Biographie métaphorique n°7
Bio imagée de l'auteur
Guy de Pourtales
Et combien à ses travaux n'a-t-il pas donné de temps, ce Gast, écrivant sous la dictée de son ami, mettant ses notes au clair, recopiant ces manuscrits, soigneux de cette santé fragile, plein de tact et de discrétion, attentif à ne jamais froisser le caractère ombrageux de Nietzsche, à ne jamais peser sur cette intelligence névralgique. Nietzsche en Italie.
Friedrich Nietzsche
Comment pourrais-je seulement me confondre avec ceux pour lesquels des oreilles poussent dès aujourd'hui ? Après demain seulement m'appartient. D'aucun assaut posthume. Friedrich Nietzsche l'antéchrist.
Le moindre contact intellectuel suffisait à faire jaillir de son esprit, une profusion étincelante d'idées et de réflexions.
On pourrait croire, au premier abord, que la signification philosophique de l'œuvre de Friedrich Nietzsche, soit affaibli par le faite qu'elle reproduit constamment le même schéma intérieur. Ou bien au contraire elle devient plus plus profonde et plus aiguë: le changement de point de vue lui permet de toujours revenir à l'essentiel. Lou Andréas Salomé
à Overbek. "Je ne suis pas du tout fait pour la solitude et à l’heure actuelle, où je ne sais plus comment m’en délivrer, je suis accablé presque chaque semaine d’un si brusque dégoût de l’existence que j’en suis malade. Plus elle dure, plus la solitude est une chose dangereuse »
Lorsqu’il etait malade, une ancienne amie venue
lui rendre visite notera : « La beauté de ses yeux qu’aucun verre ne voilait, était parfaitement bouleversante. Ce regard stellaire d’une pénétrante tristesse, qui semblait errer dans le lointain et, en même temps, plonger au plus profond de lui-même, irradiait une force extraordinaire, libérait un fluide magnétique auquel nulle âme sensible ne pouvait se soustraire ».
« J’ai vu le malheureux lui-même : il est totalement éteint et ne reconnaît plus personne, hormis sa mère et sa sœur. Il n’articule guère plus d’une phrase par mois, il est complètement affaissé, rabougri, débile, mais conserve le teint frais. Bref, un spectacle à vous arracher des larmes ! ».
Nietzsche paraît insensible à la joie comme à la douleur. Pendant ces quatre jours, il écrit une multitude de lettres adressées au roi d’Italie (« A mon fils bien-aimé Umberto »), au Pape,
Dans un fragment posthume daté de 1880 Nietzsche écrit : « Mon pathos ? Reproduire en moi l’effroyable souffrance du sentiment de culpabilité ».
Mais Nietzsche se sent mal à son aise dans ce milieu, et il passe seul, dans la tristesse, les fêtes de fin d’année. C’est le début d’une longue série de Noëls solitaires, passé à examiner sa vie, à se reprocher le temps perdu
“Je ne comprends plus du tout à quoi bon je devrais vivre, ne fût-ce que six mois de plus […]” (Lettre à Overbeck, 24 mars).
Le jugement de Gast à propos de Zarathoustra lui remontera le moral 1883 ..
Il se brouille définitivement avec Lou : “Elle me manque, même avec ses défauts. […] Maintenant c’est comme si j’étais condamné au silence ou à une sorte d’hypocrisie humanitaire dans mes rapports avec tous les hommes”. (Lettre à Overbeck, fin août).
"Je fremis à la pensée de tout l'injuste et l'inadéquat qu'un jour ou l'autre se réclamera de mon autorité"
(à propos de) Jacques Attali
Il est si fragile qu’il ne peut se servir un café sans tâcher son costume. Il est si émotif qu’il somatise pour un rien : un mauvais regard du président, et aussitôt la grippe le ravage. Cet homme exsude d’anxiété. Frantz Olivier Giesbert
I. L. Peretz
Non, je ne suis pas retomber dans la dévotion. La Libre-pensée ne mettrait pas (...) L'homme qui erre et qui remet tout en question est mon ami. Ce qui m'effraie et me met hors de moi, c'est la vile platitude de celui qui nie aveuglément et stupidement toutes élévations de l'âme.
Spinoza, Will Durant,
Il était phtysique par hérédité; la réclusion relative dans laquelle il avait vécu, l'atmosphère chargée de poussière dans laquelle il avait travaillé n'était pas faite pour remédier à cette infirmité native. Il éprouva une difficulté toujours plus grande à respirer ; et d’années en années ses poumons s'affaiblirent. Il se résigna à une fin précoce, craignant seulement que le livre qu'il n'avait osé publié de son vivant ne soit perdus ou détruits après sa mort. Il plaça son manuscrit dans un petit secrétaire qu'il ferma et dont il remit la clé à son hôte en lui demandant de transmettre le tout, clés et secrétaire, a Jean Rieuwertz, éditeur à Amsterdam, quand l'inévitable serait arrivé.
Will Durant : Vie et doctrine des philosophes sur Spinoza
Spinoza
L'expérience m'ayant appris à reconnaître que tous les événements ordinaires de la vie commune sont choses vaines et futiles, et que tous les objets de nos craintes n'ont rien en soi de bon ni de mauvais et ne prennent ce caractère qu'autant que l'âme en est touchée, j'ai pris enfin la résolution de rechercher s'il existe un bien véritable et capable de se communiquer aux hommes, un bien qui puisse remplir seul l'âme tout entière, après qu'elle a rejeté tous les autres biens, en un mot, un bien qui donne à l'âme, quand elle le trouve et le possède, l'éternel et suprême bonheur.La réforme de l'entendement.
Théophile Gautier
Au long des murs, quand le soleil y donne,
Pour réchauffer mon vieux sang engourdi,
Avec les chiens, auprès du lazarrone,
Je vais m'étendre à l'heure de midi.
Je reste là sans rêve et sans pensée,
Comme un prodigue à son dernier écu,
Devant ma vie, aux trois quarts dépensée,
Déjà vieillard et n'ayant pas vécu.
Je n'aime rien, parce que rien ne m'aime,
Mon âme usée abandonne mon corps,
Je porte en moi le tombeau de moi-même,
Sappho
J'ai reçu des muses le vrai bonheur
quans je mourrais,
je ne serai pas oublié
Herbert Spencer
pour le reste, il glana ses connaissance au hasard de la route. Jusqu’à l’âge de 30 ans il ne s’était jamais occupé de philosophie. (...)
Il ne faut donc pas s’étonner si le prolétaire comme l’homme d’affaire l’écoutaient volontiers ; son esprit comme le leur, était étranger à la science apprise dans les livres, ignorant de la culture, et cependant doué de ce savoir naturel et pratique de l’homme qui s’instruit tout en travaillant. (...)
Il faisait preuve d’une belle persévérance, mais aussi d’une obstination opiniâtre ; il savait embrasser d’une seul coup d’œil le monde entier pour y trouver la justification de ses hypothèses, mais il ne pouvait entrer dans les idées d’autrui ; il avait le sentiment de sa valeur, comme tout non-conformiste il ne pouvait sans orgueil soutenir sa grandeur. Il avait tous les défauts d’un pionnier : une étroitesse dogmatique jointe par à une sincérité courageuse et à une originalité profonde ; résistant à toute flatterie, refusant tous les honneurs officiels qu’o lui offrait, (...)
Il était tellement occupé à analyser et à décrire la vie qu’il n’avait pas le temps de la vivre pour son compte.(...)
Il a écrit sur les plus difficiles problèmes en termes si limpide que, pendant toute une génération, le monde entier pris goût à la philosophie.
(...)
Lorsqu’en 1858 il révisait ses essais en vue d’une publication collective, il fut frappé par l’unité et la cohérence des idées qu’il avait exprimé ; Et la pensée lui vint aussitôt, telle un rayon de soleil qui pénètre par une porte ouverte, que la théorie de l’évolution pouvait s’appliquer à toutes les sciences aussi bien qu’à la biologie ; qu’elle pouvait expliquer non seulement les espèces et les genres, mais les planètes et les couches terrestres, l’histoire sociale et politique, les conceptions morales et esthétiques. Il projeta toute une série d’ouvrage où il montrerait l’évolution de la matière et de l’esprit depuis la nébuleuse jusqu’à l’homme, et de l’homme sauvage jusqu’à Shakespeare. Mais il désespéra presque, en songeant qu’il avait près de 40 ans. Comment un homme de cet âge et de santé débile pourrait-il avant de mourir, parcourir à lui seul tout le chant des connaissances humaines (...)
Il savait qu’il ne recouvrerait jamais la santé et qu’il ne pouvait travailler plus d’une heure de suite. (...)
Il n'avait que très peu d'amis intimes. « Aucun homme», écrivait-il, « n'est à la hauteur de ses œuvres. Le meilleur de son esprit va dans ses ouvrages, en se dégageant de la masse des idées inférieures avec lesquelles il se mélange dans la conversation quotidienne ».
Il était devenu impopulaire dans presque toutes les classes de la société.
Francis Bacon
J'aimerais mieux croire toutes les fables de la légende, du talmud et de l'alcoran, que de croire que cette grande machine de l'Univers, ou je vois un ordre aussi constant, marche toute seule, et sans aucune intelligence du président.
Schopenhauer
"Une personne intelligente, seule, trouvera un excellent divertissement dans ses pensées et son imagination, tandis que même le changement constant d'interlocuteurs, de performances, de voyages et d'amusements ne protégera pas l'idiot de l'ennui qui le tourmente." (Will Durant "vies et doctrines des philosophes").
Comme un pessimiste intelligent, il avait évité le piège où tombent les optimistes - celui de vouloir gagner sa vie par sa plume.
Les universités l'ignoraient, lui et ses ouvrages, comme pour confirmer sa pensée que tous les progrès en philosophie se font hors des académies.
Rien, dit Nietzsche "ne vexa d'avantage les savants que la dissemblance qui existaient entre eux et Schopenhauer". Mais il avait appris à patienter ; il etait sûr qu'un jour ou l'autre on reconnaitrait sa valeur.
Voltaire
capable de tuer d'un coup de plume et pourtant désarmé à la première avance. (Will Durant "vies et doctrines des philosophes").
Vers la préface
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