La honte, une émotion positive Qu'est-ce que la honte ? La Honte, vue par le XIXe siècle.
Le sens de ces mots n'est pas assez précis pour que l'on puisse les définir brièvement. La honte est quelquefois la conscience d'une action qui dégrade l'homme dans sa propre estime, elle est aussi la crainte d'entendre l'expression d'un blâme, mérité ou non, et par conséquent, elle se soumet au joug des préjugés dominants comme aux ordres d'une morale judicieuse, aux conseils de l'honnêteté et des convenances.
Ce n'est pas un guide qui arrête sur la bonne voie, mais seulement un obstacle qui ferme quelques-unes de celles qui n'aboutissent qu'au mal, et quelques autres qui seraient indiquées par la vertu. C est ainsi qu'une mauvaise honte, empêche trop souvent de réparer les dommages causés par des propos indiscrets, une démarche imprudente, un abus de pouvoir, une négligence, etc.
Tel homme opulent; dit Horace, craignant de passer pour prodigue et dissipateur, refuserait de venir au secours d'un ami qui souffre de la faim et du froid. La honte n'est donc pas un frein moral sur lequel on puisse compter dans tous les cas, à quelque degré qu'on la porte, et de quelque manière que sa résistance se fasse sentir. L'expression énergique, mais très juste : boire sa honte, devait avertir le législateur et provoquer ses méditations sur l'inefficacité de l'ignominie, considérée comme moyen de répression, et trop prodiguée dans nos codes criminels. Les hideux spectacles mis trop souvent sous les yeux du public, émoussent plus les sens moraux, qu'ils ne peuvent les exciter, et les développer à l'avantage de la société.
- Rien de ce qui présente quelque idée de grandeur, ne passe pour honteux ; l'audace ne flétrit jamais, au lieu que tout ce qui lui est opposé dans la conduite et le caractère de l'homme, peut mériter la honte. L'infortuné que le besoin réduit à mendier, refuse quelquefois de recourir à cette humiliante ressource, c'est un pauvre honteux, le brigand est au dessus de la honte, il semble que cette sorte de censure, perd ses droits et s'arrête lorsque le crime commence. Un petit mensonge peut être honteux ; une calomnie atroce ne le sera pas si elle tient son origine de fortes passions, et surtout si elle a été très funeste à sa victime.
-On donne quelquefois le nom de honte à une timidité qui gêne l'expression de la pensée, parce que les Latins la comprenaient parmi les nombreuses acceptions du mot pudor. C'est dans ce sens qu'Horace, en parlant des courtes réponses qu'il fit à Mécène lors de leur première entrevue, donne cette raison de l'embarras qu'il éprouvait :
Infans namque pudor prohibebat plura profari.
Il semblerait, d'après cette observation, que notre idiome a poussé plus loin l'analyse des sentiments moraux, qu'on ne l'avait fait à Rome jusqu'au siècle d'Auguste, puisque nous avons des mots pour exprimer des nuances que l'on n'apercevait pas alors, des distinctions que l'on n avait pas faites. Mais cette œuvre de bonne logique, n'est pas terminée, même pour le mot honte, et ce n est pas le plus important.
C'est la pudeur qui prescrit de voiler les parties honteuses du corps humain. La pudeur ne peut être confondue avec la honte, quoique le mot impudeur signifie le plus souvent l'insensibilité aux atteintes du blâme public, aux réclamations de la conscience. César était dit-on, d'une impudicité outrée, mais il n'eut pu supporter la honte.
En mettant la pudeur en possession de ce qu'elle peut réclamer à bon droit, elle devient une des plus nobles vertus, elle exalte le sentiment de l'honnête, rend scrupuleux sur ce qui mérite d'être considéré comme décent, fait éviter soigneusement ce qui offenserait ce tact moral qui est pour le sentiment ce qu'est l'esprit dans le domaine de l'intelligence. Il n y a peut-être pas moins de mauvaise honte que de bonne dans l'état actuel de nos sociétés, la pudeur est toujours bienfaisante et toujours aimable.
FERRY. Dictionnaire de la conversation 1836
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