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Thomas Deltombe

L'islam Imaginaire

Les médias

La construction médiatique de l'islamophobie en France, 1975 2005 (extrait)

La gauche et les médias convertis au « réalisme ».

Avec le passage de la gauche de l'opposition au pouvoir, le clivage droite gauche, très marquée dans les décennies précédentes, se brouillent. Aux manettes du pays, les socialistes et communistes ne peuvent plus se contenter d'une critique systématique des gouvernements en place ni d'un programme généreux et rassembleur. Ils doivent faire des choix : renonçant à l'idée d'abattre le capitalisme, ils ouvrent la fameuse « parenthèse » e amorcée en 1982 et approfondie à partir de 1983, qu'ils ne fermeront jamais. Tandis que la gauche socialiste se convertit au « réalisme » économique, la droite dérive vers un modèle de plus en plus, inspiré par les systèmes thatchérien et reaganien. Dans les médias, la nouvelle donne ne tarde pas à se faire sentir.

Tandis que la presse de droite découvre les joies de la contestation, celle de gauche s'aligne sur le gouvernement. Ces éditorialistes, jadis solidaires des mouvements contestataires, évacuent leurs références marxistes et vantent désormais l'« esprit d'entreprise ».

Les rubriques « social » sont noyées dans les chroniques « Mode de vie ». Les hebdomadaires s'emplissent de publicité.

La télévision suit le même cheminement. Si les chaînes ont gagné en autonomie par rapport au pouvoir politique, elles sont à l'unisson de la politique économique du gouvernement. En février 1984, Antenne 2, associé à libération, propose une émission intitulée vive la crise ! Présenté par Yves Montand, qui restera dans les annales comme un symbole fort du retournement idéologique de la gauche dominante. Alain Minc ou Denis Kessler viennent y faire l'éloge de l'économie e. En 1985, TF1 s'attache des services de l'homme d'affaires Bernard Tapie, ami de François Mitterrand, qui anime le jeu « ambitions », dans lequel les téléspectateurs assistent en direct à la création d'entreprise.

à la même époque, le gouvernement socialiste entreprend la déréglementation de l'audiovisuel, en autorisant des chaînes privées : après Canal + inaugurée en novembre 1984, la cinq, dirigé par Jérôme seydoux et Silvio Berlusconi, diffuse ses premières images en février 1986.

Maintenant que le pouvoir politique ne dicte plus - théoriquement - aux rédactions la conduite à tenir, les responsables politiques confient leur sort aux « experts en communication » qui leur prodiguent des conseils pour faire passer leur message à travers le filtre médiatique.

Lionel Jospin, premier secrétaire du PS et François Léotard, secrétaire général du parti républicain, poussent la chansonnette chez l'animateur patrick Sébastien.

La vie politique tend à se résumer à une bataille de petites phrases, arbitré par les sondages. C'est l'époque faste de l'émission politique de « l'heure de vérité », créé en 1982 par Antenne 2, qui s'achève chaque fois sur le « verdict » des téléspectateurs.

Le travail journalistique entre au même moment en mutation. Les options politiques et les engagements éthiques comptent moins, désormais, que les compétences techniques : dans les écoles de journalisme on apprend à poser sa voix, à manier la vidéo, qui remplace progressivement le film, et à prendre un air neutre et distancié.

Revenu au pouvoir en 1986, la droite privatise TF1, première chaîne télévisée française, qui tombe dans l'escarcelle de Francis Bouygues, numéro un mondial du BTP. C'est la « guerre des chaînes » : la concurrence fait rage, les salaires des journalistes vedettes bondissent, les budgets publicitaires explosent.

L'Audimat et la rentabilité s'imposent progressivement comme les « fondamentaux » du travail journalistique. La priorité n'est plus de faire comprendre et de donner à voir le monde, elle est dorénavant de flatter les téléspectateurs et de les pousser à la consommation.

Après avoir promis le respect du pluralisme et une programmation « culturelle », le nouveau patron de TF1, Francis Bouygues, revient à ses principes en affirmant 1987 : « nous sommes privées. Nous sommes une chaîne commerciale. Il y a des choses que nous ne souhaitons pas faire, par exemple du culturel, par exemple du politique et des émissions éducatives. »

 

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