Jean Jacques rousseau
Extrait
Une des preuves que le goût de la viande n'est pas naturel à l'homme, est l'indifférence que les enfants ont pour ce mets-là , et la préférence qu'ils donnent tous à des nourritures végétales, telles que le laitage, la pâtisserie, les fruits, etc.
Il importe surtout de ne pas dénaturer ce goût primitif, et de ne point rendre les enfants carnassiers ; si ce n'est pour leur santé, c'est pour leur caractère ; car, de quelque manière qu'on explique l'expérience, il est certain que les grands mangeurs de viande sont en général cruels et féroces plus que les autres hommes ; cette observation est de tous les lieux et de tous les temps.
La barbarie anglaise est connue ; les Gaures, au contraire, sont les plus doux des hommes . Tous les sauvages sont cruels ; et leurs mœurs ne les portent point à l'être : cette cruauté vient de leurs aliments. Ils vont à la guerre comme à la chasse, et traitent les hommes comme des ours. En Angleterre même les bouchers ne sont pas reçus en témoignage, non plus que les chirurgiens. Les grands scélérats s'endurcissent au meurtre en buvant du sang. Homère fait des Cyclopes, mangeurs de chair, des hommes affreux, et des Lotophages un peuple si aimable, qu'aussitôt qu'on avait essayé de leur commerce, on
oubliait jusqu'Ã son pays pour vivre avec eux.
an 2001
Jean Jacques rousseau |