La violence extrême De l'instinct moral à la morale apprise. Cruauté, torture, génocide...La vocation de l'humanité n'est pas la souffrance mais la joie, elle n'est pas la culpabilité du péché, mais la liberté de la jouissance réfléchie et partagée. Robert Misrahi
Nous connaissons à peu prés tous l'histoire des grands conflits humains. Le siècle dernier lui a ajouté une de ses plus terribles pages.
L'homme, nous rappelle les deux dernières guerres mondiales, fait preuve, parfois envers ses congénères, d'une incroyable cruauté.
Cette cruauté selon nous, est la conséquence de notre difficile éclosion. De la lente et laborieuse métamorphose d'un animal programmé pour s'affirmer au dépens de ses congénères, en un humain accompli, absolument respectueux d'autrui.
De la nature à la culture
L'apparition de l'espèce humaine dans la grande chaîne du vivant, a un sens et un but. Ses nouvelles acquisitions (conscience, morale, lois, fraternité) sont apparues selon nous, pour rompre avec certains mécanismes naturels.
L'humanité doit, en effet, se délivrer de quelques « injustices » en cours dans la nature (injustices si nous appliquions ces comportements à l'homme car dans la nature ils sont, bien entendu, de simples nécessités).
Notre espèce doit se libérer d'un type d'évolution contraignant le plus fort à abuser du plus faible.
Elle doit faire cesser la fatalité du prédateur condamné par son instinct à interrompre la liberté de sa proie.
Morale instinctive et éducation morale
La nature ne connaît pas de cruauté gratuite. La violence s'y exerce avec le maximum d'économies de moyens.
Par exemple, les dominants cessent toute agressivité aux premiers signes de soumission du dominé.
Ce mécanisme est certes destiné à économiser les forces dans le monde animal. Mais pas seulement. A mon sens, nous pouvons également lire dans ces limiteurs de violence, la forme ancestrale de la morale humaine.
En effet, l'instinct interdisant aux dominants de poursuivre sa violence après la soumission du dominé et devenu chez l'humain, une éthique qui interdit par exemple, de frapper un homme à terre.
Pour moi, c'est deux limitations sont frères. Notre morale culturelle, tire son origine d'une sorte de « morale naturelle ». Entre le passage de relais
Évidemment, le passage de la nature à la culture n'est pas parfait. L'homme a perdu son instinct inhibiteur mais ne maîtrise pas forcément bien ses limiteurs culturels. Surtout quand la morale perd de l'influence au profit de la loi, comme c'est le cas aujourd'hui. Nous nous retrouvons alors un peu bancal.
Dépouillé de l'instinct inhibiteur et insuffisamment moralisé, la cruauté peut émerger (c'est le cas actuellement sous cet ultra libéralisme, mais dans sa globalité, l'humanité est meilleure aujourd'hui qu'hier). C'est une des situations paradoxales de la transformation d'un animal en
humain. La violence extrême
Penser le mal impensable. Il y a toujours une raison qui oblige l'homme à faire le mal. Luben Karavelov
La difficulté humaine de regarder en face le mal dont l'homme est capable est une réalité. Pourtant, la torture, la cruauté, le génocide doivent être pensé pour être panser.
Ces maux résultent, eux aussi, de cette laborieuse transformation animal
/ humain.
Le mal absolu se constitue sur les
frustrations engendrées par la laborieuse compression de nos instincts primates.
Il est le résultat de nos failles éducatives et de notre difficulté à percevoir l'âme dans chaque autrui. Le résultat de l'intelligence clanique et sans empathie envers l'autre groupe. Il découle de la mauvaise utilisation du progrès et de la technologie et parfois amplifié par le nihilisme.
comme ce fut le cas avec le nazisme et le communisme, les idéologies vidant de tout sens
spirituel l'être humain pour en faire un simple instrument, un objet.
Nous devons réfléchir à ces maux impensables que sont la torture et le génocide. Nous devons les comprendre et les garder en mémoire sous peine de les voir toujours resurgir. La cruauté peut naître de la dualité entre ce qu'on veut être et ce
que l'on est. Entre l'homme juste qu'on désire incarner et la réalité de nos pulsions.
Combattre la violence extrême
Amour, éducation, crainte
Oserais-je exposer ici la plus grande, la plus importante, la plus utile règle de toute l'éducation
? Ce n'est pas de gagner du temps, c'est d'en perdre. J. J. Rousseau
La parade au mal absolu (et au mal tout court), existe. Elle passe par la prise de conscience de sa logique, l'éducation à l'empathie, la crainte et la punition et le devoir de mémoire. Éducation
L'éducation morale, l'élévation du niveau d'empathie, la conscience d'autrui, la compréhension du sens, sont quelques-unes de nos armes. Éduquer pour ouvrir les consciences à la fraternité universelle, au respect de l'étranger, à l'estime de l'autre. Voilà un des rôles majeurs de notre humanité. Elle doit pouvoir offrir à tout
individu une éducation lui permettant de maîtriser ses pulsions. Crainte
La crainte du gendarme est un autre de nos atouts. Gendarme individuel, pour nos transgressions individuelles, gendarme mondial en cas de volonté de génocide (d’où l'importance du devoir de mémoire et du tribunal international).
D'autre part, l'humanité doit fournir suffisamment de liberté et de joie de vivre à l'être humain. Assez de bonheur dans sa vie quotidienne, pour l'empêcher de préférer l'enfermement à la liberté.
Ce n'est encore pas le cas aujourd'hui.
La punition elle aussi est une nécessité pour en finir avec les drames que nous continuons à voir émerger, comme les génocides en Afrique ou en Europe. Elle doit être juste, pour tous, et appliqué. L’homme doit savoir qu'il sera condamné s'il transgresse les lois contre les crimes contre l'humanité.
Apprendre à refuser l'ordre inique
L'être humain doit également combattre la cruauté
en apprenant à refuser ses justifications .
Des
justifications récurrentes et fondées d'ailleurs « je n'ai fait qu'obéir, je n'étais qu'un rouage ». C'est à la société de permettre à homme d'apprendre à désobéir aux ordres immoraux.
L'humanité doit nous offrir les moyens psychiques et juridiques de refuser un ordre inhumain. Elle doit permettre à chacun
de refuser d'obéir un pouvoir qui ne respecte pas la personne. Elle doit soutenir, protéger et valoriser en priorité l'objecteur de conscience qui refuse d'exécuter un ordre sordide.
L'article de loi 122 - 4 du code pénal qui stipule qu'en
matière de crime contre l'humanité le commandement est présumé toujours illégal, devrait être
un des enseignements majeurs de chaque humain et le concept de crime contre l'humanité étendu a toute intervention militaire pouvant impliquer des humains innocents.
Mémoire, transmission, valorisation
Trois choses sont encore fondamentales pour continuer à progresser vers le bien.
- Préserver et entretenir le devoir absolu de mémoire (et soutenir les communautés qui s'y acharnent sans être soutenues).
- Transmettre de génération en génération le souvenir des atrocités commises.
- Valoriser les justes, en faire les icônes de l'humanité.
A ce prix seulement, nous pouvons dire à la suite de Leibniz : le « mal » est nécessaire à l'économie générale du monde. En rajoutant qu'il doit toujours être également le scandale à éradiquer.
La notion de péché a été un progrès pour l'humanité.
Le bien et le mal sont des illusions nécessaires.
Le mal n'est pas libre, il est le simple exécuteur des pulsions.
2001
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