Ibn Khaldoun - Les Prolégomènes
Muqaddima histoire universelle
Un philosophe arabe
(732-808 de l’hégire) (1332-1406 de J. C.) Le texte arabe des Prolégomènes d’Ibn Khaldoun a paru dans les volumes XVI, XVII et XVIII des Notices et extraits, par les soins de M. Quatremère, qui devait ajouter à son édition une traduction complète et un commentaire. La mort regrettable de ce savant ayant interrompu l’exécution du projet qu’il avait entrepris, l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres m’a fait l’honneur de me charger de la traduction de cet important ouvrage.
Dans ce travail j’ai suivi le texte tel que M. Quatremère l’avait donné, excepté dans certains cas, où la comparaison des manuscrits m’a fourni des variantes qui me paraissaient préférables aux leçons qu’il avait adoptées. J’indique ces variantes dans les notes mises au bas des pages. Elles sont toujours tirées des manuscrits, lors même que je n’en fais pas expressément la remarque, pendant que les rares conjectures que je me permets sont invariablement indiquées comme telles.
Un ouvrage comme celui d’Ibn Khaldoun, qui touche à toutes les branches des connaissances et de la civilisation des Arabes, entraîne un traducteur presque irrésistiblement à donner une quantité illimitée de notes et d’éclaircissements ; j’ai dû résister à cette tentation pour ne pas allonger outre mesure un ouvrage déjà fort étendu, et je me suis borné aux notes philologiques, historiques et biographiques qui m’ont paru indispensables à l’intelligence du texte. Je me suis efforcé de traduire aussi fidèlement que possible ; mais le style inégal de l’auteur m’a souvent obligé à compléter ses phrases pour les rendre plus intelligibles ; le lecteur trouvera tous les mots que j’ajoutés dans ce but enfermés entre des parenthèses. Quand les phrases offraient des termes abstraits dont les équivalents n’existent pas en français, j’ai tâché de rendre exactement l’idée que l’auteur a voulu exprimer, sans m’efforcer d’en donner une traduction littérale. Les phrases et les parties de chapitres qui consistent en additions faites par l’auteur luiÂ-même, vers la fin de sa vie, sur un manuscrit qu’il avait gardé auprès de lui, sont enfermées, dans la traduction, entre des crochets.
Je fais entrer dans cette introduction l’autobiographie d’Ibn Khaldoun, écrit que l’auteur rédigea onze ans avant sa mort. A ce document j’ajoute l’histoire de ses dernières années, tirée des ouvrages de plusieurs historiens arabes qui vécurent dans le siècle d’Ibn Khaldoun ou dans le siècle suivant. Je donne ensuite une liste de ses écrits, l’exposition du plan qu’il suivit dans la rédaction de son histoire universelle, une notice des manuscrits que j’ai eus à ma disposition, quelques observations sur le but des Prolégomènes, sur l’édition imprimée qui a paru à Boulac, et sur la traduction turque de Péri-Zadé et de Djevdet Éfendi.
Je commence par l’autobiographie. La traduction que je donne ici avait été faite d’abord sur un manuscrit peu correct, celui de la bibliothèque de l’université de Leyde, et publiée en 1844 dans le Journal asiatique. Je l’ai revue plus tard sur un manuscrit appartenant à la mosquée hanéfite d’Alger et sur un autre acquis en 1841 par la Bibliothèque impériale (supplément arabe, n° 7425, tome III), mais dont je n’avais pu me servir, parce qu’il était entre les mains de M. Quatremère.
La vie très agitée d’Ibn Khaldoun, le grand nombre de personnages qui figurent dans son récit et la complication des événements politiques auxquels il prit part et dont il raconte tous les détails, empêchent le lecteur de saisir tout d’abord les faits les plus importants de sa carrière si longue et si bien remplie ; aussi, avant de donner la traduction de l’autobiographie, je crois devoir indiquer ici d’une manière succincte les principaux événements de sa vie.
Il naquit à Tunis, l’an 1332, et, à l’âge de vingt ans, il fut nommé secrétaire du sultan hafside Abou Ishac II. Quelques semaines plus tard, il quitta le service de ce prince et se rendit à Fez, capitale des États mérinides. En l’an 1356, il fut attaché au secrétariat. du sultan mérinide Abou Eïnan. Mis en prison, l’année suivante, par ordre de ce souverain, il recouvra la liberté l’an 1359, et fut nommé secrétaire d’État du sultan Abou Salem, qui venait d’occuper le trône laissé vacant par la mort d’Abou Eïnan. Dans cette position, il éprouva des désagréments ; blessé dans son amour-propre, il abandonna la cour, et, en l’an 1362, il passa en Espagne, où Ibn el-Ahmer, roi de Grenade, auquel il avait rendu des services, lui fit l’accueil le plus flatteur. L’année suivante, ce prince l’envoya en ambassade à Séville, auprès de Pierre le Cruel, roi de Castille. Rentré à Grenade, il y fit un court séjour, et, dans un des premiers mois de l’an 1365, il se rendit à Bougie, et devint premier ministre du prince hafside abou Abd Allah. Environ une année plus tard, un autre prince hafside, le célèbre Abou ’l-Abbas, seigneur de Constantine, s’empara de Bougie, après avoir tué Abou Abd Allah sur le champ de bataille. Ibn Khaldoun quitta la ville et, dans le mois de mars 1368, il fut nommé premier ministre d’Abou Hammou, l’Abd el-Ouadite, souverain de Tlemcen. L’an 1370, il partit de Tlemcen pour remplir une mission auprès du sultan de Grenade ; mais, au moment de s’embarquer, il fut arrêté par l’ordre du sultan mérinide Abd el Azîz. Dans le mois d’août de la même année, il entra au service du gouvernement mérinide. Quatre années plus tard, il obtint la permission de se retirer en Espagne. Renvoyé de ce pays par ordre du sultan Ibn el Ahmer, il rentra en Afrique et alla se fixer dans la Calâ d’Ibn Selama, château appelé maintenant Taoughzout, et dont les ruines se voient sur la rive gauche de la haute Mina, à neuf lieues sudouest de Tîaret, dans la province d’Oran. Ibn Khaldoun y demeura quatre ans, et ce fut dans cette retraite qu’il composa ses Prolégomènes et fit le brouillon de son Histoire universelle. Voulant alors retoucher son travail et consulter plusieurs ouvrages qu’il ne possédait pas, il se rendit à Tunis, vers la fin de l’an 1378. Desservi par ses ennemis, qui voyaient avec jalousie la faveur que le sultan hafside Abou’l Abbas, lui témoignait, il s’embarqua pour Alexandrie au mois d’octobre 1382, et alla se fixer au Caire. Deux années plus tard, il fut nommé grand cadi malékite de cette ville. Le zèle qu’il déploya alors en supprimant des abus et en châtiant les prévarications des gens de loi lui attira beaucoup d’ennemis et entraîna sa destitution. En 1387, il fit le pèlerinage de la Mecque, d’où il revint au Caire, afin de se dévouer uniquement à l’étude et à l’enseignement. Ce fut en l’an 1394 qu’il composa son autobiographie. Il avait alors soixante-deux ans. Nommé encore grand cadi, il fut destitué de nouveau, puis, en l’an 1400, il accompagna le sultan en Syrie et tomba entre les mains de Tamerlan. Remis en liberté, il rentra en Égypte, devint encore grand cadi malékite du Caire, et y mourut le 15 mars 1406, à l’âge de soixante et quatorze ans.
Sa famille, originaire du Yémen, s’établit en Espagne lors de la conquête arabe, et devint très puissante à Séville ; aussi commence-t-il son autobiographie par l’histoire de ses ancêtres. Ensuite il parle de ses études et de ses professeurs ; il consacre même des notices biographiques à plusieurs de ces savants. Ce devoir accompli, il se met à raconter sa carrière politique, et, afin de mettre ses lecteurs au courant des événements dans lesquels il avait joué un rôle, il expose de temps en temps, et d’une manière souvent très détaillée, les divers changements qui eurent lieu en Mauritanie sous les trois dynasties dont il fut contemporain : celle des Hafsides, à Tunis, celle des Abd el-Ouadites, à Tlemcen, et celle des Mérinides, à Fez. Les révoltes, les guerres, les révolutions, les perfidies des Arabes nomades, qui, jouissant d’une entière indépendance, servaient et trahissaient chacun des trois royaumes tour à tour, les intrigues de cour, les rapports du gouvernement de Fez avec celui de Grenade, tous les événements auxquels il avait assisté, lui fournissent à chaque page l’occasion de s’écarter de son sujet afin de mieux l’éclairer. Cela ne lui suffit pas : ne voulant rien perdre des matériaux qu’il avait amassés, il insère dans son récit de longs fragments de poèmes composés, les uns par lui-même, les autres par ses amis ; il nous donne même plusieurs lettres très longues, qu’il avait reçues d’Ibn el-Khatîb, vizir du roi de Grenade, et les réponses qu’il avait adressées à ce ministre, dont il admirait outre mesure le talent comme littérateur et comme écrivain.
Pour ne pas trop allonger cette introduction, j’ai cru devoir supprimer une grande partie de ces hors-d’œuvre : d’abord les notices biographiques des professeurs sous lesquels notre auteur avait étudié ; ensuite la plupart des morceaux poétiques, parce qu’ils n’offrent en général aucun intérêt et que le texte en a été gravement altéré par l’impéritie des copistes. Je supprime aussi la correspondance épistolaire ; ces lettres, écrites en prose cadencée et rimée, ne renferment que des jeux d’esprit littéraires et des compliments outrés ; le tout exprimé dans un style très recherché, très prétentieux, mais qui paraissait aux deux illustres amis la quintessence du bon goût. Quant aux renseignements historiques fournis par l’auteur, j’ai supprimé ceux dont l’importance n’était que secondaire et qui se retrouvent dans l’Histoire des Berbers, à laquelle je renvoie toujours le lecteur, en indiquant le volume et la page de la traduction. Pour les autres, je les ai conservés intégralement, en y ajoutant même quelquefois de nouveaux éclaircissements.
Traduits en Français et commentés par
W. MAC GUCKIN de SLANE (1801-1878)
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