n'existe pas. Comment interpréter alors de telles paroles, contraires à toute logique? Les adversaires et les défenseurs du bouddhisme, aujourd'hui comme dans l'Antiquité, en Occident comme en Orient, ont proposé des explications très différentes, dont on peut résumer ainsi les principales. Selon les uns, le Buddha savait très bien que ce nirvana
était l'anéantissement complet; toutefois, pour ne pas effrayer ses disciples, il a voulu le leur cacher en tenant des propos sibyllins mais rassurants. Selon d'autres, le bienheureux
n'aurait rejeté toutes les thèses d'ordre métaphysique, en particulier celle de l'existence du soi (atman ) et celle de l'existence du saint après l'extinction complète, que pour détourner ses disciples des
vaines spéculations et pour les aider à se détacher de toutes les passions fondées sur de telles croyances, égoïsme, désir, haine, orgueil ... On ne pourrait donc pas lui attribuer
vraiment l'idée que le soi n'existe pas ni la
thèse du nirvana pur néant. D'après certains, le Buddha admettait un principe personnel très subtil, immuable et éternel, qui, après avoir traversé la longue série des transmigrations, goûte enfin la béatitude de la Délivrance. Mais pour d'autres, le nirvana atteint par le saint après sa dernière existence serait un
état de béatitude sans fin, inconcevable et ineffable, au-delà des limites que peut toucher la pauvre raison humaine, là où les notions d'existence et de néant n'ont plus aucun sens.
Quelques routes vers d'autres extraits relatifs à la béatitude, au nirvana, à l'extase : Althusser, Averroès, Épicure, Janet, Kant, Pic de la Mirandole, Rogue, Sankara, Sikhs, Van Ruysbroeck, Spinoza, Stein,
Valladier, Rousseau. |