Condorcet
Discour de réception
Discours prononcé par M. le marquis de Condorcet à sa réception à l'académie Francaise, le jeudi 21 Février 1782
L'honneur d'être admis parmi vous doit sans doute
réveiller les illusions de l'amour-propre dans l'homme
de lettres qui regarde cet honneur comme le prix de
ses talents; mais une adoption si glorieuse ne peut
exciter en moi que le sentiment de la reconnaissance.
Je sais combien vos justes égards pour l'illustre compagnie qui m'a honoré du titre de son interprète,
ont influé sur vos suffrages : en m'admettant dans
vos assemblées particulières, vous avez voulu qu'il
ne me manquât aucun moyen de répondre, d'une
manière digne d'elle, à la confiance qu'elle daigne
m'accorder.
J'aime à devoir vos bontés au même sentiment d'amour pour les sciences d'aucune découverte, a contribué peut-être à leurs progrès autant que les
génies les plus féconds, devai tavoir part aux mêmes
honneurs; et vous avez traité Fontenelle comme
Descartes, parce que Fontenelle a rendu communes
et populaires les vérités que Descartes n'avait révélées qu'aux sages.
DISCOURS de RÉCEPTION
Cette union entre les sciences et les lettres, dont
vous cherchez. Messieurs, Ã resserrer les liens, est
un des caractères qui devaient distinguer ce siècle,
où, pour la première fois, le système général des
principes de nos connaissances a été développé ; où
la méthode de découvrir la vérité a été réduite en
art, et, pour ainsi dire, en formules; où la raison a
enfin reconnu la route qu'elle doit suivre, et saisi
le fil qui l'empêchera de s'égarer. Ces vérités premières, ces méthodes répandues chez toutes les nations et portées dans les deux mondes, ne peuvent
plus s'anéantir; le genre humain ne reverra plus ces
alternatives d'obscurité et de lumière auxquelles on
a cru longtemps que la nature l'avait éternellement condamné. Il n'est plus au pouvoir des hommes d'éteindre le flambeau allumé par le génie; et une révolution dans le globe pourrait seule y ramener les ténèbres.
Placés à cette heureuse époque, et témoins des derniers efforts de l'ignorance et de l'erreur, nous avons
vu la raison sortir victorieuse de cette lutte si longue,
si pénible, et nous pouvons nous écrier enfin : La
vérité a vaincu; le genre humain est sauvé ! Chaque
siècle ajoutera de nouvelles lumières à celles du
siècle qui l'aura précédé; et ces progrès, que rien désormais ne peut arrêter ni suspendre, n'auront d'autres bornes que celles de la durée de l'univers.
Cependant n'est-il pas un terme où les limites naturelles de notre esprit rendraient tout progrès impossible? Non, Messieurs : à mesure que les lumières s'accroissent, les méthodes d'instruire se perfectionnent;
l'esprit humain semble s'agrandir, et ses limites se
reculer. Un jeune homme, au sortir de nos écoles, réunit plus de connaissances réelles que n'ont pu
en acquérir, par de longs travaux, les plus grands
génies, je ne dis pas de l'antiquité, mais même du
dix-septième siècle. Des méthodes toujours plus
étendues se succèdent, et rassemblent, dans un
court espace, toutes les vérités dont la découverte
avait occupé les hommes de génie d'un siècle entier. Dans tous les temps, l'esprit humain verra devant lui un espace toujours infini; mais celui qu'Ã
chaque instant il laisse derrière soi, celui qui le sépare des temps de son enfance, s'accroîtra sans cesse.
Toute découverte dans les sciences est un bienfait
pour l'humanité ; aucun système de vérités n'est stérile. Nous avons recueilli le fruit des travaux de nos
pères : gardons-nous de croire que ceux de nos contemporains puissent rester inutiles, et jouissons d'avance du bonheur qu'ils répandront un jour sur
nos neveux, comme un père voit avec plaisir croitre et s'élever l'arbre dont l'ombrage doit s'étendre sur
sa postérité.
Il me serait facile de confirmer cette vérité. Témoin
nécessaire du progrès des sciences, je vois chaque
année, chaque mois, chaque jour, pour ainsi dire
marqués également par une découverte nouvelle et
par une invention utile. Ce spectacle, à la fois sublime et consolant, est devenu l'habitude de ma vie et une partie de mon bonheur. Ces sciences, presque créées de nos jours, dont l'objet est l'homme
même, dont le but direct est le bonheur de l'homme,
n'auront pas une marche moins sûre que celle des sciences physiques; et cette idée si douce, que nos
neveux nous surpasseront en sagesse comme en lumières, n'est plus une illusion.
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