L'âge de la mort primate
époque pré-spirituelle
Le primate naturel, l'instinct.
Si elle en avait les moyens, cette philosophie éviterait tout anthropocentrisme.
Mais est-ce seulement possible ? Est-il humainement supportable pour l'homme de ne pas s'ériger au milieu de l'univers ? Est ce tout simplement souhaitable ?
Je ne le pense pas.
En se plaçant au centre de l'intérêt du monde, l'homme a la conviction d'y avoir un rôle particulier à jouer. Il a le sentiment d'être l'ouvrier privilégié du principe créateur. D'agir pour quelque chose de plus haut et de plus vaste que lui-même (pour reprendre un des thèmes hégéliens que j'aime bien).
Mais notre anthropocentrisme ne cherche pas à établir une « hiérarchie qualitative ». Tous les êtres vivants sont ontologiquement égaux. Ils sont simplement situés à diverses marches d'une évolution qui leur échappe.
Éponge, reptile, singe ou homme n'ont pas le choix d'être ce qu'ils sont. Chacun d'eux fait parti de ce que nous appelons l'écosystème. Il serait donc injuste de porter un jugement de valeur sur leur position dans l'échelle de l'évolution.
Mais l'égalité de fond ne doit pas nous empêcher de constater des différences entre les choses. Elle n'occulte pas la constatation qu'il existe selon nous, une progression dans l'évolution du vivant.
Des évolutions véritables (de ping pong)
En quittant la nature pour la culture, l'homme à évolué. Il a évolué y compris dans le secteur de la finitude. La façon de se comporter face à la mort a progressé. Elle a progressé depuis nos origines primates naturelles. Elle est passé de la crainte irrépressible de la nature face à la mort jusqu'au consentement stoïque du sage (à l'exemple de Socrate).
Évolution de la relation à la mort entre la nature et la culture
Selon le darwinisme et la paléoanthropologie, les origines de l'humanité se situent dans le monde des primates naturels. Notre relation à la mort devait donc vraisemblablement ressembler à celle des grands singes actuels (chimpanzés, gorilles, orang-outan, bonobos).
Il est difficile (et certainement injuste), d'imaginer l'état d'esprit de nos cousins face à la mort. Il nous faut pourtant risquer quelques interprétations pour approfondir nos explications.
A mon sens, au vu de certains reportages, les grands primates connaissent le deuil. Ils ressentent du chagrin et de la souffrance à la perte d'un être cher.
Comment expliquer qu'une maman chimpanzé porte son enfant mort pendant des jours? Que ressent-elle quand elle finit par comprendre et qu'elle abandonne le corps derrière elle? Comment continue-t-elle à vivre? Et pourquoi un jeune chimpanzé peut-il mourir lorsqu'il perd sa mère, même s'il est assez grand pour se débrouiller tout seul? Qu'éprouvent-ils? Comment s'expliquer qu'un autre petit puisse très bien survivre à sa mère? Ils sont comme nous, les humains, qui réagissons tous si différemment au deuil qu'il nous est parfois impossible d'exprimer la profondeur de notre chagrin, de notre désarroi, et du vide qui s'installe en nous lorsqu'un être aimé meurt. De même, lorsqu'un chimpanzé meurt, les autres réagissent chacun à sa manière. A lire ce très beau texte, faunafoundation
Le primate homme face à la mortMais même si nous connaissons les même tourments face à la mort, nous l'abordons de façon spécifique.
1/ Par exemple, pour l'homme, la mort est toujours présente dans son esprit. L'être humain sait très tôt qu'il va mourir. Cette connaissance surplombe en quelque sorte, toute son existence. Fort heureusement, cette conscience reste la plupart du temps dans un arrière-plan, une sorte de zone mentale semi inconsciente et faiblement éclairée. En devenant conscient de sa finitude, l'esprit a développé de nombreuses protections pour s'empêche d'y croire tout à fait. Cette présence sourde à de mauvais cotés, mais également de très bon. Elle nous éloigne certes, de la naïveté avec laquelle semblent vivre les autres primates. Elle est certes à l'origine de la plupart de nos problèmes existentiels. Mais elle constitue en même temps, l'un des plus formidables carburants de notre créativité.
2/ Face à la mort, les grands singes sont loin d'avoir atteint « l'aptitude socratique » (mais la plupart des hommes non plus). Sans doute, nos extrêmes vieillesses se ressemblent-elles. L'épuisement corporel et psychique engendre dans tout le règne vivant une certaine sérénité. Mais les autres primates paraissent en effet incapables d'en finir volontairement avec la vie pour défendre une cause supérieur. Bien sur, Socrate fait partie des exceptions. Mais cet héroïsme n'est-il pas le fond même de la condition humaine ? La plupart des hommes en effet, transcendent cette condition de mortel puisqu'ils acceptent de vivre avec cette fatalité.
Sous un certain angle donc, nous pouvons dire de cette période primate naturelle (l'époque ou notre ancêtre vivait encore à l'état de nature), qu'elle est l'âge de la mort obscure et subit.
2000
la mort pré-historique |