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Malebranche

Méditations sur l'humilité et la pénitence 1677

Nicolas Malebranche,Philosophe et théologien français théoriciens de la vision en Dieu, peinture de l'époqueMalebranche et Dieu

Conversations chrétiennes, dans lesquelles on justifie la vérité de la religion et de la morale de Jésus-Christ. Avec quelques Méditations sur l'humilité et la pénitence.
Par le Père Malebranche, prêtre de l'Oratoire.
Nouvelle édition, revue et augmentée.
A Paris, chez Anisson, Directeur de l'Imprimerie Royale, rue de la Harpe. MDCCII. Avec privilège du Roi.

Avertissement

Le dessein des Méditations suivantes est d'abattre l'orgueil de l'esprit, et de le disposer à l'humilité et à la pénitence. L'homme est si peu de chose, qu'il suffit de le connaître pour le mépriser ; et il est si déréglé et si corrompu, qu'on se sent obligé de le haïr lorsqu'on ne le considère qu'en lui-même, je veux dire sans rapport à Jésus-Christ, qui a rétabli toutes choses. On ne fait donc que le représenter dans les Considérations suivantes comme créature, comme fils d'un père pécheur, et comme pécheur lui-même ; et on croit que cela suffira pour nous donner les sentiments que nous devons avoir de nous-mêmes. Si les hommes, après avoir senti vivement leurs misères et reconnu sérieusement leurs obligations, demeuraient toujours insensibles aux plaisirs, incapables de vanité, et fort pénétrés des vérités essentielles, ces Méditations ne seraient propres que pour ceux qui commencent leur conversion. Mais on croit pouvoir dire qu'elles seront utiles à tous ceux qui voudront bien s'en servir, non tant parce qu'elles leur apprendront ce qu'ils ne savaient pas, que parce qu'elles les feront penser à des choses auxquelles ils ne pensent jamais assez.

Méditations sur l'humilité et la pénitence.

De l'homme considéré comme créature.

1ère considération.

L'homme n'est qu'un pur néant par lui-même : il n'est que parce que Dieu veut qu'il soit ; et si Dieu cessait seulement de vouloir que l'homme fût, l'homme ne serait plus. Car si Dieu peut anéantir ses créatures, ce n'est pas que Dieu cesse de vouloir ce qu'il a voulu, puisque ses volontés sont éternelles et immuables. Mais il a pu de toute éternité, et par une volonté immuable, vouloir que ce qui est fût jusqu'à ce moment, et non davantage. Non pas en voulant positivement qu'elles ne soient pas ; puisque Dieu ne peut pas aimer ou vouloir positivement le néant qui n'a rien de bon. Mais il peut les détruire, parce qu'il peut cesser de vouloir qu'elles soient. Car comme les créatures ne renferment pas toute la bonté, elles ne sont point invinciblement ni nécessairement aimables : outre que Dieu se suffit à lui- même, et possède tout ce que les créatures ont de réalité et de perfection.

Elévation à Dieu.

Mon Dieu faites-moi continuellement sentir la dépendance où je suis de votre volonté toute-puissante. Mon être est à vous, et la durée de mon être ou mon temps est aussi à vous. Que je suis injuste ! Mon être est, pour ainsi dire, l'être de Dieu : mon temps est véritablement le temps de Dieu, car je suis plus à Dieu qu'à moi, ou plutôt je ne suis point du tout à moi, je ne subsiste point par moi, et cependant je ne vis, et je n'emploie le temps de Dieu que pour moi. Hélas, que je me trompe ! Tout le temps que je n'emploie point pour vous, ô mon dieu, je ne l'emploie point pour moi, je le perds : et je ne me cherche, et je ne me trouve, que lorsque je vous cherche, et que je vous trouve.

2e considération.

L'homme n'est que faiblesse et qu'impuissance par lui-même. Il ne peut vouloir le bien en général que par l'impression continuelle de Dieu, qui le tourne et qui le pousse sans cesse vers lui ; car Dieu est le bien indéterminé ou infini, le bien universel qui comprend tous les biens. L'homme ne peut aussi par lui-même vouloir aucun bien en particulier : il ne le peut que parce qu'il est capable de déterminer vers tel bien l'impression que Dieu ne lui donne que pour lui. L'homme ne peut ni vouloir ni faire le bien que par un nouveau secours de la grâce qui l'éclaire par sa lumière, et qui l'attire par sa douceur : il ne peut par lui-même que pécher. L'homme ne pourrait pas même remuer le bras, si Dieu ne communiquait à son sang et aux aliments dont il se nourrit, une partie du mouvement qu'il a comme répandu dans toute la matière ; et s'il ne déterminait ensuite, selon les différentes volontés de l'homme impuissant, le mouvement des esprits, en les conduisant vers les tuyaux des nerfs, que l'homme même ne connaît pas. Ainsi, c'est l'homme qui veut remuer son bras : mais c'est Dieu seul qui peut et qui sait le remuer. Car enfin, si l'homme ne mangeait pas, et si ce qu'il mange ne se digérait et ne s'agitait pas dans ses entrailles et dans son cœur pour se changer en sang et en esprits, sans attendre les ordres de sa volonté ; et si ces esprits n'étaient conduits par une main savante dans un million de différents tuyaux, ce serait en vain que l'homme qui ne connaît pas les organes secrets de son corps, le voudrait remuer.

Elévation à Dieu.

Mon Dieu, que je sache toujours que sans vous je ne puis rien vouloir ; que sans vous je ne puis rien faire ; et que je ne puis pas même sans vous remuer le moindre partie de mon corps. Vous êtes toute ma force, ô mon Dieu ; je mets en vous toute ma confiance et toute mon espérance. Couvrez-moi de confusion et de honte, et faites-moi intérieurement de sanglants reproches, lorsque je suis si ingrat et si téméraire que de me servir de mon bras pour vous offenser ; puisque c'est uniquement par l'efficace de votre volonté, et non par l'effort impuissant de la mienne qu'il se remue, lorsque c'est moi qui le remue.

3e considération.

L'homme n'est que ténèbres par lui-même. Ce n'est point l'homme qui produit en lui les idées par lesquelles il aperçoit toutes choses ; car il n'est pas à lui-même sa lumière. Et la philosophie m'apprenant que les objets ne peuvent pas former dans l'esprit les idées qui les représentent, il faut reconnaître qu'il n'y a que Dieu qui puisse nous éclairer. C'est le grand soleil qui pénètre tout, et qui remplit tout de sa lumière. C'est le grand Maître qui instruit tous ceux qui viennent en ce monde : c'est et par lui et dans lui que nous voyons tout ce que nous voyons, et que nous pouvons voir tout ce que nous sommes capables de voir : parce que Dieu renfermant les idées ou les ressemblances de tous les êtres, et étant en lui comme nous sommes, in ipso enim vivimus, movemur, et sumus, nous y voyons, ou nous y pouvons voir successivement tous les êtres. Enfin c'est le monde intelligible dans lequel sont les esprits, et dans lequel ils aperçoivent le monde matériel qui n'est ni visible, ni intelligible par lui-même.

Élévation à Dieu.

Mon Dieu de qui je tiens toutes mes pensées, lumière de mon esprit et de mes yeux, sans laquelle le soleil, même tout éclatant qu'il est, ne me serait pas visible, faites-moi toujours sentir votre puissance et ma faiblesse, votre grandeur et ma bassesse, votre clarté et mes ténèbres, en un mot, ce que je suis et ce que vous êtes.

4e considération

L'homme par lui-même est insensible et comme mort : les corps qui l'environnent ne peuvent agir sur son esprit. Peut-être qu'une épée peut me percer, et faire ainsi quelque changement dans les fibres de ma chair : mais certainement elle ne peut me faire souffrir de douleur. Une musique peut-être peut ébranler l'air, et ensuite les fibres de mon cerveau : mais certainement mon esprit n'en peut être ébranlé. Mon âme est bien au-dessus de mon corps ; et il n'y a aucun rapport nécessaire entre l'une et l'autre de ces deux parties de moi-même. Je sens d'un autre côté que le plaisir, la douleur, et tous les autres sentiments que j'ai, se font en moi indépendamment de moi, et même souvent malgré tous les efforts que je fais au contraire. Ainsi je ne puis douter que ce ne soit quelqu'autre chose que mon âme, qui donne la vie et le sentiment à mon âme. Et je connais point d'autre puissance que celle de Dieu, pour agir ainsi sur l'esprit de ses créatures. Il faut être le souverain de l'âme pour la punir et pour la récompenser, pour la réjouir, et pour l'affliger.

Elévation à Dieu.

Mon Dieu, puisque je ne vis que par vous, que je ne vive que pour vous, que je sois insensible à tout, hormis à votre amour. Mon Dieu, faites-moi bien connaître que toutes les créatures ne peuvent me faire ni bien ni mal : qu'elles ne peuvent me faire sentir ni plaisir ni douleur : que je ne dois ni les craindre ni les aimer : qu'il n'y a que vous, ô mon dieu, que je doive craindre, et que je doive aimer ; puisqu'il n'y a que vous qui puissiez me récompenser en me comblant de plaisirs comme vos élus, et qui puissiez me punir, en m'accablant de douleurs comme les réprouvés. O mes chastes délices, puisqu'il n'y a que vous comme Auteur de la nature, qui soyez la cause des plaisirs que je sens, et que ces plaisirs m'attachent misérablement à la terre, au lieu de m'unir à vous qui me les faites goûter ; je vous prie que ne les sente plus si violents, dans l'usage des choses que vous me défendez. Répandez une sainte horreur et une amertume salutaire, sur les objets de mes sens, afin que je puisse m'en détacher : et faites-moi sentir dans votre amour la délectation de votre grâce, afin que je m'attache à vous. Que la douceur que je goûte en vous aimant augmente mon amour : que mon amour renouvelle le sentiment de votre douceur : que je croisse ainsi en charité, jusqu'à ce qu'étant enfin plein de vous, et entièrement vide de moi-même et de toute autre chose, je rentre et je me perde en vous, ô mon Tout, comme dans la source de tous les êtres ; et que cette parole de votre Apôtre, Deus erit omnia in omnibus, s'accomplissant entièrement en moi, je me trouve moi et toutes choses en vous.

De l'homme considéré comme fils d'un père pécheur.

1ère considération.

L'homme, comme nous avons reconnu dans les considérations précédentes, n'est par lui-même qu'un pur néant : Il n'est que faiblesse, qu'impuissance, que ténèbres : il reçoit continuellement de dieu la vie, le sentiment, le mouvement, enfin tout son être et toutes ses puissances. Il est sans doute dans une obligation fort étroite de reconnaissance et d'amour envers Dieu, puisqu'il est dans une si grande dépendance de lui, si on le considère seulement comme créature. Mais si on le considère comme fils d'un père pécheur, et comme pécheur lui-même, on trouve une si grande multiplicité de devoirs essentiels et indispensables qu'il doit rendre à Dieu, et en même temps une telle impuissance et une telle indignité à le faire, que tant s'en faut qu'il puisse rendre ces devoirs, que même il n'y serait pas reçu, si notre Médiateur Jésus-Christ ne lui en avait mérité la grâce par sa mort. Et c'est pour cela qu'il ne faut pas considérer l'homme seulement comme fils d'un père pécheur et comme pécheur lui-même : il faut sans cesse le regarder en J.-C. car c'est seulement en Jésus-Christ que nous pouvons plaire à Dieu.

 

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 Nicolas Malebranche, philosophe et prêtre français