(Xénophon, Anabase, II, 6, 21-29). Mais qui donc est Ménon ?Quant à Ménon le Thessalien, il
était évident que d'une part il désirait à toute force s'enrichir, que d'autre part il désirait commander, afin de pouvoir prendre davantage, qu'enfin il désirait être honoré, pour pouvoir gagner davantage ; il voulait en outre
être l'ami des plus puissants, pour commettre l'injustice sans avoir à rendre de comptes à la justice. Aussi, pour accomplir ce qu'il désirait, estimait-il que le plus court chemin était de se parjurer et de mentir et de tromper en tout, la simplicité et la sincérité étant en fait la même chose que la stupidité.
Par ailleurs, d'une part il était visible qu'il n'avait d'affection pour
personne, et d'autre part, à qui pensait être son ami, il devenait clair qu'il conspirait contre lui. Et il ne se moquait d'aucun de ses ennemis, mais il conversait toujours comme se moquant de tous ceux qui le fréquentaient. Et ce n'est pas en vue des biens des ennemis qu'il conspirait ; il estimait en effet qu'il
est difficile de prendre ceux de qui est sur ses gardes ; mais il
estimait être le seul à savoir qu'il est très facile de prendre ceux des amis, puisqu'ils ne sont pas sur leurs gardes. Et tous ceux qu'il sentait parjures et injustes, il les craignait comme étant bien armés, alors que ceux qui
étaient honnêtes et pratiquaient la sincérité, il essayait de s'en servir, comme n'étant pas des hommes.
Et tout comme certains se glorifient de leur respect des dieux, de leur sincérité et de leur justice, Ménon pour sa part se glorifiait de pouvoir tromper en tout, de forger des mensonges à son profit, de se moquer de ses amis ; en
outre, celui qui n'était pas fourbe, il le tenait toujours pour inculte. Et vis à vis de ceux dont il entreprenait vraiment de devenir le meilleur ami, il estimait qu'il fallait pour y parvenir calomnier ses prédécesseurs. Il machinait en outre de se gagner la confiance des soldats en s'associant à leurs injustices. Pour être honoré et servi, il jugeait approprié de prouver qu'il avait au plus haut point le pouvoir et le désir de commettre l'injustice (adikein).
Il tenait en outre pour bonne action, chaque fois que quelqu'un s'éloignait de lui, de ne l'avoir pas perdu du fait qu'il se servait de lui. Et il est certes permis de se tromper à son égard sur des points pas évidents, mais ce que tout le monde sait, c'est ceci. D'Aristippe tout d'abord, alors qu'il était encore dans la
fleur de l'âge, il parvint à obtenir le commandement de ses troupes étrangères ; avec Ariée ensuite, qui était un barbare, du fait qu'il se plaisait avec les beaux adolescents, il devint des plus intimes ; lui-même enfin, encore imberbe, avait un mignon, Tharypas, qui était barbu. Et puis, quand moururent ses collègues généraux parce qu'ils avaient fait campagne contre le roi avec Cyrus, bien qu'il ait fait de même, il ne mourut pas, mais c'est après la mort des autres généraux qu'il mourut puni par le roi, non comme Cléarque et les autres généraux en ayant la tête tranchée, ce qui paraît être la mort la plus rapide, mais on dit qu'il trouva la mort après
avoir vécu un an maltraité comme un malfaiteur
Ce portrait peu flatteur de notre Ménon
est celui que trace Xénophon dans l'Anabase
An 2002
Maître Eckart
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