Histoire de l'art et évolution de l'homme
L'art et la société humaine
L'intention créatrice
Le désir de créer de façon intentionnelle et esthétique semble bien être une attitude foncièrement humaine.
Les
origines latines et grecques du mot « art », rapprochent cette pratique de l'habileté technique. L'antiquité l'a reliait au procédé, au
métier, à la techné. L'habileté et la technique sont effectivement présentes dès les premières traces de productions qualifiées aujourd'hui d'artistiques. Mais elles ne traduisent certainement pas la vocation initiale de l'art. Le désir de montrer sa technique, son savoir-faire, est effectivement présent à l'origine de l'intention artistique. Mais ce n'est que l'enveloppe superficielle d'un mobile et d'une fonction plus profonde. Un peu comme l'art de la parure révèle le désir de séduire mais également le profond besoin d'être aimé.
Les sources et les intentions de la création artistique me semblent davantage rattachées à l'exaltation suscitée par la prise de conscience des choses. Produire du beau semble le reflet des premiers émerveillements d'un esprit s'ouvrant sur lui-même et sur son monde environnant. Le goût pour l'esthétique, comme pour le mystique,
le mythique ou le magique, sont sans doute bien antérieur à l'attrait pour la technique à proprement parler. Nous pouvons avoir une petite idée de cette vocation spirituelle et esthétique en admirant les fresques d'Altamira, de Lascaux ou encore les sculptures des peuples premiers.
Dès les premières œuvres artistiques produites par l'humanité, leurs créateurs affirment leur fascination pour le monde qu'ils découvrent. En toute liberté, ils transmettent au bois ou à la pierre, toute leur sensibilité, toute leur créativité, leur intelligence et leur imagination. Les contemplatifs, les sensibles, les chercheurs et les imaginatifs, accompagnaient les chasseurs et les guerriers dès les débuts de l'humanité habile.
De la raison de l'art
Par-delà le raisonnable
Évidemment, aucune règle pertinente ne nous permet de définir précisément les qualités et la vocation de l'artiste dans la société. Autant d'artistes autant de missions pourrait-on dire.
Pourtant, un être humain ne se dirige pas vers la création artistique par hasard. Il est prédestiné à l'art en quelque sorte, comme d'autres au buziness, au sport, à la politique, ou à l'armée. En s'appuyant sur les attributs communs des élu(e)s de l'art, il semble alors possible de risquer quelques thèses à propos du rôle de l'artiste, et du sens de l'art pour le développement humain.
Des qualités de l'artiste, découle la raison de l'art
Pour faire un artiste, me semble-t-il, il est nécessaire d'avoir certaines prédispositions. La sensibilité, l'intuition, l'imagination, l'anticipation, la capacité à transformer son exaltation en symboles, en métaphores, font sans doute parti de ces qualités. Il faut également disposer d'un certain don de visionnaire (de chaman).
Et il faut être psychiquement enclin à vouloir (ou devoir) engloutir l'énergie de son existence, dans la réflexion et la créativité.
Il est possible dès lors, qu'à l'origine de l'art, nous rencontrions l'incapacité d'être un bon chasseur, un bon guerrier (en un temps où sans doute, c'était les valeurs à la mode) comme premier moteur de l'histoire de l'art.
D'où l'importance de la névrose chez l'artiste, comme l'exprime très bien Sigmund Freud dans son introduction à la psychanalyse :
L'artiste est en même temps un introverti
qui frise la névrose. Animé d'impulsions et de tendances extrêmement fortes, il voudrait conquérir
honneurs, puissance, richesses, gloire et amour des femmes. Mais les moyens lui manquent de se procurer ces satisfactions. C'est pourquoi, comme tout homme insatisfait, il se détourne de la réalité et concentre tout son intérêt, et aussi sa libido, sur les désirs créés par sa vie imaginative, ce qui peut le conduire facilement à la
névrose…
Et voici comment l'artiste retrouve le chemin de la réalité. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'il n'est pas le seul à vivre d'une vie imaginative. Le domaine intermédiaire de la fantaisie jouit de la faveur générale de l'humanité, et tous ceux qui sont privés de quelque chose y viennent chercher compensation et consolation.
Mais les profanes ne retirent des sources de la fantaisie qu'un
plaisir limité.
Le caractère implacable de leurs refoulements les oblige à se contenter des rares rêves éveillés dont encore ils se rendent conscients. Mais le véritable artiste peut davantage. Il sait d'abord donner à ses rêves éveillés une forme telle qu'ils perdent tout caractère personnel susceptible de rebuter les étrangers, et deviennent une source de jouissance pour les autres. Il sait également les embellir de façon à dissimuler complètement leur origine suspecte.
La frustration donc, de pulsions incapables de s'exprimer, serait à l'origine de l'art, de la créativité. Mais, le moteur, s'il donne le mouvement à l'automobile, ne donne pas les raisons du voyage. Il ne révèle pas la raison profonde du désir d'exploration. Et cette force poussant l'humanité à chercher et chercher encore, est l'origine même du but de notre progrès et de son orientation vers la perfection.
2001
le respect envers l’œuvre d'art |