Georg Wilhelm Friedrich Hegel
La raison dans l'histoire.
Le principe de l'évolution.Introduction à la philosophie de l'histoire.
Traduction nouvelle, introduction et notes par Costa Papaioanou 10 / 18
Messieurs. L'objet de ce cours est l'histoire philosophique. C'est l'histoire générale de l'humanité que nous aurons à parcourir ici. Hegel
Le changement abstrait qui s'opère dans l'histoire a déjà été représenté d'une manière générale comme un progrès vers le mieux, le plus parfait. Dans la nature, les changements qu'elle qu'en soit la diversité infinie, montre un cycle qui toujours se répète : rien de nouveau sous le soleil, et en ce sens le jeu polymorphe des formes naturelles n'est pas exempt de monotonie. Il ne se produit du nouveau que dans les changements qui ont lieu dans le domaine spirituel. Ce qui apparaît dans le domaine spirituel manifeste chez l'homme une autre détermination que celle qui régit les choses simplement naturelles. Celles-ci sont soumises à une seule détermination ; elles présentent toujours le même caractère stable qui efface le changement et le réduit à quelque chose de subordonné. En revanche, la détermination qui apparaît chez l'homme, est une véritable aptitude au changement et plus précisément, comme il a été dit, une aptitude de devenir meilleur, plus parfait : une impulsion vers la perfectibilité. Ce principe qui légitime le changement a été mal accueilli par certaines religions comme le catholicisme, par certains états aussi qui affirment comme leur droit effectif d'être statique ou tout au moins stable. Si l'on reconnaît en général l'instabilité des choses de ce monde, notamment des états, on en exclut en partie la religion en tant que religion de la vérité ; il est permis aussi d'attribuer en partie les changements, révolution et destruction de ce qui a été légitime, au hasard, aux maladresses, mais surtout à la légèreté d'esprit, à la corruption et aux passions perverses des hommes. En effet, la perfectibilité est presque aussi indéfinissable que la mutabilité en général ; elle est sans but ni fin : le meilleur, le plus parfait qu'elle postule, est tout à fait indéterminé.
Mutabilité, perfectibilité, évolution.
Il est essentiel de noter que la marche de l'esprit est un progrès : c'est une idée bien connue, mais qui a été, comme nous l'avons dit, fréquemment combattue. La raison en est qu'elle semble s'opposer à l'état d'esprit qui convient à un ordre tranquille, à la constitution et à la législation existante. Certes, l'ordre établi exige le plus au respect et toutes les activités doivent contribuer à son maintien. L'idée du progrès est insatisfaisante parce qu'elle est présentée sous une forme qui implique que la perfectibilité de l'homme signifie qu'il a réellement la possibilité, voir l'obligation de devenir meilleur. Il s'ensuit que l'ordre établi n'est pas considéré comme quelque chose de suprême ; c'est au contraire le changement qui reçoit cet attribut. à la base de cette représentation on ne trouve que l'idée du perfectionnement idée aussi indéterminé que celle de la mutabilité. Elle ne nous fournit ni le critère qui nous permettrait de mesurer le changement ni le critère qui nous permettrait de comprendre dans quelle mesure ce qui existe est substantiel et juste. On y trouve aucun principe d'exclusion ; elle ne pose aucun but, aucune finalité précise, le changement est l'unique permanence qu'elle laisse subsister, l'unique précision qu'elle peut comporter. L'idée de l'éducation du genre humain (Lessing) est spirituelle, mais elle n'a que des rapports forts lointains avec ce dont il est question ici. Dans toutes ces représentations, le progrès apparaît sous la forme du quantitatif. Des connaissances toujours plus nombreuses, une culture de plus en plus raffinée : on n'y trouve que des comparaisons de ce genre. On peut continuer ainsi à l'infini sans fournir la moindre détermination précise, sans rien dire de qualitatif. La chose de même, le qualitatif, existe déjà , mais on ne dit pas quel est le but qui doit être atteint : cela reste complètement indéterminé. Mais lorsqu'il est question du progrès, le quantitatif n'a justement aucun sens. Le but qui doit être atteint, doit être connu. L'esprit dans son activité en général est ainsi fait que ces productions et ses métamorphoses doivent être considérées et connues comme des changements qualitatifs.
Le principe de l'évolution a un sens plus précis ; il implique qu'il existe à la base de l'évolution une disposition interne, une présupposition existante en soi, qui se réalise dans l'existence. Cette détermination formelle est essentielle : l'esprit qui a l'histoire universelle pour théâtre, propriétés et champ de réalisation, ne se plaît pas aux jeux extérieurs des contingences, mais il est bien plutôt le facteur déterminant absolu. Son essence propre et de nier les contingences qu'il utilise à son gré et qu'il domine. Toutefois, l'évolution convient aussi aux objets naturels organiques. En effet, leur existence n'est pas une existence simplement immédiate, modifiable seulement par l'extérieur ; elle émane d'un principe interne invariable, d'une entité simple qui existe d'abord dans la simplicité du germe, mais qui produit ensuite par elle-même des différences [organes etc.] qui entrent en relation avec d'autres objets, provoquant ainsi un processus continuel de transformation. Or, en même temps, ce processus se retourne aussi bien en son contraire et se transforme lui-même en [ moyen ] de conservation du principe organique et de sa forme. Ainsi l'individu organique se produit lui-même, il se fait ce qu'il est en soi. De même, l'esprit n'est que ce qu'il fait, et il se fait ce qu'il est en soi. Cette évolution de l'individu organique se produit de façon immédiate, sans opposition, ni obstacle. Rien ne peut s'immiscer entre le concept et sa réalisation, entre la nature du germe déterminé en soi et l'existence qui lui convient. Dans l'Esprit, c'est différent. Le passage de sa détermination à sa réalisation a lieu grâce à la conscience et à la volonté, lesquelles sont tout d'abord immergées dans leur vie naturelle immédiate. Pour objet et but, elles ont d'abord la détermination naturelle comme tel ; du fait que c'est l'Esprit qui l'anime, celle-ci est elle-même d'une exigence, d'une puissance et d'une richesse infinies. Ainsi l'Esprit s'oppose à lui-même en soi. Il constitue pour lui-même le véritable obstacle hostile qu'il doit surmonter. L'évolution, en tant que telle est [ dans la nature ] une calme éclosion car elle est à la fois une extériorisation et une conservation de l'égalité et de l'identité avec soi-même. Pour l'Esprit, elle constitue une lutte dure, infini, contre lui-même. Ce que l'Esprit veut, c'est atteindre son propre concept ; mais lui-même se le cache et dans cette aliénation de soi-même, il se sent fier et plein de joie.
De cette manière, l'évolution n'est pas une simple éclosion sans peine et sans lutte, comme celle de la vie organique, mais le travail dur et forcé sur soi-même. En outre, elle n'est pas une évolution au sens formel du terme, mais la production d'une fin d'un contenu déterminé. Cette fin nous l'avons défini dès le début : c'est l'Esprit tel qu'il est dans son essence, le concept de la liberté. Cela est l'objet fondamental et par conséquent le principe conducteur de l'évolution, ce qui lui donne son sens et son importance. Ainsi dans l'histoire romaine, Rome est l'objet et par conséquent le fil conducteur dans la considération des faits.
D'autres extraits d'auteurs :
Alain, propos sur le bonheur... Apulée, l'âne d'or … Aristote principe de l’être… Aristote éthique à Nicomaque… Aristote paraphrase… Boèce,  consolation philosophique … Bergson, l'évolution créatrice … Breton conjonction, Port-au-Prince Haïti… Auguste Comte, catéchisme positiviste … Confucius … Emmanuel Kant, Cosmopolitique … De coulanges, la cité antique … Nicolas de Cusa, De la docte ignorance… baron D'Holbach, système de la nature... Darwin, l'origine des espèces … René Descartes, lettre à Christine de Suède … René Descartes, discours de la méthode … Dostoïevski, souvenirs de la maison des morts … Chesneau Du Marsais, le philosophe … Einstein … Épictète le manuel … Épicure lettre a Ménécée … Épicure et l'épicurisme Lengrand....
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