France English Português Contactez nous

facebook petite icone bleue
twitter petite icone
flux rss, icone
mecaniqueuniverselle.net : aller à la page d'accueil
  • textes philo 1

Georg Wilhelm Friedrich Hegel

La dialectique de l'esclave

Hegel, Philosophe allemandLa dialectique du maître et de l'esclave

Dans cette expérience, il advient à la conscience de soi que la vie lui est aussi essentielle que la pure conscience de soi. Dans la conscience de soi immédiate c'est le simple qui est l'objet absolu, objet qui cependant est pour nous ou en soi la médiation absolue, et a pour moment essentiel l'autonomie dans sa pérexistence propre. Le résultat de la première expérience c'est la dissolution de cette unité simple ; par elle sont posées une conscience de soi pure et une conscience qui n'est pas purement pour soi, mais est pour un autre, c'est-à-dire, comme conscience qui est, ou comme conscience dans la figure de la chosité. Les deux moments sont essentiels — mais étant donné qu'ils sont d'abord non identiques et opposés, et que leur réflexion dans l'unité ne s'est pas encore produite, ils sont comme deux figures opposées de la conscience, dont l'une est la conscience autonome, pour qui l'essence est l'être pour soi, et l'autre la conscience non autonome, pour qui l'essence est la vie ou l'être pour un autre ; la première est le maître, la seconde, le valet.

Le maître est la conscience qui est pour soi, mais plus uniquement le concept de celle-ci ; il est au contraire une conscience pour soi intermédiée avec elle-même par la médiation d'une autre conscience, savoir, par une conscience à l'essence de laquelle il appartient d'être synthétisée avec de l'être autonome, avec la chosité en général. Le maître se réfère à ces deux moments, à une chose en tant que telle, l'objet du désir, et d'autre part à la conscience aux yeux de qui la chosité est l'essentiel ; et dès lors que,

a) il est, en tant que concept de la conscience de soi, référence immédiate de l'être pour soi, mais que,
b) il est désormais en même temps comme médiation, ou comme un être pour soi qui n'est pour soi que par autre chose, il se réfère,

a) immédiatement aux deux moments, et,
b) médiatement à chacun d'eux par la médiation de l'autre.

La relation du maître au valet s'opère médiatement par l'intermédiaire de l'être autonome ; car c'est précisément à cela que le valet est tenu ; c'est sa chaîne, dont il n'a pu faire abstraction dans le combat, montrant par là qu'il n'était pas autonome, qu'il avait son autonomie dans la chosité. Tandis que le maître est le pouvoir sur cet être, car il a fait la preuve dans le combat que cet être ne valait pour lui que comme être négatif ; dès lors qu'il est le pouvoir sur cet être, mais que cet être est le pouvoir sur l'autre, il a dans ce syllogisme cet autre sous lui. De la même façon, le maître est en relation médiate à la chose par l'intermédiaire du valet ; certes, le valet, comme conscience de soi en général, est aussi en relation négative à la chose et l'abolit ; mais cette chose est en même temps autonome pour lui, et c'est pourquoi il ne peut par sa négation en venir à bout complètement jusqu'à l'anéantir, il ne fait que la travailler. Ce qui advient au maître, en revanche, par cette médiation, c'est la relation immédiate comme pure négation de cette chose, la jouissance ; ce à quoi le désir n'est pas parvenu, lui y parvient, savoir : en venir à bout, et se satisfaire dans la jouissance. Le désir n'y parvenait pas à cause de l'autonomie de la chose ; mais le maître, qui a intercalé le valet entre la chose et lui, ne s'est conjoint ce faisant qu'à la non-autonomie de la chose, et il en jouit de manière pure, tout en s'en remettant au valet qui la travaille, pour le côté par lequel elle est autonome.

Dans ces deux moments, c'est une autre conscience qui fait advenir la reconnaissance du maître, qui fait qu'il est reconnu ; cette autre conscience s'y pose en effet comme quelque chose d'inessentiel, une première fois dans le travail sur la chose, une seconde fois dans la dépendance par rapport à une existence déterminée ; dans les deux moments elle ne peut par-venir à la maîtrise de l'être, ni atteindre à la négation absolue. Nous sommes donc ici en présence de ce moment de la reconnaissance qui veut que l'autre conscience s'abolisse comme être pour soi, et fasse par là, elle-même, ce que la première fait à son encontre. Et, pareillement, de cet autre moment, selon lequel cette activité du second est en même temps la propre activité du premier ; ce que le valet fait, en effet, est à proprement parler l'activité du maître ; c'est seulement pour lui qu'est l'être pour soi, l'essence ; c'est lui le pur pouvoir négatif, pour qui la chose n'est rien, et qui est donc, dans ce rapport, la pure activité essentielle ; tandis que le valet est une activité qui n'est pas pure, mais inessentielle. Toutefois, il manque à la reconnaissance proprement dite le moment où le maître ferait aussi à l'encontre de lui-même ce qu'il fait à l'encontre de l'autre, et où ce que le valet fait à l'encontre de lui, il le ferait aussi à l'encontre de l'autre. Et c'est ce qui a fait naître une reconnaissance unilatérale et dissemblable.

En ceci, la conscience inessentielle est pour le maître l'objet qui constitue la vérité de la certitude de soi-même. Cependant il est clair que cet objet ne correspond pas à son concept, mais qu'au contraire, dans ce en quoi le maître s'est accompli, il lui est advenu tout à fait autre chose qu'une conscience autonome. Ce n'est pas cela qui est pour lui, mais au contraire une conscience non autonome, la certitude qu'il a n'est donc pas celle de l'être pour soi, en tant que vérité, mais sa vérité, au contraire, est la conscience inessentielle et l'activité inessentielle de celle-ci.

Il s'ensuit que la vérité de la conscience autonome, c'est la conscience servile du valet. Certes, celle-ci apparaît d'abord hors d'elle-même et non comme la vérité de la conscience de soi. Mais de même que la domination du maître a montré que son essence était l'inverse de ce qu'elle voulait être, la servitude du valet deviendra bien au contraire dans son accomplissement le contraire de ce qu'elle est immédiatement ; elle entrera en elle-même en tant que conscience refoulée en soi, et se renversera en autonomie véritable.

Nous avons seulement vu ce que la servitude est dans le rapport de domination. Mais elle est aussi conscience de soi, et il nous faut maintenant examiner ce qu'en conséquence elle est en soi et pour soi-même. En premier lieu, pour la servitude, le maître est l'essence ; la conscience autonome pour soi est donc à ses yeux la vérité, laquelle cependant POUR ELLE n'est pas encore chez elle. Simplement, elle a chez elle-même, en fait, cette vérité de la négativité pure et de l'être pour soi ; car elle a fait sur elle-même l'expérience de cette essence.

Cette conscience, en effet, a eu peur non pour telle ou telle chose, ni en tel ou tel instant, mais pour son essence tout entière ; car elle a ressenti la crainte de la mort, de ce maître absolu. Elle y a été dissoute intérieurement, parcourue de part en part en elle-même par ce frisson, et tout ce qui était fixe en elle a tremblé. Or ce mouvement universel pur, cette fluidification absolue de toute pérexistence, c'est l'essence simple de la conscience de soi, la négativité absolue, le pur être soi, qui est ainsi accolé à cette conscience. Ce moment du pur être pour soi est en même temps pour elle, car dans la personne du maître il est, à ses yeux, son objet. En outre, elle n'est pas seulement cette dissolution universelle en général, mais, dans le service elle s'accomplit effectivement ; c'est là qu'elle abolit dans tous les moments singuliers son attachement à une existence naturelle, et se débarrasse de celle-ci par le travail.

Mais le sentiment du pouvoir absolu, à la fois en général et dans le détail du service, n'est que la dissolution en soi, et quand bien même la crainte du maître est le début de la sagesse, la conscience y est pour elle-même, elle n'est pas l'être pour soi. Mais par le travail, elle parvient à elle-même. Certes, dans le moment qui correspond au désir dans la conscience du maître, le côté de la relation inessentielle à la chose semblait être échu à la conscience servante dans la mesure où la chose y conserve son autonomie. Le désir s'est réservé la négation pure de l'objet et le sentiment de soi sans mélange qu'elle procure. Mais précisément pour cette raison, ce contentement n'est lui-même qu'évanescence, car il lui manque le côté objectal de ce qui est là et pérexiste. Tandis que le travail est désir refréné, évanescence contenue : il façonne. La relation négative à l'objet devient forme de celui-ci, devient quelque chose qui demeure ; précisément parce que pour celui qui travaille l'objet a de l'autonomie. Cet élément médian négatif, l'activité qui donne forme, est en même temps la singularité ou le pur être pour soi de la conscience qui accède désormais, dans le travail et hors d'elle-même, à l'élément de la permanence ; la conscience travaillante parvient donc ainsi à la contemplation de l'être autonome, en tant qu'il est elle-même.

Cependant l'activité formative n'a pas seulement cette signification positive, que la conscience servante, comme pur être pour soi, y devient à soi quelque chose qui est ; mais aussi la signification négative, face à son premier moment, la peur. Dans la formation de la chose, en effet, sa propre négativité, son être pour soi, ne devient pour elle objet que parce qu'elle abolit la forme qui est à l'opposé. Mais ce négatif objectal est exactement l'essence étrangère devant laquelle elle a tremblé. Or, maintenant, elle détruit ce négatif étranger, se pose comme telle dans l'élément de la permanence ; et devient ainsi pour soi une conscience qui est pour soi. En la personne du maître, l'être pour soi est pour elle un autre, ou encore, n'est que pour elle ; dans la peur, l'être pour soi est chez elle-même ; dans le travail formateur, l'être pour soi devient pour elle son propre être, et elle parvient à la conscience d'être elle-même en soi et pour soi. La forme ne devient pas pour elle un autre qu'elle par le fait qu'elle est mise dehors ; car c'est précisément la forme qui est son pur être pour soi, qui en cela devient pour elle vérité. Par cette retrouvaille de soi par soi-même, elle devient donc sens propre, précisément dans le travail, où elle semblait n'être que sens étranger. — Cette réflexion nécessite les deux moments, celui de la crainte et du service en général, ainsi que celui de l'activité formative, et tous deux en même temps de manière universelle. Sans la discipline du service et de l'obéissance, la crainte en reste au niveau formel et ne se répand pas sur l'effectivité consciente de l'existence. Sans l'activité formative, la crainte demeure interne et muette, et la conscience ne devient pas pour elle-même. Si la conscience donne forme sans la première crainte absolue, elle n'est sens propre que vaniteusement, car sa forme ou négativité n'est pas la négativité en soi et son activité formative ne peut par conséquent pas lui donner la conscience de soi en tant qu'essence. Si elle n'a pas subi et enduré la peur absolue mais simplement quelques craintes, l'essence négative est restée pour elle quelque chose d'extérieur, la substance de la conscience n'en a pas subi la contagion de part en part. Dans la mesure où tous les contenus qui remplissent sa conscience naturelle n'ont pas vacillé, elle appartient encore en soi à un être déterminé ; le sens propre est entêtement, liberté encore arrêtée à l'intérieur de la servitude. Et tout aussi peu qu'elle ne peut devenir à ses yeux l'essence, la pure forme, considérée comme extension sur le singulier, n'est pas activité formative universelle, concept absolu, mais une habileté qui n'a de puissance que sur un petit nombre de choses, et n'en a pas sur la puissance universelle et la totalité de l'essence objectale.

Georg Hegel (1770-1831), Phénoménologie de l'esprit (1807), traduction de Mr Lefebvre, Paris, Aubier.

D'autres extraits d'auteurs :

Alain, propos sur le bonheur... Apulée, l'âne d'or … Aristote principe de l’être… Aristote éthique à Nicomaque… Aristote paraphrase… Boèce,  consolation philosophique … Bergson, l'évolution créatrice … Breton conjonction, Port-au-Prince Haïti… Auguste Comte, catéchisme positiviste … Confucius … Emmanuel Kant, Cosmopolitique … De Coulanges, la cité antique … Nicolas de Cusa, De la docte ignorance… baron D'Holbach, système de la nature... Darwin, l'origine des espèces … René Descartes, lettre à Christine de Suède … René Descartes, discours de la méthode … Dostoïevski, souvenirs de la maison des morts … Chesneau Du Marsais, le philosophe … Einstein … Épictète le manuel … Épicure lettre a Ménécée … Épicure et l'épicurisme Lengrand....

1234567891011121314151617181920212223242526


hegel

Georg Wilhem Friedrich Hegel

Stuttgart le 27 août 1770

Meurt le 13 novembre 1831 emporté par le choléra à 61 ans

Å“uvres principales :

Phénoménologie de l'Esprit, science de la logique, Encyclopédie des sciences philosophiques, Principes de la philosophie du droit, philosophie de la religion, philosophie de l'histoire.