La peur, une émotion La peur, la frayeur, la terreur

La peur, la crainte, vue par le XIXe siècle
La mecaniqueuniverselle est heureuse de vous présenter cette petite analyse de la peur,de la crainte, proposée par le dictionnaire de la conversation de 1835
" Quand la crainte s élève au degré de la PEUR, les résultats de l'impression cérébrale sont plus saillants : la contraction du diaphragme, muscle qui concourt puissamment à la respiration, force à faire des inspirations grandes et involontaires, tandis que les expirations sont entravées; alors on suffoque ; le sang étant retenu dans les poumons ainsi que dans les cavités du cœur, qui palpite au lieu de battre librement la respiration devient convulsive et les syncopes surviennent fréquemment; la gêne de la circulation cause en même temps un refroidissement du corps tel qu'il amène le frisson.
- L'influence de la crainte et de la peur sur les mouvements du cœur est si évidente que l'on considère vulgairement cet organe comme le siège du courage, et qu'on dit en parlant d'un homme habituellement dominé par cette force, qu'il est pusillanime, poltron, lâche, sans coeur; si, stimulé par la honte ou par le besoin de se défendre, il fait meilleure contenance, on ajoute que le coeur lui revient au ventre.
Aux troubles de la circulation et de la respiration se joignent les suivants : la peau se cripse et se couvre d'une sueur froide; des larmes jaillissent soudainement des yeux, des excrétions sont effectuées involontairement par la contraction de la vessie et celle des intestins, mais non par leur relâchement comme on le croit trop communément ; l'action du cerveau éclate surtout sur ces derniers organes. Tandis que des excrétions sont ainsi provoquées, des flux habituels ou accidentels se suppriment ; la salive se tarit dans la bouche; les plaies en suppuration se dessèchent, etc.; l'évacuation mensuelle est fréquemment tarie par cette cause. La jaunisse est encore un effet commun de la peur.
- D'autres fois le cerveau triomphe de cette émotion générale et réagit avec assez d'énergie pour que la volonté recouvre son empire. Alors on emploie toutes ses ressources pour se soustraire au mal ou pour le combattre. A cet effet, on a souvent recours à la fuite : l'ame en ce cas, descend dans les jambes, suivant l'expression d'Homère. En cet état, on peut commettre les actions les plus ridicules, s'effrayer de son ombre et de tout ce qui nous environne, tel fut le cas de Démosthène qui, fuyant un champ de bataille, rendit dit-on ses armes à un buisson auquel ses vêtements s'étaient accrochés. Les animaux, même les insectes les plus chétifs, quand-ils craignent des ennemis, ont aussi recours à la fuite ou emploient des ruses qui excitent l'admiration par l'intelligence qu'elles exigent : quelquefois, par exemple, ils se laissent tomber comme morts ; est-ce un état de stupeur ? est ce un expédient ?
- Quelquefois la peur procure des guérisons extraordinaires : on cite des malades perclus depuis long temps, qui ont quitté leur lit étant menacés par le feu et ont recouvré l'usage de leurs membres. On a vu un goutteux soudainement guéri par un boulet qui passa près de lui durant un siége, etc... Ces faits ont suggéré l'idée d'employer la peur pour guérir des mouvements épileptiformes qui se propageaient chez des enfants par l'imitation, force qui nous porte à bâiller, à pleurer, à rire en voyant ces actes ; force qui propage la manie du suicide, dont tant d'exemples affligeants s'offrent aujourd'hui. Cet entraînement transmet rapidement la peur parmi les hommes réunis en masse. Dans ce cas, les anciens l'avaient surnommée panique du grec pan qui signifie tout. On l'observe souvent à la suite des batailles, comme aussi, durant les épidémies : dans cette dernière occurrence, elle est très funeste parce qu'elle favorise l'infection des miasmes.
Frayeur, panique, effroi, terreur, épouvante
D après de tels effets il n'est point étonnant qu'on ait élevé des autels à la Peur, et que l'idée seule de cette affection suffise pour produire un mal. La peur qui affecte à l'improviste et qui dure peu se nomme frayeur, et la situation dans laquelle on se trouve est appelée effroi. Si la crainte s'élève au degré extrême de la TERREUR, l'homme demeure immobile : ses sens sont comme perclus; la voix lui manque, sa bouche se dessèche, ses oreilles s'abaissent, ses poils et ses cheveux se bérissent, tant la contraction de la peau est forte; quelquefois ils blanchissent subitement, ou se dessèchent et tombent ; l'intelligence l'abandonne, et il demeure stupéfié état qu'on nomme épouvante.
La folie, la démence, la paralysie, l'épilepsie, sont souvent des résultats fréquents de cette violente émotion ; la vie peut même s'éteindre plus ou moins promptement.
Bien que cette affection soit formidable sous les rapports que nous avons indiqués, et qu'elle corrompe le moral de l'homme au point de le rendre cruel, avaricieux, etc., elle n'en présente pas moins, comme toutes les choses d'ici-bas, quelques avantages qui en compensent le mal : elle est un frein salutaire qui nous astreint à la modération en toutes choses; et on peut dire qu'elle est la base principale de la civilisation, car sans la crainte du code pénal que deviendrions nous ?
Elle est favorisée par une éducation efféminée, par l'ignorance, par l'insuffisance des stimulus qui entretiennent la vie, par certains états morbides : dans l'hydrophobie par exemple, des accès de terreur excités sans cause extérieure, sont les préludes des horribles accidents qui composent cette maladie.
Le soin, l'art thérapeutique
- L'art thérapeutique offre peu de moyens pour guérir de la peur : il se réduit à en rechercher, à en approfondir les causes; à faire luire ensuite l'expérience, qui trompe d'autant plus les hommes qu'elle les flatte. On peut aussi avoir recours aux stimulants matériels, tels que le vin, les liqueurs, comme encore aux excitants spirituels. Napoléon a fait de ces derniers un emploi exemplaire par des croix et des proclamations.
- La difficulté qu'on éprouve à guérir de la peur doit engager à la prévenir autant que possible : à cet effet, il ne faut pas élever les enfants avec une sévérité qui, entretenant une crainte continuelle, les habitue à la timidité et à la pusillanimité; on doit les accoutumer à ne point redouter l'obscurité ni la solitude. Il est de la plus grande importance surtout de ne point impressionner leurs jeunes imaginations par des récits dangereux et la représentation intellectuelle des êtres fantastiques qu'on appelle revenants.
On doit aussi les habituer à ne point redouter les animaux inoffensifs. On doit également limiter en eux la crainte du tonnerre en leur enseignant les préservatifs que nous pouvons lui opposer et en leur montrant que la foudre n'est point lancée par le bras d'un dieu façonné à l'instar de Jupiter. Il est encore prudent de ne point effrayer les enfants et les personnes d'un caractère faible, par des tableaux de l'enfer. Quand il s'agit de relever le courage des malades que l'idée de la mort épouvante, tous les moyens sont bons ; le charlatanisme est alors excusable, car la fin justifie les moyens "
CHARBONNIER
2020
La joie La jalouisie |