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  • textes philo

John Locke - Essais de Théodicée

Quelques pensées sur l'éducation

L'instinct de la cruauté chez l'enfant

Portrait en médaillon de John Locke, philosophe anglais, Considéré comme empiristeUn fait que j'ai souvent observé chez les enfants, c'est qu'ils sont enclins à maltraiter toutes les pauvres créatures qui sont en leur pouvoir. Ils tourmentent, ils traitent cruellement les oiseaux, les papillons et autres petites bêtes qui tombent entre leurs mains, et cela avec une sorte de plaisir. Il faut, je crois, les surveiller attentivement sur ce point, et, s'ils sont portés à ce genre de cruauté, leur inspirer de tout autres dispositions. L'habitude de tourmenter et de tuer des bêtes peut en effet les rendre durs et cruels à l'égard des hommes ; et ceux qui se plaisent à faire souffrir, à détruire des créatures d'une espèce inférieure, ne sont guère préparés à se montrer compatissants et bons envers celles de leur propre espèce. Notre droit anglais a tenu compte de cette observation, lorsqu'il a exclu les bouchers des jurys qui prononcent sur la vie et sur la mort. élevons donc les enfants, dès le principe, dans l'horreur de tuer ou de tourmenter toute créature vivante. Apprenons-leur même à ne rien gâter, à ne rien détruire à moins que ce ne soit pour la préservation ou pour le bien d'un être plus élevé. Et certainement, si chaque homme se croyait tenu de contribuer pour sa part à la conservation du genre humain, comme c'est en effet son devoir, et le vrai principe qui doit régler notre religion, notre politique et notre morale, le monde serait plus tranquille et plus civilisé qu'il ne l'est. Mais pour revenir à notre propos, je ne puis m'empêcher de louer ici la douceur et la prudence d'une mère de ma connaissance, qui avait coutume de satisfaire tous les désirs de ses filles, lorsqu'elles voulaient des chiens, des écureuils, des oiseaux ou quelque autre de ces petites bêtes qui font ordinairement les délices des enfants. Seulement une fois qu'elle les leur avait données, il était entendu qu'elles devaient les soigner, et veiller à ce que rien ne leur manquât et que personne ne les maltraitât. Si elles négligeaient d'en prendre soin, cela leur était compté comme une faute grave, qui entraînait souvent la confiscation de l'animal, ou tout au moins une réprimande,certaine. Par là ces jeunes filles apprenaient de bonne heure à être soigneuses et douces. Et je crois qu'en effet on devrait accoutumer les enfants, dès le berceau, à avoir de la tendresse pour toutes les créatures sensibles, et ne leur laisser gâter ou détruire quoi que ce soit.

Ce plaisir qu'ils trouvent à faire du mal, c'est-à-dire à détruire les choses sans raison, et plus particulièrement le plaisir de faire souffrir un être sensible, ne saurait être selon moulte chose qu'une inclination acquise et étrangère à la nature, une habitude qui résulte de l'exemple et de la société. Nous encourageons les enfants à frapper et à rire quand ils ont fait du mal aux autres ou qu'ils voient qu'il leur en arrive ; et pour les affermir dans cette disposition, ils ont les exemples de la plupart.des gens qui les entourent. Tout ce qu'on leur apprend de l'histoire ne consiste qu'en récits de batailles et de massacres. L'honneur et la gloire qu'on accorde aux conquérants (qui ne sont pour la plupart que les grands bouchers de l'humanité), achèvent d'égarer l'esprit des jeunes gens ; et ils en viennent à -regarder l'art de tuer les hommes comme la grande affaire du genre humain et comme la plus héroïque des vertus. C'est par ces degrés que la cruauté, quelque contraire qu'elle soit à la nature, s'insinue dans nos cœurs ; et ce que l'humanité abhorre, la coutume le rend acceptable et même louable à nos yeux, en nous le montrant comme le chemin de la gloire. C'est ainsi que la mode et l'opinion font un plaisir de ce qui naturellement n'en est pas un, et qui ne saurait l'être. Il faudrait donc veiller avec soin sur cette tendance et y porter remède de bonne heure, de façon à lui substituer, en la développant et en l'encourageant, la disposition contraire et beaucoup plus naturelle qui nous porte à la bonté et à la compassion, mais toujours par ces méthodes lentes et douces qui ont déjà été appliquées aux deux autres défauts, dont nous avons parlé plus haut. Il ne sera peut-être pas hors de propos d'ajouter qu'il y a une autre précaution à prendre : c'est que, quand les enfants font du mal à leurs camarades en jouant, par inadvertance ou par ignorance, et que ces actions ne peuvent passer pour des méchancetés accomplies avec l'intention de faire du mal, alors même qu'elles amènent des suites fâcheuses, il convient de ne pas y faire attention du tout ou tout au moins de ne les relever qu'avec douceur. Je ne saurais trop souvent le répéter en effet, quelque faute que commette un enfant, et quelles qu'en soient les conséquences, ce qu'il faut considérer, lorsqu'on en prend connaissance, c'est le principe d'où elle dérive et l'habitude qu'elle peut contribuer à établir ; c'est d'après cela qu'il faut régler la correction, et l'enfant ne doit pas être puni pour le mal qu'il a fait en jouant et par inadvertance. Les fautes punissables ont leur principe dans la volonté, et si elles sont de telle nature que l'âge seul puisse les guérir ou qu'elles ne préparent pas le développement des mauvaises habitudes, il faut laisser passer la faute, de quelques circonstances fâcheuses qu'elle soit accompagnée, sans la remarquer ni la blâmer.


117. Un autre moyen d'exciter des sentiments d'humanité et de les maintenir vivants chez les enfants, ce sera de les habituer à être polis, dans leur langage et dans leur conduite, à l'égard de leurs inférieurs et des gens de basse condition, particulièrement à l'égard des domestiques. Il n'est pas rare d'observer, chez les familles riches, des enfants qui, dans leurs rapports avec les serviteurs de la maison, usent de paroles arrogantes, de termes de mépris, et les traitent enfin avec hauteur, comme s'ils étaient en vérité d'une autre race et d'une espèce supérieure. Que ce soient les mauvais exemples, les avantages de la fortune, ou leurs sentiments de vanité naturelle, qui leur inspirent cette arrogance, peu importe ! Il faut la prévenir ou la corriger, et les habituer tout au contraire à une conduite affable, courtoise et douce, à l'égard des hommes d'un rang inférieur. Ils ne perdront rien de leur supériorité en agissant ainsi : au contraire, la distinction sera plus marquée et leur autorité y gagnera. En effet, l'affection s'ajoutera dans l'esprit des inférieurs aux marques extérieures du respect, et l'estime pour la personne sera un élément de leur soumission. Les domestiques feront leur service avec plus d'empressement et de plaisir, lorsqu'ils verront qu'ils ne sont pas méprisés, pour avoir été placés par la fortune au-dessous du niveau des autres et aux pieds de leur maître. Il ne faut pas souffrir que les différences établies par le hasard dans les conditions extérieures des hommes fassent perdre aux enfants le respect de la nature humaine. Plus ils sont fortunés, et plus il faut leur apprendre à être bons, à se montrer compatissants et doux pour ceux de leurs frères qui ont été placés à un rang inférieur, et qui ont reçu de la fortune une portion plus exiguë. Si on les a laissé dès le berceau traiter durement et grossièrement ces hommes, sous prétexte que les titres de leur père leur donnaient une petite autorité sur eux, c'est tout au moins une marque de mauvaise éducation ; et de plus, si l'on n'y prend garde, c'est le moyen de développer peu à peu leur orgueil naturel, au point qu'ils n'aient plus que du mépris pour tous ceux qui sont au-dessous d'eux. Et quelle est la conclusion probable? C'est qu'ils deviendront oppresseurs et cruels.

Lucrece

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John Locke, philosophe anglais du début des lumières