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  • textes philo

André Breton

Conjonction, port au prince haiti

SurrealismeLE SURREALISME par ANDRE BRETON

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tout au moins il convient de noter que la gesticulation du sujet endormi était extrêmement sobre, ce qui peut s'expliquer peut-être par le fait que l'assistance était en majeure partie composée de poètes. Il importe bien davantage de souligner qu'aucune croyance et qu'aucune théorie préconçues ne hantaient l'esprit de ceux qui étaient là, qu'ils donnassent ou non prise au phénomène. C'est assez dire qu'au moins dans sa genèse, la crise observée alors différait fondamentalement de la « crise de loa» haïtienne. Dépourvue de toute base religieuse, elle se déroulait sur un terrain strictement expérimental.

Ce disant, je suis bien loin de vouloir marquer une supériorité quelconque en faveur de ce qui animait alors, d'une manière fort désordonnée, le petit groupe que nous formions. Je dis qu'il est en soi-même significatif, pour ne pas dire augural, que dans les dispositions d'esprit et de cœur où nous étions alors, mal remis du désespoir où nous avaient laissés la première guerre mondiale et la table rase qu'elle avait fait des valeurs,admises de notre jeunesse, en quête d'une issue improbable et n'ayant à mettre en commun que notre totale disponibilité, nous ayons retrouvé le geste qui, par delà l'esclavage où tout à bien plus forte raison pouvait paraître perdu, depuis des siècles soulève au-dessus de lui-même le paysan haïtien.

Cette entreprise de notre part, toute privée de caution et abandonnée au hasard qu'elle fût, le temps me manque évidemment pour vous la rendre plus sensible par le détail. Elle donna lieu à d'innombrables improvisations verbales et graphiques" absolument pures de toute hésitation ou retouche, ces improvisations pouvant en certaines occasions commander l'identification du dormeur avec un personnage historique aussi bien que son identification avec un caillou situé sur une route précise en un lieu bien déterminé. La plus troublante manifestation de cette activité, parce que la moins réductible à une opération mentale reconstituable à froid, Demeure la production presque à jet continu de « jeux de mots» dont la vertu poétique de tout premier ordre semblait être fonction de leur rigueur mathématique et que Robert Desnos déclarait écrire sous la dictée d'un être féminin fictif, Rosé Sélavy, qui constituait une personnalité d'emprunt de Marcel Duchamp, alors à NewYork. Desnos certifiait alors qu'il pouvait suivre outre-Atlantique tous les gestes de Marcel Duchamp à qui son cerveau était uni au point que Rosé Sélavy ne lui parlait que si Duchamp avait les yeux ouverts. Quelles que soient certaines des particularités qu'il présente, je pense que rien ne distingue ce cas des cas de possession.


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BretonPourquoi nous sommes-nous assez vite détournés de cette voie ? Parce que dans l'état de non-préparation où nous étions par rapport à ce qui y survenait et menaçait plus encore d'y survenir, la résistance croissante qu'opposaient les dormeurs au réveil et plus généralement à la vie de veille, les impulsions au meurtre et au suicide auxquelles j'ai vu donner alors des commencement d'exécution m'ont fait craindre pour la santé mentale et pour la vie de certains et persuadé que nous mésusions d'un pouvoir auquel nous ne savions pas par tradition dans quelles limites il est permis de recourir.

Mais de cette expérience, j'avais pourtant retenu deux choses : la première, c'est que dans une période d'extrême désarroi intellectuel et moral que j'avais connue, le bond vital avait cherché à s'accomplir par une plongée à corps perdu dans l'inconscient. Cette idée trouvait, d'ailleurs, à se corroborer par le souvenir Des scènes de convulsions qui, deux siècles plus tôt en France, au moment où la foi chrétienne pour la première fois sans doute avait été réellement ébranlée par le triomphe des Jésuites sur les Jansénistes, s'étaient déroulées autour du tombeau du diacre Paris au cimetière de Saint-Médard. Telle est la double considération qui a décidé pour une grande part de mon attitude ultérieure et de celle du surréalisme. Cette attitude, je m'y suis si obstinément tenu qu'elle m'a fourni tant la conclusion d'un livre : Nadja, publié en 1928 que le point de mon départ d'un autre livre : L'amour fou, publié en 1937. Cette conclusion et ce point de départ tiennent dans une seule phrase mais dans cette phrase je me plais à penser qu'Haïti est sertie comme aucun autre pays du monde :

« La beauté sera convulsive ou ne sera pas.»

Les sommeils hypnotiques m'ont confirmé aussi dans l'idée que l'automatisme mental, loin D'être un leurre, est le moyen idéal qui s'offre à nous d'agir sur la vie par l'intermédiaire du langage, que ce langage soit le langage oral ou écrit, le langage graphique, aussi bien que celui du chant et de la danse. Le Verbe, s'il a été mis « au commencement», doit garder le pouvoir de tout recréer. Parlant naguère, à l'époque où ils venaient de se produire, des « jeux de mots» de Desnos — et en eux j'incluais toute la démarche automatique — j'écrivais déjà: « Qu'on comprenne bien que nous disons « Jeux de mots», quand ce sont nos plus sûres raisons d'être qui sont en jeu. Les mots, du reste, ont fini de jouer. Les mots font l'amour.

C'est seulement armé de ces certitudes que j'ai cru pouvoir en 1924 lancer le Manifeste du surréalisme. Par une singulière fortune, la

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définition que j'y propose du mot surréalisme a fait le tour du monde et le jour même de mon arrivée en Haiti, j'écoutais avec une émotion intense le grand poète Magloire Saint-Aude la citer par cœur à quelques-uns d'entre vous : « SURREALISME» : Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.
Le surréalisme repose sur la croyance à. la réalité supérieure de certaines formes d'associations négligées jusqu'à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement les autres mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie.»
La revendication surréaliste s'exprime à cette époque dans toute son intransigeance originelle. On peut la tenir pour parfaitement libre en ce sens qu'elle ne se reconnaît aucune espèce de limites extérieures à elle-même. Comme le proclame la couverture du premier numéro de la revue La Révolution surréaliste, « il faut aboutir à une nouvelle Déclaration des droits de l'homme»; Cette revendication est essentiellement celle des droits du rêve, du rêve que les prétendues civilisations modernes signent leur arrêt de mort en abandonnant dédaigneusement aux collectivités techniquement inférieures d'autrefois et d'aujourd'hui.

Rimbaud avait dit dès 1873 : « La vraie vie est absente. Nous ne sommes pas au monde.» A plus d'un demi-siècle de là je proposais pour but à l'activité surréaliste la détermination de ce « point de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur cessent d'être perçus contradictoirement». Le grand philosophe allemand Feuerbach, qui fut à bien des égards le maître de Marx et d'Engels, avait établi que l'« au-delà» qui hante l'esprit de l'homme était en fait réductible à la nostalgie d'un « en-deçà» et c'est encore cette pensée qui tendra, dans le surréalisme, à se rendre agissante par la voix de Paul Eluard, précisant : « II y a assurément un autre monde, mais il est dans celui-ci».
Le surréalisme, au point où je l'envisage, en est pourtant encore à sa phase intuitive. Il s'en faudra peu après d'un traumatisme affectif particulier pour qu'il entre dans sa phase raisonnante. La première de ces phases peut se caractériser sommairement par la croyance qui s'y exprime en la toute-puissance de la pensée, tenue pour capable de s'émanciper et de s'affranchir par ses propres moyens. Cette croyance traduit un sentiment que j'ai regardé par la suite comme très


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Breton-surrealismefâcheux, qui est le sentiment de la primauté de la pensée sur la matière. Durant les années qui suivent, en effet, la première guerre mondiale, sanctionnée par un traité qui, à nos yeux, accentuait encore la disharmonie permanente et renforçait les causes de conflit, l'activité surréaliste reste confinée à ses premières données théoriques tout en continuant à se faire le véhicule du « non-conformisme» intégral qui lui vaut une série ininterrompue d'adhésions. Aucune détermination politique ou sociale vraiment cohérente ne s'y manifeste jusqu'en 1925, c'est-à-dire jusqu'à ce que le gouvernement d'alors, malgré l'opposition des masses populaires, engage la France dans une guerre colonialiste contre le Maroc, montrant par là le peu de cas qu'il faisait du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, pour lequel, entre autres, on avait demandé à toute une génération de se sacrifier. Cet événement place le surréalisme devant la nécessité d'une protestation publique. Une telle protestation, à elle seule, marque la rupture avec toute une manière de penser; elle crée un précédent caractéristique qui va décider de toute la conduite ultérieure du mouvement. L'activité surréaliste, en présence de ce fait brutal, révoltant, totalement impossible à homologuer, va être amenée à l'interroger sur ses ressources propres, à en déterminer les limites, elle va exiger de nous une attitude précise, extérieure à elle-même, en face de ce qui excède ces limites. C'est alors que nous rencontrons le matérialisme dialectique comme seule force d'opposition puissamment organisée, comme seul barrage aux égoïsme nationaux, comme seule promesse de concorde et d'harmonie universelles. Nous éprouvons le besoin impérieux de franchir le fossé qui nous en sépare en raison de nos origines non ouvrières. Il y va d'une nécessité et d'une urgence telles que d'emblé le problème est posé parmi, nous de la manière la plus sèche, que durant des mois nous nous concertons sur le moyen de réaliser ce passage et de le rendre définitif. En cela, nous ne faisons d'ailleurs que reproduire pour notre compte toute la démarche de la pensée moderne, cette pensée qui est venue normalement à Marx par Hegel, comme elle était venue normalement à Hegel par Maître Eckhardt et par Kant. Indépendamment des déterminations poétiques auxquelles il était moins que jamais question de nous soustraire, nous subissions là des influences qui, en se composant avec celles des Encyclopédistes du XVIIIe, ne pouvaient manquer de produire une résultante d'action pratique. J'entends par là vous faire saisir comment l'activité surréaliste, par réaction contre un fait extérieur de caractère bouleversant, intolérable, a pu être amenée à réfléchir, en quelque sorte, sur elle-même, la conscience qu'elle venait de prendre de son insuffisance relative. Comment, à partir de là, elle a dû cesser de se contenter des résultats (textes automatiques, récits de rêves, morceaux improvisés, poèmes, dessins ou actes spontanés) qu'elle s'était proposés initialement. Comment elle en est venue à ne considérer ces premiers résultats que comme des matériaux à partir desquels tendait inéluctablement à se reposer, sous une forme toute nouvelle mais conditionnée de la manière la moins empirique, le problème de la connaissance.

Toutefois, ce problème, nous n'avons jamais cessé de nous opposer à la fusion de ses données et de celles d'un autre problème. J'y ai insisté à maintes reprises : le problème de la connaissance, tel qu'il se pose à nous au XX' siècle, met à l'ordre du jour les rapports de l'inconscient et du conscient. Il nous a été donné d'appliquer à sa résolution une méthode particulière qui n'a cessé de nous paraître des mieux adaptées et que nous tenons pour très perfectible : nous n'avons aucune raison d'y renoncer. a côté de l'économie dont nous n'avons garde de réduire l'importance, il y a un élément lyrique qui conditionne pour une part la structure psychologique et morale des sociétés humaines, qui l'a conditionnée de tous temps, qui continuera à la conditionner. Il n'est que de toucher Haïti pour se convaincre que cet élément lyrique, bien loin d'être comme ailleurs le seul fait de spécialistes, se dégage des aspirations du peuple entier. — L'autre problème qui se pose à nous est celui de l'action sociale, action qui, selon nous, possède sa méthode propre dans le matérialisme dialectique et dont nous pouvons d'autant moins nous désintéresser que nous tenons la libération de l'homme pour la condition sine qua non de la libération de l'esprit. Sans perdre un instant de vue que ce dernier problème est aujourd'hui plus brûlant que jamais, j'ai dit et je maintiens que les poètes et les artistes se doivent de ne pas laisser se rompre le fil de leurs recherches spécifiques. Quittes à faire à l'activité sociale une part importante de leur vie, j'estime que de toute nécessité ils doivent rester à leur poste au même titre que les chimistes et les différentes autres espèces de techniciens.

Du fait même qu'il a été et qu'il reste un mouvement vivant, c'est-à-dire en constant devenir et, de plus, appuyé sur le concret, observez


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que le surréalisme a englobé et englobe encore des hommes de tempéraments divers qui, individuellement, obéissent ou résistent, chemin faisant, à des sollicitations variables. Il va sans dire que leur accord, passager ou durable, ne saurait être interprété comme adhésion aveugle à un fond plus ou moins inerte d'idées communes, mais bien comme volonté d'aller plus loin, toujours plus loin dans le sens de l'inconnu, en quête de la pierre philosophale que seule peut être la réconciliation de l'homme avec lui-même. De temps à autre, butant sur un obstacle, l'un de ces hommes se casse une jambe, cela s'est vu : la tête, s'enfonce plaisamment dans un marécage ou même se déclare fatigué. Le surréalisme qui, jusqu'à ce jour, s'est passé de voiture d'ambulance, tient alors ces gens pour quittes. Ceux qui restent en auront laissé bon nombre derrière eux. N'importe, l'essentiel est que la relève se poursuive et qu'on puisse voir toujours plus loin, qu'à condition de ne pas démériter de ce besoin de beauté, de liberté, de vérité qu'on a pu éprouver passionnément dans la jeunesse on Découvre sans en manquer un seul les paysages nouveaux, qu'on puisse certifier que la percée a été opérée en droite ligne, que tout s'est accompli sans arbitraire, sans lacune, afin que d'autres, ensuite, puissent parcourir le chemin mentalement, en toute sécurité, d'un seul trait, pour repartir en toute assurance du point que nous aurons atteint sans avoir à refaire le chemin que nous avons fait.

Je crains, messieurs, de n'avoir su vous donner ce soir qu'un avant-goût de ce qu'est le surréalisme. Je ne pouvais d'ailleurs prétendre extraire en quelques minutes le suc d'œuvres d'ores et déjà assez nombreuses pour former une bibliothèque et pour meubler plusieurs musées. En ce qui regarde la santé morale de ce mouvement, je me bornerai à rappeler que mes amis et moi, nous ne sommes pas de ceux qui ont attendu le commencement ou la fin de cette guerre pour dénoncer le fascisme, puisque c'est à nous qu'au lendemain même de ce 6 Février 1934 où fut tenté le premier coup de force fasciste en France, il appartint de prendre l'initiative d'un Appel à la lutte qui put paraître le 10 Février demandant la proclamation de la grève générale. Le 1er Juin de cette même année 1934, parlant à Bruxelles, j'exhortais moi-même nos camarades belges de ne pas sous-estimer

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le péril. « L'ombre, leur disais-je textuellement, l'ombre a beaucoup gagné, ces derniers temps, sur l'Europe. Hitler, Dolfuss, Mussolini ont noyé dans le sang ou fait passagèrement défaillir sous l'humiliation corporelle tout ce qui était l'effort de générations tendues vers une existence un peu plus tolérable, un peu plus digne... Ce n'est pas un climat pour la pensée que de ne pouvoir considérer le monde extérieur sans y trouver aussitôt à se nier et à frémir. Or le fascisme, c'est précisément l'homologation de cet état de choses, aggravée au possible par la résignation durable qu'on cherche à obtenir de ceux qui en pâtissent. N'était — ajoutais-je, — le rôle historique évident du fascisme : rétablir momentanément la suprématie chancelante du capital financier, rôle qui suffirait à lui valoir tout ce dont nous disposons comme haine, nous tiendrions encore cette résignation de commande pour un des plus grands maux qui puissent être infligés à des êtres de notre espèce et ceux qui l'infligent mériteraient, selon nous, d'être abattus comme des chiens». Cette attitude, je n'ai pas besoin de vous assurer qu'elle s'est publiquement exprimée de manière de plus en plus véhémente à propos de la guerre d'Espagne. Si l'une de mes déclarations de ce soir peut s'empreindre de quelque fierté, que ce soit donc celle-ci : de tous ceux qui sont passés par le surréalisme, en y comprenant par suite un bon nombre de transfuges, il n'en est pas un qui, aux heures les plus sombres de l'occupation du territoire, ait abandonné la lutte contre l'ennemi fasciste alors que jusqu'ici je ne connais pas en 'France un autre groupement antérieur à la guerre, de quelque nature soit-il, dont on puisse en Dire autant.

Cette position du surréalisme, position basée de notre part sur la fidélité aux principes, sur la rigueur et le refus obstiné de tout compromis, contrastant avec la faillite sinon la banqueroute frauduleuse de toutes celles que, dans l'intervalle des deux guerres, on lui opposa furieusement, cette position a donc trouvé objectivement dans les derniers événements sa pleine justification historique. « Je ne me lasserai pas, dis-je dans Les Vases communicants, D'opposer à l'impérieuse nécessité actuelle, qui est de changer les bases sociales par trop chancelantes et vermoulues du vieux monde, cette autre nécessité non moins impérieuse qui est de ne pas voir dans la révolution à venir une fin qui, de toute évidence, serait en même temps celle de l'histoire. La fin ne saurait être pour moi que la connaissance de la destination éternelle de l'homme, de l'homme en général que la révolution seule—­ entendez, bien entendu, la Révolution mondiale — pourra rendre pleinement à cette destination».


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Citant tout récemment ces derniers propos dans une revue, Maurice Blanchot, auteur de deux des ouvrages les plus marquants de cette dernière période, interprète le sentiment des jeunes en les commentant ainsi : « Cette dernière affirmation indique pour quelles raisons les surréalistes se sont tournés vers le marxisme. Dans l'état actuel de la société, tous les problèmes sont faussés, les problèmes poétiques comme les autres, ou plutôt les problèmes poétiques avant tous les autres, puisque la poésie est connaissance et manifestation de l'homme dans son ensemble. Par la faute de l'Etat capitaliste, l'homme n'est pas seulement opprimé et limité, mais il se voit autrement qu'il n'est: par exemple, il a conscience de son angoisse et de son déchirement, mais il ne se rend pas compte que déchirement et angoisse sont travestis par le désarroi propre à une société qui s'effondre. De même, tant que le problème de la liberté pour l'ensemble des hommes n'est pas réglé concrètement, le problème métaphysique de la liberté ne peut être posé légitimement. C'est lorsque la liberté de l'homme ne sera plus à faire, lorsqu'elle sera donnée dans les faits, réalisée dans toutes ses conditions, c'est alors que la liberté prendra conscience d'elle-même, conscience d'elle comme de ce qui dépasse toujours ses conditions, de ce qui n'est jamais réalisé, jamais donné, ni fait. L'homme sera libre... parce que dans une société libre où il ne pourra que se choisir libre, il lui faudra tout de même encore se choisir lui-même sans pouvoir se décharger sur personne de ce soir, ni en être « affranchi» jamais. Ainsi le service que le surréalisme attend du marxisme, c'est de lui préparer une société où, d'une part, tout le monde pourra être surréaliste, mais où surtout toutes les visées surréalistes seront menées à bien, dans toute leur pureté, sans travestissement ni falsification. Comment la poésie se désintéresserait-elle de la révolution sociale? C'est cette tâche de la révolution qui, loin de lui masquer la sienne propre, « lui en livre la compréhension perspective», car, grâce à elle, elle comprend qu'il n'y a vraiment d'existence et de valeurs poétiques qu'au moment où l'homme, n'ayant plus rien à faire, parce que tout est fait, Découvre le sens et la valeur de ce rien, objet propre de la poésie et de la liberté».

Messieurs, les journaux haïtiens d'hier et d'avant hier reproduisaient de très hauts propos touchant -les impérialismes nullement conjurés de cette fin de guerre et ce jeu de la souris avec le chat qui se poursuit cruellement entre les idéaux proclamés et les égoïsmes éternels.


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Ces propos devaient être appelés à s'illustrer pour moi d'une manière poignante''en tournant la feuille où je les lisais. Un entrefilet de secondé page donnait en effet de terribles précisions sur la misère où deux années de sécheresse ont réduit l'île de la Gonâve. Sous le coup de cette nouvelle qui m'atteint autant que vous, je puis dire que je' m'abîmai de honte pour l'espèce humaine. Durant un temps qui me parut fort 'long, je vous avoue que je fus assailli de sentiments d'indignité et pris de panique à l'évocation de l'accueil inespérable que j'ai'reçu-de vous en Haïti. Me revenait à l'esprit cette fin d'une conversation que j'eus, il y a longtemps, avec André Gide, et j'entends encore sa voix : « Comme nous le disions l'autre jour avec Paul Valéry : « Que peut un homme ? » Et Valéry ajouta: « Vous souvenez-vous de l'admirable question de Cervantes: Comment cacher un homme ?... » Puis je repris confiance en pensant à la devise centrale de votre drapeau.

André Breton 1ere partie

 

Extraits de philosophes

Aristote paraphrase, Aristote Nicomaque, Bergson, Boece, Comte, Confucius, Confucius, Coulanges, Cusa, Darwin, Descartes lettre à Christine, Descartes lettre à Elisabeth, Descartes lettre à Mersenne, Descartes lettre à Newcastle, Descartes lettre à Elisabeth, Descartes lettre à Chanut, Descartes lettre à Giboeuf, Descartes discours methode, Dostoievski, Du marsais, Einstein, Epictete manuel, Epicure ménécée, Epicure ataraxie, Fichte, Fontenelle, Freud, Hegel histoire, Hegel liberté, Hegel Propedeutique, Heraclite, Hobbes, Janet, Kant idée, Lamarck, Lao Tseu, Lao zi, Leibniz théodicée, Leibniz système, Leroux, Locke, Lucrece, Malebranche, Marx, Meslier, More, Nietzsche gai savoir, Nietzsche grec, Parménide, Pascal, Pindare, Platon banquet, Platon hippias maj, Platon lettre, Platon lois, Platon phedre, Platon socrate, Platon sophiste, Platon theetete, Plotin l'un, Pythagore, Rosset, Rousseau promenade, Rousseau reverie, Rousseau Emile, Saint Anselme, St Anselme 1Saint Anselme 2, Saint Augustin, Saint Thomas mal, Saint thomas dieu, Sartre, Schopenhauer, Sénèque, Spinoza amour, Spinoza appendice, Spinoza dieu, Steiner, Rabindranah Tagore, Tocqueville. Tao, Saint-Thomas question 48 Somme théologique, Saint-Thomas, somme théologique, question 3,

Ciceron

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André Breton. L'un des fondateurs du surréalisme, photo de profil

Conjonction, fut une revue, publiée par l'institut français de Port-au-Prince à Haïti. Le numéro 1 date de janvier 1946, et contient un texte rare d'André Breton sur le surréalisme. Bulletin de l'institut français Port-au-Prince Haïti.