France English Português Contactez nous

facebook petite icone bleue
twitter petite icone
flux rss, icone
mecaniqueuniverselle.net : aller à la page d'accueil
  • extase

A. Valladier, Abbé de St Arnoul

La sainte philosophie de l'âme

De l'âme gravure du XVIIe siecleDe l'extase

La douceur de cette extase n'est connue que de ceux qui l'expérimentent. Saint-Bernard.

André Valladier, né en Haute Loire en 1565 et décédé 1638 à Metz. Théologien jésuite, abbé de l’abbaye de Saint-Arnould et écrivain français.

Qu'est-ce donc que l'extase de l'âme ? Las ! Plut à Dieu, seigneur, que nous en sachions quelque chose, non tant par spéculation que par expérience, et qui serait bien plus douce à notre âme, que le discourir à nos oreilles. Personne n'en peut bien parler, qui ne les goûté. Et partant disait l'extatique Bernard : je crois que personne ne peut bien savoir « ce que c'est que ce baiser que celui qui le prend : car c'est une manne cachée, et celui seul qui la mangé en a encore appétit : une fontaine close, à laquelle l'étranger n'a point de part : la seule et rare perfection goutte ce doux baisers. »

Et le grand saint Denys Aéropagite parlant de l'extase, et en écrivant à Timothée, l'admoneste de ne point communiquer la profondeur de ce secret à toute sorte de gens. « Garde-toi bien d'enseigner ces mystères aux indoctes. » Il appelle indoctes les savants de la terre, lesquels s'amusant après les connaissances insipides et idiotes du monde, et de la philosophie, ne savent savourer le sucre surnaturel de cette science d'amour, de laquelle l'âme dévote seule est capable, bien que destitué des autres sciences.

Qu'est-ce donc que l'extase ?

Les platoniciens en ont voulu sentir leur part, et parlant à leur mode, disaient qu'elle consistait en un attouchement, et approches essentielles des idées du premier intellect, qui peut faire toutes choses en celui qui en est susceptible : duquel attouchement comme d'un certain embrassement se conçoivent les images, et l'âme est effeuillée et est purgée avec le nectar, et l'ambroisie de la contagion, qui lui est venue du gouffre de léthé. De même discourent Pythagore, Empédocle, Héraclite, et Socrate, au Phèdre de Platon, et voulaient dire que ce ravissement n'est autre que l'union de l'entendement avec l'essence idéale de Dieu première intelligence.

Plotin platonicien ajoute que cette élévation va si haut « afin que l'esprit dénué de l'enrouillement et des affections sensuelles, puisse adhérer pur et net au premier parent, et créateur, et le contempler. Est-ce tout ? Ce n'est rien : et croyais-je que ces philosophes ne s'entendaient pas eux-mêmes.

Disons donc, qu'est-ce que l'extase ?
Attendez s'il vous plaît.

Il faut voir premièrement si ces païens ont pu avoir connaissance, ou même expérience et jouissance de cette abstraction si sublime de l'âme : ou si ce n'a été qu'une vanterie grecque et métaphysique. Il semble que naturellement cela ne se peut, disait Aristote De anima : « l'âme contemplant, il est nécessaire qu'elle contemple avec le fantôme ». Ce ne sera donc pas ravissement, et il ne le pourra être, le corps travaillant et opérant avec l'âme. C'est une propriété inséparable de l'âme, de spéculer les fantômes en ses plus abstraites fonctions, et ainsi attaché au corps, que si l'imagination se trouble tant soit peu, elle est détraqué, et n'opère que sinistrement, comme nous le voyons aux frénétiques.


(...)

Qui fut la cause, qu'Aristote cru que l'homme et la femme étant en l'action charnelle, et à ce plaisir le plus gluant de tous, était destitué de l'usage de raison, et comme en une contre extase charnelle, étant le sens de l'attouchement tellement occupé à cette volupté, qu'il courbe et y renverse la raison. Excellente similitude pour entendre ce qui est de la vraie extase de l'âme. Car il se peut que l'entendement au contraire s'occupe aussi puissamment à ses fonctions spirituelles, qui laisse là toutes les facultés corporelles, et partant sera comme en extase. Étant pensif bien souvent vous ne verrez pas celui qui passe devant vous. Valère Le Grand écrit que Carnéades philosophe, était si adonné à la philosophie, qu'étant assis à table pour prendre son repas, il était si avant, et si profond dans ses pensées, qu'il s'oubliait étant à table de porter la main à l'assiette. Il fallait que Mélissa sa femme lui mit le morceau en main, et lui porta la main à la bouche.
Sénèque en été de même, et autres de pareille vivacité d'esprit, se rehaussaient tellement par-dessus ces facultés basses, et roturières, qu'ils n'agissaient en rien par celles-ci. Ensuite de quoi l'auteur de la science divine, selon les Égyptiens, allègue que Platon disait de lui-même « souvent étant en contemplation, laissant ce corps, il m'a semblé de jouir du souverain bien avec un plaisir incroyable : c'est pourquoi j'ai été tout ravi, et étonné de me voir être une parcelle du mode supérieur, et être parvenu à une vie immortelle sous une grande lumière laquelle ne peut être exprimée par la parole, ni apprécié par l'ouïe, ni comprise par la pensée. » Et puis revenant à soi ajoutait, « enfin et lassé de cette forte contemplation, je suis retombé à la fantaisie, et venant à manquer cette lumière, je suis devenu fort triste. » Mercure Hermès Trismégiste au commencement de son Pimandre dit de lui, quêtant sur la considération de la philosophie, il fut destitué de tous ses sens, et à emporter et ravi à divinamente (par l'intelligence divine) et appris d'elle tout ce qu'il désirait savoir.

Alcibiade aux convives dit de même de Socrate. Platon dit du même Socrate qu'il restait immobile, sans remuer ni les yeux, ni la bouche, ni aucun membre du corps.

Archimède se trouva en la ville de Saragosse en Sicile, lorsqu'étant affligée elle fut prise d'assaut, au moment où il était si attentif à faire ses figures sur le sable, au milieu d'une place, qu'étant entrée l'armée, il n'en ouïe rien, et fut trouvé là-dessus sans bouger, et sans rien sentir de ce qui se passait, comme l'a écrit Plutarque.

Zenocrates, disciple de Platon, demeurait tous les jours ravi l'espace d'une bonne heure. Porphyre écrit que Plotin son maître se trouvait si souvent en ravissement d'esprit que l'âme ne sentait rien du corps ni des choses de ce monde, comme s'il en était dehors, et que pour lors il connaissait de grand secret.

Quelques routes vers d'autres extraits relatifs à la béatitude, au nirvana, à l'extase : Althusser, Averroès, Épicure, Janet, Kant, Pic de la Mirandole, Rogue, Sankara, Sikhs, Van Ruysbroeck, Spinoza, Jean-Jacques rousseau

123456789101112131415161718