Frederic-Guillaume-Joseph de Schelling
Schelling, une biographie
Une philosophie allemande.
Schelling fut appelé à l'université de Wurtzbourg dés 1803. Il y professa pendant quatre ans les diverses branches de la philosophie. Jusque là il ne s'était occupé encore que des études morales et physiques : les travaux littéraires et artistiques lui étaient demeurés étrangers. Nommé en 1807 membre de l'académie des sciences de Munich et appelé sur un théâtre à la fois nouveau et plus vaste, il appliqua à ses puissantes facultés de nouvelles études. Ses goûts pour la poésie, les arts, l'antiquité et toute cette séduisante région de monuments et de chefs-d'oeuvre qu'elle nous a laissé, prirent alors le plus brillant essor.
Dés 1808 on lui confia les fonctions de secrétaire général de la classe des beaux-arts. Cependant, un philosophe qui appartenait à la fois à d'autres doctrines que les siennes et à une autre catégorie de capacités, Jacobi, présidait l'académie, et bientôt il éclata entre les deux philosophes des collisions assez fâcheuse pour déterminer Schelling à quitter Munich pour Erlangen. Il reprit dans cette université, après 10 ans d'interruption, le cours de ses leçons philosophiques, et y retrouva ses jouissances que seule l'enseignement donne aux savants, et auxquelles le professeur ne renonce jamais sans regrets. La vie de cabinet et les travaux d'administration littéraire n'avaient pu suffire à l' active intelligence de Schelling, et il conserva depuis cette époque le professorat qu'on lui avait rendu. Seulement à la translation de l'université de Landshut dans la capitale de la bavière, il accepta dans cette école une chaire, devenu bientôt l'une des plus célèbres de l'allemagne. Berlin l'envia à Munich ; et en 1841 Schelling finit par céder aux instantes sollicitations qui lui étaient faites pour qu'il consentit à se fixer en Prusse. En 1854 il se rendit pour cause de santé aux eaux de Ragatz, en Suisse; c'est là que la mort le frappa, le 20 aoùt. En 1829 il avait été anobli par le roi de Bavière.
L'allemagne entière est les adversaires de Schelling eux-mêmes avaient applaudi aux distinctions dont il avait été l'objet. D'autres pays aurait fait plus ; ils eussent entraîner le philosophe dans ces régions où les travaux de la science sans sacrifier à la politique, et la haute méditation immolée à la question du jour. Il faut déplorer que tel était chez nous pendant la durée du régime parlementaire la destinée des hommes les plus éminents. Et Quant à Schelling, sauf les moments qu'il a donnés aux soins d'une administration littéraire, il a consacré ses jours et ses facultés à l'investigation philosophique, à l'étude de l'art et du symbolisme de la pensée chez les anciennes. Ses principaux ouvrages sont :
de la possibilité d'une forme de la philosophie en général 1795,
du moi comme principe de philosophie 1795, idées sur une philosophie de la nature 1797, de l'âme du monde, hypothèse de haute physique pour l'explication de l'organisme universel 1798, système de l'idéalisme transcendantal 1800, Bruno, ou du principe divin et naturel des choses 1802, philosophie et religion 1804, recherches philosophiques sur l'essence de la liberté humaine et les objets qui s'y rattachent 1809, ; sur les divinités de la Samothrace 1816.
On lui reproche, et on reproche à ses disciples, de n'avoir pas su exposé avec une clarté suffisante leur doctrine, qui est connue en philosophie sous le nom de doctrine de l'identité. Ce reproche est fondé, mais il n'est pas très nouveau, et Schelling n'est évidemment pas le dernier philosophe qui en sera l'objet. Avant lui tous les philosophes qui se sont élevées le plus haut, Platon et aristote, Descartes et Spinoza, Leibniz et Kant, ont encouru le même reproche d'obscurité. Cependant, la critique est allé, à l'égard de Schelling, plus loin qu'à l'ordinaire. Ce qu'on a reproché à aucun des penseurs que nous venons de nommer, l'incapacité même d'exposer sa doctrine, on l'a dit à son sujet, et pourtant personne n'a contesté ni la beauté ni l'élévation de son génie. C'était donc une hostilité gratuite. On peut être l'adversaire de la doctrine de Schelling, comme nous le sommes, et convenir qu'elle est saisissable. Il serait toutefois impossible de les exposer sans adopter la terminologie même de l'auteur ; et employer les locutions particulière à la doctrine de Schelling ne serai pas le moyen de la rendre plus intelligible pour ceux qui craindraient de remonter au-delà de Fichte, et jusqu’à Kant, pour la prendre à son point de départ, c'est à dire à l'état général où se trouvait la philosophie allemande quand le jeune philosophe passa de l'auditoire de Plattner, qui était kantien, dans celui de Fichte. Nous nous bornerons donc a résumer ici les trois reproches principaux dont cette doctrine a été l'objet.
Premièrement ne distinguant pas de Dieu ce qui n'est pas Dieu, elle identifie dieu et le tout. C'est le panthéisme sous une forme nouvelle.
Deuxièmement en déclarant l'homme une simple manifestation de Dieu, et lui ôte, avec l'indépendance, la liberté et la moralité.
Troisièmement en s'affranchissant de la voie d'une déduction logique, elle change la philosophie en une sorte de mysticisme anti philosophique, mythologique ou religieux chez les uns, poétique ou artistique chez les autres, mais également inacceptable à tout penseurs sous chacune de ces formes.
Schelling a répondu. Mais d'abord il n'a pas fait à tous ses adversaires l'honneur de les combattre ; Ensuite il n'a réfuté complètement les objections d'aucuns de ceux qu'il a combattu ; enfin il a gardé le silence, soit qu'il ait voulu abandonner à sa doctrine et à ses disciples le soin de se défendre ; soit qu'il ait désespéré de prévaloir contre Hegel ; soit, enfin, qu'il ait voulu faire entendre qu'à ses yeux l'intelligence humaine était arrivé à son entier développement dans ce qu'il avait fait. Il en est résulté que son système, le plus remarquable de tous ceux qu'on a vu se succéder depuis Spinoza, n'a pas eu de destiné complète. Annoncé avec plus d'enthousiasme et repoussée avec plus d'hostilité que nulle autre, la philosophie de la nature a eu bientôt un singulier temps d'arrêt, Schelling et ses disciples les plus éminents l'ayant abandonné dans ses détails et dans ses expressions, tout en en conservant le fond et les principes.
Quoi qu’il en soit, cette théorie est une des solutions les plus instructives qu'on ait jusqu'ici tenté de l'insoluble énigme qui est donnée à l'intelligence. Sans doute elle n'est pas aussi nouvelles que la cru son auteur : non seulement Kant et Fichte l'avaient préparée indirectement ; elle était préparée plus directement et depuis plus longtemps par Spinoza, par les gnostiques et par Platon, puisqu'à Spinoza et emprunté le principe de l'unité, l'absolu ou la substance qui est en tout, et dont tout n'est que mode ou partie ; à Platon, le principe de l'idée ou du type que chaque chose porte en elle et suit dans son développement individuel : aux gnostiques les idées de chute, de dissémination, de retour, d'anapausis. Il faut convenir toutefois que si Schelling a suivi des maîtres, il a fait de leurs doctrines combinées une théorie d'une conséquence et d'une puissance dont n'approchait jusque là aucune forme du panthéisme. Aussi cette conception si complète, embrassant avec une égale supériorité l'absolu et le moi, les deux mondes, l'un intellectuel, l'autre physique, la philosophie et la religion, la mythologie et l'histoire, la poésie et les arts, a-t-elle fortement saisi les esprits, et a-t-elle exercé sur toutes les études de la savantes nations qui a pu le lire l'influence la plus profonde. C'est à tel point que celui qui n'a pas suivi les ouvrages de schelling ne comprend rien à l'allemagne, par la raison qu'il n'entend par l'idiome que parle ce pays, tant la pensée et le langage du philosophe ont passé dans les habitudes générales.
Matter
Condillac
28/04/2017
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