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  • textes philo

Ciceron

Traité du destin

Ciceron démasque Catilina au senat romain, oeuvre de MaccariCicéron. de fato (suite).

X Voici comment Chrysippe raisonne : « S'il y a quelque mouvement sans cause, on ne peut pas dire que toute proposition (g-axiohma, dans la langue des Dalecticiens) soit ou vraie, ou fausse. Car ce qui n'a pas de cause efficiente n'est ni vrai ni faux. Mais toute proposition est ou vraie ou fausse. Donc il n'y a point de mouvement sans cause. Cela étant, tout ce qui arrive est l'effet de causes précédentes. S'il en est ainsi, tout arrive fatalement. Il est donc démontré que le destin préside à tous les événements du monde.» Je répondrai d'abord que, me fallût-il nier avec épicure que toute proposition soit ou vraie ou fausse, j'aimerais mieux en venir à cette extrémité, que de recevoir en ma croyance le dogme de la fatalité universelle. Encore le sentiment d'épicure mérite-t-il d'être discuté; mais celui de Chrysippe est de tous points insoutenable. Aussi l'habile Stoïcien emploie tous ses efforts à démontrer qu'il n'est point de proposition qui ne soit ou vraie ou fausse. D'un côté, épicure appréhende qu'en accordant ce principe, il ne lui faille accorder aussi que tout arrive fatalement, car il lui semble que si l'une des deux alternatives est vraie de toute éternité, elle est par conséquent certaine; certaine, elle est nécessaire, et voilà le Destin reconnu. D'autre part, Chrysippe se trouve fort empêché, si l'on ne convient que toute proposition est ou vraie ou fausse, à démontrer que la fatalité règle tout, et que les événements futurs sont de toute éternité déterminés dans leurs causes. Mais épicure croit échapper à la fatalité par la déclinaison de ses atomes. Voilà un troisième mouvement : à ceux que produisent la pesanteur et le choc, il faut ajouter cette déclinaison infiniment petite, g-elakiston, dit épicure. Mais voilà un mouvement sans cause; si épicure ne le déclare pas expressément, au fond il est forcé d'en convenir. Car si un atome vient à dévier, ce n'est pas qu'il ait été poussé par un autre : comment deux atomes pourraient-ils s'entrechoquer, puisque, d'après épicure lui-même, ils sont tous emportés par la pesanteur, suivant une ligne droite et perpendiculaire? Non seulement ils ne s'entrechoquent point, mais ils ne se touchent même jamais. Donc bien certainement admettre les atomes et leur déclinaison, c'est admettre un mouvement sans cause. épicure a imaginé cette déclinaison, parce qu'il craignait que si la pesanteur emportait seule les atomes d'un mouvement naturel et nécessaire, il n'y eût aucune action libre, l'âme étant contrainte de suivre toujours l'impulsion originelle des atomes. Aussi Démocrite, l'inventeur des atomes, a-t-il mieux aimé soumettre toutes choses à la fatalité, que de soustraire ses corpuscules à leurs mouvements naturels.

XI L'esprit ingénieux de Carnéade apprit aux épicuriens comment ils pouvaient défendre leur sentiment sans recourir à cette déclinaison chimérique. Il attribue à l'âme le pouvoir de produire certains mouvements volontaires, qui sont incontestablement plus raisonnables que la déclinaison épicurienne, dont on ne peut, après tout, alléguer aucune cause. Avec la thèse de Carnéade, il est facile de répondre à Chrysippe. On lui accorde, qu'il n'est aucun mouvement sans cause; mais on nie que tout ce qui arrive doive s'expliquer par des causes efficientes et antécédentes à la fois, car il ne faut point chercher les causes de la volonté en dehors d'elle. C'est par un abus de langage que nous disons qu'un homme veut ou ne veut pas, sans cause; quand nous parlons ainsi, ce sont les causes externes et antécédentes que nous entendons exclure, et non toute espèce de cause. Quand nous disons qu'un vase est vide, nous n'exprimons pas la même idée que les physiciens lorsqu'ils affirment qu'il n'y a pas de vide dans la nature: ce que notre langage signifie, c'est que le vase ne contient pas d'eau, par exemple pas de vin, pas d'huile. Tout pareillement, lorsque nous disons que l'âme agit sans cause, nous entendons sans cause externe et précédente, mais non pas sans cause absolument. A ce compte on pourrait dire de l'atome lui-même qui est emporté dans le vide par son propre poids, qu'il se meut sans cause, puisque son mouvement n'est déterminé par aucune cause externe. Mais les physiciens, nous entendant prononcer ces mots d'effets sans causes, vont se rire de nous; hâtons-nous de distinguer, et de leur dire : il est compris dans la nature même de l'atome que son propre poids l'entraîne; et c'est là la cause de son mouvement. Par une raison semblable, il ne faut pas chercher de cause externe au mouvement volontaire de l'âme; car la nature du mouvement volontaire implique qu'il soit en notre puissance et dépende de nous; il n'est donc point sans cause, car la cause que vous cherchez, c'est sa nature même. S'il en est ainsi, on peut très certainement accorder que toute proposition est vraie ou fausse, sans être obligé de convenir qu'en conséquence tout arrive fatalement.

XII Non pas, répond Chrysippe; parce qu'aucun événement futur ne peut être vrai, qui n'ait dans le présent des causes en vertu desquelles il arrivera un jour; tout événement est donc nécessairement lié à ses causes, et tout ce qui est vrai à l'avance se produit fatalement. - Tout serait bientôt dit sans doute, s'il fallait accorder ou que le Destin gouverne tout, ou qu'il y a des effets sans causes. Mais, je vous le demande, cette proposition: « Scipion prendra Numance,» ne peut-elle être vraie qu'à la condition qu'une série infinie de causes ait de toute éternité amené cet événement? Imaginez qu'on l'ait exprimée six cents siècles avant, eût-elle été fausse? Slors il n'était pas vrai de dire : « Scipion prendra Numance,» il n'est pas vrai de dire aujourd'hui, après la ruine de cette ville : « Scipion a pris Numance;» car est-il possible qu'un fait se soit accompli, dont il n'ait pas été vrai de dire : il s'accomplira? Ce que nous appelons vrai dans le passé, c'est ce qui a été réel à une certaine époque; et en même sorte, nous appelons vrai l'événement futur qui sera réel dans l'un des moments de l'avenir. Ainsi donc, si l'on doit dire que toute proposition est ou vraie ou fausse, il ne s'ensuit pas que tout, dans le monde, soit produit par des causes immuables et éternelles, et que chaque événement arrive forcément tel qu'il devait arriver. Il y a des causes fortuites qui donnent de la vérité aux propositions de ce genre : « Caton viendra au sénat,» et qui ne sont point comprises dans la nature des choses, ni dans l'ordre éternel de l'univers. L'avenir est tout aussi certain que le passé; mais cette certitude n'entraîne ni la nécessité ni le Destin. Incontestablement, si cette proposition : « Hortensius viendra à Tusculum,» n'est pas vraie, on doit admettre qu'elle est fausse; mais les épicuriens prétendent qu'elle n'est ni vraie ni fausse, ce qui est absurde. Nous ne nous laisserons point embarrasser non plus par le sophisme paresseux (g-argos g-logos), comme l'appellent les philosophes; car, s'il fallait l'en croire, nous nous tiendrions dans une inaction complète. Voici sous quelle forme on le présente : « Si votre destinée est de guérir de cette maladie, appelez un médecin ou n'en appelez pas, vous guérirez. Par la même raison, si votre destinée est de ne point guérir de cette maladie, appelez un médecin ou n'en appelez pas, vous ne guérirez point. Or, il est évident que l'un ou l'autre est dans votre destinée. Il est donc inutile d'appeler un médecin.»

XIII C'est avec raison qu'on a nommé cet argument le sophisme paresseux, parce que, en vertu du même principe, on supprime absolument toute action. On peut même, sans parler du Destin, mais sans rien ôter à la force de l'argument, le proposer de cette sorte : « Si de toute éternité il est vrai que vous devez guérir de cette maladie, appelez le médecin ou ne l'appelez pas, vous guérirez. Et, par la même raison, s'il est vrai de toute éternité que vous ne guérirez pas de cette maladie, appelez le médecin ou ne l'appelez pas, vous ne guérirez point;» et la suite. Chrysippe réfute ce sophisme. Il y a, dit-il, des choses simples, il en est d'autres naturellement liées. Si je dis : « Socrate mourra tel jour, » je parle d'un fait en lui-même, simple, isolé. Socrate n'a rien à faire, rien à éviter, il mourra certainement ce jour-là. Mais si l'on dit à l'avance : « OEdipe naîtra de Laïus,» on ne peut ajouter « que Laïus ait ou non commerce avec une femme;» car les deux choses sont nécessairement liées, et Chrysippe les appelle confatales; car on déclare à la fois que Laïus aura commerce avec sa femme, et que de ce commerce OEdipe naîtra. C'est comme si l'on disait : « Milon luttera aux jeux Olympiques,» et que quelqu'un reprît : « Ainsi, soit que Milon ait un adversaire, soit qu'il n'en ait point, il luttera,» il serait dans l'erreur; quand on dit : « il luttera,» c'est une de ces propositions que nous appelons liées, car il n'y a pas de lutte sans adversaires. Tous les sophismes de ce genre se réfutent par la même distinction. Appelez le médecin, ou ne l'appelez pas; pur sophisme; car l'appel du médecin est tout autant que la guérison dans l'arrêt de la destinée. Ce sont là des conditions nécessaires, que Chrysippe, comme je l'ai dit, appelle confatales.

XIV Carnéade n'approuvait nullement les arguments de ce genre, et pensait que ce fameux sophisme était fort inconsidéré. Il attaquait les Stoïciens d'une autre manière, sans recourir à aucune subtilité. Voici comment il raisonnait : « Si tout arrive en vertu de causes externes et efficientes, tous les événements sont enchaînés naturellement dans un tissu que rien ne peut rompre. S'il en est ainsi, la nécessité produit tout. Mais alors rien n'est en notre pouvoir. Or, il y a certainement quelque chose en notre pouvoir. Mais tout serait déterminé par des causes externes et efficientes, si tout arrivait fatalement. Donc tout ce qui se fait ne se fait point fatalement. » Il est impossible de donner à ce raisonnement une forme plus pressante. Supposez que l'on veuille retourner l'argumentation, et dire : « Si tout événement futur est vrai de toute éternité, en cette sorte que tel il doit arriver, tel il arrivera certainement, il faut en conclure que tout ce qui se fait est le résultat nécessaire d'une série de causes naturellement enchaînées;» on ne prouverait absolument rien. Il y a une grande différente entre une série de causes naturelles qui, de toute éternité, rendent certain un événement futur, et la connaissance fortuite que l'on peut avoir à l'avance de la certitude d'un fait, sans, pour cela, qu'il se rattache à une série infinie de causes naturelles. Aussi Carnéade affirmait-il qu'Apollon lui-même ne pouvait prédire d'autres événements que ceux dont l'ordre de la nature comprend les causes, et qui doivent en être le résultat nécessaire. A quelles marques ce dieu aurait-il pu reconnaître que Marcellus, qui fut trois fois consul, devait périr dans la mer? Cet événement était vrai de toute éternité, mais il n'avait pas de cause déterminante dans l'ordre de la nature. Carnéade allait jusqu'à dire qu'Apollon ne pouvait connaître le passé, quand il n'en restait plus de traces; à plus forte raison l'avenir lui était-il impénétrable. Comment savoir ce qui doit arriver, ajoutait-il, si on ne lit l'avenir dans les causes qui le préparent? Apollon n'a donc pu prédire le parricide d'OEdipe, car il n'y avait dans la nature des choses aucune cause essentielle en vertu de laquelle il dût nécessairement donner la mort à son père; en un mot, Apollon n'a pu faire aucune prédiction de ce genre.

XV Ainsi donc si les Stoïciens, qui admettent la fatalité universelle, doivent, pour être conséquents, croire à de tels oracles et à tout le cortège de la divination, taudis que ceux pour qui les événements futurs sont vrais de toute éternité, peuvent se soustraire à ces conséquences ; n'est-il pas évident que ces derniers sont dans une condition bien meilleure que les Stoïciens? Ceux-ci sont étroitement pressés; ceux-là au moins peuvent respirer et trouver plus d'une issue. Ils accordent sans doute que rien ne peut se faire sans une cause suffisante; mais le Destin n'y gagne rien, si cette cause ne doit point être rattachée à la série sans fin des causes naturelles. La cause est ce qui produit véritablement son effet : par exemple, une blessure est cause de la mort; l'indigestion, de la maladie; le feu, de la chaleur. Il ne faut point entendre par cause tout ce qui précède un fait, mais seulement ce qui le précède d'une manière efficiente. Je vais au champ de Mars, mais ce n'est point là la cause qui me fait jouer au jeu de paume; Hécube n'est pas cause de la ruine de Troie, parce qu'elle met au monde Pâris; Tyndare n'est pas cause du meurtre d'Agamemnon, parce qu'il engendre Clytemnestre. A ce compte, un voyageur bien vêtu serait cause qu'un brigand va le dépouiller. On peut mettre dans la même famille ces vers d'Ennius : « Plût au ciel que sur le mont Pélion la hache n'ait jamais abattu le pin navigateur !» Il pouvait remonter plus haut : « Plût au ciel que le mont Pélion n'eût jamais porté d'arbre! » plus haut encore : « Plût au ciel qu'il n'y eût jamais eu de mont Pélion !» Il pouvait enfin remonter de proche en proche à l'infini. Continuons : « Et que le premier vaisseau, sorti de ces forêts, n'eût jamais paru sur les flots ! ---» A quoi bon rappeler ces anciens événements? parce qu'ils précèdent cette triste aventure: « Sans eux Médée, ma triste maîtresse, n'aurait point fui la maison paternelle, l'esprit déchiré, blessée au cÅ“ur par ce cruel amour; » mais évidemment, ce ne sont pas là les causes de l'amour de Médée.

XVI. Les partisans de Diodore disent qu'il faut reconnaître une grande différence entre le fait qui est seulement la condition de l'existence d'un autre fait, et celui qui détermine nécessairement cette existence. On ne peut appeler cause ce qui ne produit pas, par sa propre vertu, l'effet dont il est réputé cause; on ne peut donc appeler cause ce qui est simplement la condition de l'existence d'un fait; mais seulement ce qui, par sa seule présence, produit nécessairement l'événement dont il est cause. Avant que Philoctète eût été mordu par un serpent venimeux, quelle cause y avait-il dans la nature des choses pour qu'il fût abandonné à Lemnos? Mais, après cette morsure, son abandon eut une cause prochaine et très rapprochée de l'événement; c'est la nature de l'événement qui nous en dévoile la cause. Cependant, de toute éternité, cette proposition fut vraie : « Philoctète sera abandonné dans une île;» et il fut toujours impossible que de vraie elle devînt fausse. Car il est nécessaire que, entre deux contradictoires (j'appelle ici contradictoires deux propositions dont l'une affirme une chose que l'autre nie), il est nécessaire, disons-nous, qu'entre deux propositions de ce genre, malgré le sentiment d'Epicure, l'une soit vraie, et l'autre fausse; ainsi, de toute éternité, cette proposition : « Philoctète guérira, était vraie,» et celle-ci : « Il ne guérira pas,» était fausse. A moins toutefois que nous ne voulions nous ranger à l'opinion des épicuriens, qui soutiennent que de telles propositions ne sont ni vraies ni fausses; mais bientôt, rougissant d'une telle absurdité, ils viennent à dire, ce qui est plus absurde encore, qu'en opposant deux propositions contradictoires, il faut avouer que l'une des deux est vraie; mais que, à les considérer isolément, ni l'une ni l'autre ne sont vraies. Il est difficile de croire que l'impudence et l'ignorance de la logique puissent aller plus loin. Comment ne voient-ils pas que déclarer qu'une proposition n'est ni vraie ni fausse, c'est avouer qu'elle n'est pas vraie, partant qu'elle est fausse? ou bien qu'elle n'est pas fausse, partant qu'elle est vraie? La maxime défendue par Chrysippe, que toute proposition est ou vraie ou fausse, me semble donc au-dessus de toute contestation ; et l'on doit en conclure que certaines choses sont vraies de toute éternité, sans être pour cela le résultat d'une série infinie de causes naturelles et l'oeuvre de la fatalité.

XVII. La vérité est, si je ne me trompe, que, entre les deux doctrines opposées des anciens philosophes, l'une qui établissait le gouvernement absolu du Destin et l'empire de la nécessité, et dont les principaux partisans furent Démocrite, Héraclite, Empédocle et Aristote; l'autre quffranchissait de cet empire les mouvements volontaires de l'âme ; Chrysippe, en arbitre conciliateur, a voulu partager le différend par la moitié, mais a penché pour ceux qui ôtent aux mouvements de l'âme les liens de la nécessité. Malheureusement il s'embarrasse dans son langage, il prête bientôt le flanc aux partisans de la fatalité, et leur donne des armes contre lui-même. Choisissons, pour nous en convaincre, une des premières questions que j'aie traitées, celle du consentement. Les anciens philosophes, qui admettaient la fatalité universelle, disaient que le consentement est nécessaire et forcé. Ceux qui professaient le sentiment contraire niaient l'empire de la fatalité sur le consentement, et prétendaient que si l'on soumettait le consentement au Destin, on le rendait inévitablement nécessaire. Voici comme ils raisonnaient : « Si tout arrive fatalement, tout se fait en vertu de causes externes et efficientes; si notre propre impulsion est dans cette condition-là, tout ce qui vient ensuite de notre impulsion y est en même sorte, par conséquent le consentement s'y trouve. Mais si la cause de notre impulsion propre n'est pas en nous, l'impulsion elle-même n'est pas en notre pouvoir. S'il en est ainsi, rien de ce qui suit l'impulsion ne dépend de nous. Donc, notre consentement et nos actions ne sont pas en notre pouvoir : d'où il résulte que la louange et le blâme, les honneurs et les supplices sont des contre-sens.» Mais ce sont là des conséquences absurdes, dont il est vraisemblable de conclure que tout ce qui se fait ne se fait pas fatalement.

XVIII. Chrysippe, qui rejette la nécessité et qui veut cependant que rien n'arrive sans causes antécédentes, établit une distinction entre les causes, pour éviter la nécessité et retenir le Destin. Parmi les causes, dit-il, les unes sont parfaites et principales, les autres auxiliaires et prochaines; c'est pourquoi quand je dis que tout arrive en vertu de causes antécédentes, je n'entends pas, que ce soient des causes parfaites et principales, mais seulement des causes auxiliaires et prochaines. Il répond ainsi à l'argument que je rapportais tout à l'heure : « Si tout se fait par le destin, dit-il, il en résulte bien que tout se fait en vertu de causes antécédentes, mais non pas que ces causes soient principales et parfaites; il suffit qu'elles soient auxiliaires et prochaines. Elles ne sont pas en notre puissance, il est vrai; mais on ne doit pas en conclure que notre impulsion n'est pas en notre puissance. Cette conclusion ne serait fondée que si nous parlions de causes parfaites et principales; alors seulement, ces causes n'étant pas en notre puissance, il serait vrai que notre impulsion ne nous appartiendrait pas non plus. Ainsi donc l'argument que je combats n'a de force que contre ceux qui admettent à la fois le Destin et l'efficacité nécessaire des causes; mais il ne prouve rien contre ceux qui, tout en recevant des causes antécédentes, ne les font ni principales ni parfaites.» Quant à la difficulté qui reste encore, lorsqu'on rattache le consentement à des causes précédentes, Chrysippe pense qu'il la résoudra facilement. Voici de quelle manière : « Quoiqu'il ne puisse y avoir de consentement sans une perception qui nous remue, cependant, dit-il, la perception n'est que la cause prochaine et non pas efficiente du consentement, qui se trouve alors dans une condition dont nous avons déjà parlé : il ne peut se produire sans l'excitation d'une cause étrangère, (car il n'y a point de consentement sans perception ; mais il se produit comme se meut un cylindre et un sabot. (C'est la comparaison familière de Chrysippe.) Il faut que l'on chasse le sabot pour qu'il tourne; mais une fois lancé, il continue à tourner de sa propre impulsion.»
« Celui qui chasse le sabot le met en mouvement, mais ne lui donne pas sa volubilité.» Ainsi, toujours selon Chrysippe, l'objet de la perception imprime et grave en quelque sorte son image en notre âme, mais notre consentement reste en notre pouvoir; notre volonté reçoit, comme le sabot, une impulsion du dehors; mais c'est en vertu de sa propre nature, et spontanément, qu'elle suit cette impulsion. Si quelque événement arrivait sans cause antécédente, il serait faux que le Destin réglât tout; mais s'il est raisonnable d'accorder que tout fait a sa cause qui le précède, comment se défendre de cette conséquence légitime que tout se fait par le Destin? pourvu toutefois que l'on ne perde jamais de vue la distinction qui a été établie entre les causes. - Voilà les explications de Chrysippe. Ceux qui prétendent que le Destin ne détermine pas notre consentement, et qui nient en même temps que le consentement ne puisse se produire que provoqué par une perception, ceux-là soutiennent véritablement une autre thèse; mais ceux qui accordent que le consentement est toujours provoqué par la perception, et qui cependant veulent soustraire le consentement à la loi du Destin, me semblent fort n'avoir pas d'autre sentiment que Chrysippe. Celui-ci, tout en décidant que la cause prochaine et déterminante du consentement est la perception, n'accorde pas qu'elle en soit la cause nécessaire; et, lorsqu'il prétend que tout se fait par le Destin, il n'entend pas que tout arrive en vertu de causes antécédentes et nécessaires. Ceux qui, sans admettre le Destin, accordent qu'il n'y a de consentement qu'à la condition d'une perception antérieure, conviendront facilement que si l'on entend par Destin seulement la préexistence d'une cause comme condition indispensable d'un fait, à ce compte le Destin règne partout. On voit donc clairement que les deux doctrines, lorsqu'elles s'expliquent, aboutissent aux mêmes conclusions, et que si elles diffèrent dans les termes, au fond elles expriment la même pensée. Voici en peu de mots toute la question D'abord y a-t-il une distinction entre les causes? et peut-on dire que, dans certains cas, les causes préexistantes ne laissent rien en notre pouvoir, et déterminent nécessairement leurs effets; tandis que dans d'autres circonstances, malgré l'influence des causes externes, nous sommes toujours les maîtres de suivre la direction qui nous plaît? Les deux partis s'accordent à établir cette distinction; mais les uns pensent que tout ce qui se passe en nous en vertu de causes préexistantes, et sans qu'il soit en notre pouvoir d'y rien changer est l'oeuvre du Destin, tandis que ce dont nous sommes maîtres lui échappe.

XX. C'est ainsi qu'il faut résoudre la difficulté, au lieu d'appeler à son aide des atomes errants et déviés. L'atome décline, dit épicure; et d'abord pourquoi? Je sais que les atomes ont un certain mouvement d'impulsion (selon démocrite; de gravité et de pesanteur, selon vous-même, épicure). Quelle est donc cette nouvelle cause naturelle qui donne aux atomes un mouvement de déclinaison? Est-ce que les atomes tirent au sort pour savoir lequel déclinera, lequel conservera la ligne directe? Pourquoi cette mesure infiniment petite de déclinaison, et non pas une plus grande? et pourquoi seulement ce degré insaisissable, et non pas deux ou trois degrés? C'est là trancher les questions, mais non les résoudre; car vous n'expliquez la déclinaison de l'atome, ni par une impulsion qu'il recevrait du dehors, ni par l'influence qu'exercerait sur lui le vide dans l'immensité duquel il est emporté, ni par un changement survenu dans l'atome lui-même. Il renonce tout â coup à suivre la direction que lui imprime son mouvement naturel; pourquoi? sans raison; vous n'en donnez aucune. Et cependant épicure croit mettre au monde quelque chose qui en vaille la peine, quand il produit cette ridicule invention qui répugne au bon sens. Pour moi, il me semble que si le Destin, et mieux encore l'aveugle fatalité, la nécessité absolue de toutes choses, ont un défenseur, et la liberté un ennemi, c'est bien ce philosophe qui déclare qu'on ne petit échapper à la fatalité qu'en recourant à cette déclinaison chimérique. Je veux bien supposer qu'il y ait des atomes, ce qui ne me sera jamais démontré, cette déclinaison n'en restera pas moins éternellement inexplicable, si les atomes ont reçu naturellement de leur gravité une impulsion qui les entraîne nécessairement de haut en bas, parce que tout corps pesant, qui ne rencontre pas d'obstacle, se meut et tombe par une loi nécessaire; il faut aussi que le mouvement de déclinaison soit imprimé nécessairement par la nature à certains atomes, ou même à tous, s'ils le veulent.
Cicéron premiere partie

Pour une biographie de Cicéron

Lucrece

Extraits de philosophes

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Ciceron Philosophe et consul romain, buste en marbre

CICERON

(Marcus Tullius Cicero)

Né à Arpinum le 3 janvier 106 ; famille équestre ; homo novus, puisque aucun membre de sa gens n'avait rempli avant lui de fonction curule. Ascension régulière : questeur en 76, à Lilybée (en Sicile) ; consul en 63 et proconsul en Cilicie de mars 51 à juillet 50. En accédant au consulat, il s'estimera au sommet de sa carrière politique.

En tant qu'avocat, il s'est fait connaître juste après la mort de Sylla (en 78) par des procès retentissant contre Verrès, qui attirèrent sur lui l'attention. Après avoir pris position avec éclat contre la noblesse, dans ce procès, il cherche à réaliser un accord entre les chevaliers et les sénateurs, pour assurer l'ordre dans l'état (le concursus bonorum). Mais en réglant la conjuration de Catilina, il s'est attiré l'hostilité du parti démocratique des populares. Ses discours avaient été déterminants : il prononça les Catilinaires entre le 8 novembre et le 5 décembre 63 : les complices de Catilina furent arrêtés et exécutés ; Catilina réussit à s'enfuir mais mourut peu après, les armes à la main.

Partisan de l'ordre, hostile aux démocrates (Catilina, César) et ennemi de Sylla, par conviction et par fidélité à Marius, qui est son compatriote, il rejoint le parti de Pompée dans lequel il essaie de jouer un rôle important. Il estimait que les vertus républicaines se trouvaient incarnées en Pompée et en son parti. Les troubles de l'époque et surtout le conflit qui éclata entre César et Pompée lui ont apporté bien des déceptions. En 60, César, Crassus et Pompée forment le premier triumvirat. Cicéron commet l'erreur d'attaquer César en défendant un ancien collègue, Gaius Antonius Hybrida. C'est le tribun de la plèbe Clodius qui riposte pour César et attaque à son tour Cicéron. Cicéron s'enfuit en Grèce le 17 avril 58, et ne revient qu'un an plus tard, grâce à l'intervention de Pompée. Son retour est triomphal, mais il reçoit bientôt l'ordre de partir pour la Cilicie, province peu convoitée, ni pacifiée ni riche. Son frère Quintus, son fils et son neveu l'accompagnent. Sa femme et sa fille restent en Italie.

C'est alors l'époque du duel entre César et Pompée ; Cicéron ne sait s'il doit rester fidèle à Pompée ou rejoindre le parti de César. Il ne participe pas à la bataille décisive de Pharsale en août 48. Mais il se replie ensuite avec les restes de l'armée pompéienne à Corcyre (actuelle Corfou). Il rencontre à plusieurs reprises César, sans savoir précisément où se situe son devoir. Ses dernières illusions sur le maintien de la république tombent et il se réfugie dans le travail littéraire.

En mars 44, César est assassiné. Cicéron croit encore possible de jouer un rôle politique. Il prononce contre Antoine les quatorze Philippiques ; peu après, il cherche à fuir en Grèce lorsqu'il est rejoint par des hommes de main d'Antoine qui l'assassinent.

II) vie privée

Il épouse vers 77 Térentia, de famille riche et illustre. C'est à elle qu'appartenait, entre autres, la villa de Tusculum, que Cicéron aimait particulièrement. Ils eurent deux enfants, Tullia, vers 76 ou 75, et Marcus, en 65. Ils divorceront vers 47, mais se trouvaient séparés de fait depuis longtemps. Puis, Cicéron se remaria avec Publilia, en décembre 46, mais lui ferme sa porte après la mort de sa fille, trois mois plus tard !

Cicéron ne fut peut-être pas un bon époux. Il faut toutefois se souvenir que la conception du mariage, à l'époque, diffère beaucoup de la nôtre : le mariage est surtout affaire d'intérêt. On le voit aussi par les différentes fiançailles et le mariage de sa fille Tullia, qui ne semble guère consultée pour cet événement de sa vie.

En 45, il perd sa fille Tullia.. Son chagrin fut immense. Son fils, quant à lui, ne semble pas lui avoir donné beaucoup de satisfaction. Peut-être était-il jaloux de son père.

>Les amitiés de Cicéron comptent beaucoup dans sa vie. Sa Correspondance nous évoque d'abord son amitié pour Atticus ; c'est d'ailleurs Atticus qui publiera la correspondance de Cicéron après la mort de celui-ci. Une autre amitié, plus compromettante, le lia à Brutus, neveu de Caton et lié à César. Cicéron voyait en ce jeune homme le restaurateur de la république. Toutefois, il semble peu probable qu'il l'ait incité à assassiner César.

biographie extrait du site : vitellus.ifrance.com