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Giorgio Agamben, l'Ouvert

De l'homme et de l'animal

Giorgio Agamben

THEROMORPHE

Le banquet messianique

dans la prophétie messianique d'Isaïe 11, 6-9 (qui plaisait tant à Ivan Karamazov) il est dit que "le loup demeurera avec l'agneau / et la panthère se couchera prés du chevreau / le veau et le lionceau paîtront ensemble / sous la conduite d'un enfant" (que l'on pourrait analyser ainsi : à la fin des temps - la fin de la notion de temps, quand l'esprit humain aura atteint sa perfection et s'épanouira dans un état d'immédiat permanent, donc sans aller et retour vers le futur et le passé), l'humanité sera alors devenue végétarienne (paître), l'homme ne représentera plus aucun danger pour l'homme, et les guides de l'humanité (ses guides), seront simples, purs et naïfs comme des enfants.)

Des archontes

Dans la mythologie gnostique, les archontes sont des entités demoniques qui créent et gouvernent le monde matériel, dans lequel les éléments spirituels et lumineux se trouvent mélangés et emprisonnés dans les éléments obscurs et corporels.(depuis plus d'un siècle nous pouvons nous considerer dans un temps gouverné sous une telle dominance)

Parmi les thèmes centraux de la lecture hégélienne de Kojève, dont Bataille avaient été l'auditeur à l'école des hautes études, se trouvait, en effet, le problème de la fin de l'histoire et de la figure que l'homme et la nature auraient assumée dans le monde post-historique, quand le patient processus du travail de la négation, par lequel l'animal de l'espèce Homo sapiens, était devenu humain, serait parvenu à sa conclusion. (Agamben remarque que Kojève ne consacre a ce problème central qu'une seule note du cour de 1938-1939) Selon moi, Hegel entend par histoire, l'évolution de la société humaine, le moment de sa constitution (temps auxquels nous appartenons) et le monde post-historique correspondrait alors à l'humanité aboutie, l'humanité qui ne fabriquerait plus rien (y compris de l'histoire) puisque tout serait arrivé à sa perfection (à sa conclusion). Le patient processus équivalant aux centaines de milliers voire millions, d'années qu'il aura fallu pour transformer un primate naturel en humain accomplit vivant dans un monde entièrement finalisé.

ACEPHALE

Du retour à l'animal

Plus loin, Agamben cite Kojève ; La disparition de l'homme à la fin de l'histoire n'est donc pas une catastrophe cosmique, le Monde naturel reste ce qu'il est de toute éternité. Et ce n'est pas non plus une catastrophe biologique : l'Homme reste en vie en tant qu'animal qui est en accord avec la Nature ou l’Être donné. Ce qui disparaît, c'est l'Homme proprement dit (l’ego de l'homme) c'est à dire l'Action négatrice (tout ce qui n'est pas extase), du donné et l'erreur, ou en général le Sujet opposé à l'Objet (l'homme n'est plus en opposition avec la nature pour la construire, puisque celle ci est construite pour lui, il en fait partie et se ressens comme un objet parmi elle). C'est à dire l'anéantissement de l'Homme proprement dit ou de l'individu libre et historique (l'individu qui se perçois comme libre alors qu'il ne l'est pas, car l'homme n'est libre qu'en état d'extase, en totalement harmonie et sans résistance avec les choses), signifie tout simplement la cessation de l'action au sens fort du terme (l'humanité étant finaliser il n'y a plus besoin d'action pour la construire). Ce qui veut dire pratiquement : la disparition des guerres et des révolutions sanglantes (la paix universelle, l'ultime perfection comme l'entend la mecaniqueuniverselle). Et encore la disparition de la philosophie; car l'homme ne changeant plus essentiellement lui-même, il n'y a plus de raison de changer les principes (vrais) qui sont la base de sa connaissance du Monde et de soi (la philosophie aura remplie sa mission, et n'aura plus besoin d'être dans un monde consacré uniquement à le jubiler). Mais tout le reste peut se maintenir indéfiniment ; l'art, l'amour, le jeu, etc. bref, tout ce qui rend l'homme heureux" (le bonheur suprême, le souverain bien, l'extase, la béatitude, le nirvana) Kojève, p. 434 435.

De l'histoire comme négativité

Selon Agamben, Bataille n'admettait pas (s'opposant ainsi à son maître Kojève), que l'animal restant ainsi à la fin du processus cessassent d'être surhumain, négatif et sacré pour être simplement rendu à la pratique animal. A mon sens, Bataille avait raison, car si l'homme reste en vie en tant qu'animal après le processus d'évolution, c'est un animal débarrassé de toutes ses pulsions naturelles qui subsiste, il devient alors surhumain et sacré car totalement immergé dans le sacré, ce que l'extase engendre. (peut être que l'être acéphale dont parle Bataille veut signifier cet état d'extase qui se situe dans l'ensemble du corps sans passer par l'esprit au sens intellectuel du terme. L'esprit n'est alors, dans cette position subliminale, qu'un organe comme les autres.)

Il resterai a comprendre ce qu'entendait Hegel quand il semblait dire que l'histoire n'était que le patient travail dialectique de la négation et l'homme le sujet. Selon moi, l'histoire de l'humanité est le long travail de disparition de la vie dans sa forme de négativité qui caractérise toute la période de du développement humain, de son arrachement du monde animal naturel, jusqu’à son accession à la plénitude de l'humain "parfait" (accompli) .. toute cette période qui oblige l'homme à être balancer entre le passé et le futur (pour construire et réparer), ne peut pas vivre pleinement l'instant présent (seul instant vrai et positif) c'est pourquoi l'humanité en construction est dans une position de négativité.

il y a dénouement et dénouement

Bataille semble l'avoir compris lorsqu'il écrit à Kojève le 6 dec 1939 qu'il ne peut que parier sur une "négativité sans emploi" c'est à dire une négativité qui survit on ne sait comment à la fin de l'histoire et dont il ne peut fournir que sa vie elle-même, "la blessure ouverte qu'est ma vie" j’admets (comme une supposition vraisemblable) que dés maintenant, l'histoire est achevée (au dénouement prés). Bien entendu, cette négativité se retrouve sans emploi puisque l'humain ainsi parvenu à l'extase est passé dans la positivité, dans la vie positive puisque pleinement présente au monde. Une vie de total immédiat, de plein ressenti des choses, sans masque, une vie souverainement vrai car débarrassée de tout ce qui lui est superflus, comme par exemple tout le matériel conceptuel de construction (philosophie, histoire, physique, religion etc.) Je me représente toutefois différemment les choses. (...) si l'action 'le "faire") est - comme le dit Hegel - la négativité (et c'est très juste selon moi) la question se pose alors de savoir si la négativité de "qui n'a plus rien à faire" disparaît ou subsiste à l'état de "négativité sans emploi": personnellement je ne puis décider que dans un sens, étant moi-même dans cette "négativité sans emploi" (je ne pourrai me définir de façon plus précise. Je veux bien que Hegel ait prévu cette possibilité: du moins ne l'a t-il pas situé à l’issue des processus qu'il a décrit. j'imagine que ma vie - ou son avortement, mieux encore, la blessure ouverte qu'est ma vie, - à elle seule constitue la réfutation du système fermé de Hegel. Ici, à mon sens, Bataille n'a pas compris la fin du processus parce qu'il ne l'a pas atteint, (il n'a pas atteint l'extase). et il le démontre lorsqu'il écrit que pour lui, la fin de l'histoire comporte un "dénouement", où la négativité humaine se conserve comme "reste" sous la forme de l'érotisme, du rire, de la joie devant la mort. Si dans l'état d'extase, il reste la joie (et également devant la mort), s'il reste le sourire de la jubilation, l'érotisme et le rire sont encore du coté du négatif, au sens action du terme. Hegel a donc selon moi, parfaitement raison de situer l'action du coté du négatif et d'englober toute l'histoire de la construction humaine dans ce négatif (jusqu’à son accession à la perfection).

Et parce que ce dénouement ultime, doit obligatoirement concerner l'ensemble de l'humanité, l'accession à cette fin de l'action par un petit groupe dans un monde encore a finir, n'est pas viable comme l'explique bien Agamben à la fin du chapitre. A la lumière incertaine de ce dénouement, le sage, souverain et conscient de soi, voit encore passer devant ses yeux non des têtes d'animaux, mais les figures acéphales des hommes farouchement religieux, "amants" ou "apprentis sorciers". Le dénouement devait cependant, se révéler fragile. En 1938, quand la guerre était inévitable, une déclaration du collège de sociologie trahit son impuissance en dénonçant la passivité et l’absence de réaction devant la guerre, comme une sorte de "dévirilisation" massive, ou les hommes se transforment en des "sortes de moutons conscients et résignés à l'abattoir" (Bataille p 540). bien qu'en un sens tout différent de celui qu'avait à l'esprit Kojève, les hommes étaient désormais réellement redevenus des animaux.

SNOB

L'homme n'existe que dans cette tension : humain, il peut l'être seulement dans la mesure ou il transcende et transforme l'animal antropophore qui le soutient, seulement parce que, par l'action négatrice, il est capable de dominer et, éventuellement, de détruire son animalité même (c'est en ce sens que Kojève peut écrire que "l'homme est une maladie mortelle de l'animal" ibid, p 554)

 

écrit le 10 novembre 2016 BU de Saint Étienne

 




Bonne lecture