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  • textes philo

Paul Henri Thiry, baron d'Holbach

Système de la nature ou des lois du monde

Paul-Henri Thiry, baron d'Holbach, Surnommé le « maître d'hôtel de la philosophie » gravure d'époquephysique et du monde moral

De tout ce qui vient d’être dit dans ce chapitre, il résulte que l’homme n’est libre dans aucun des instants de sa durée. Il n’est pas maître de sa conformation qu’il tient de la nature ; il n’est pas maître de ses idées ou des modifications de son cerveau qui sont dues à des causes qui malgré lui et à son insu agissent continuellement sur lui ; il n’est point maître de ne pas aimer ou désirer ce qu’il trouve aimable et désirable ; il n’est pas maître de ne point délibérer quand il est incertain des effets que les objets produiront sur lui ; il n’est pas maître de ne pas choisir ce qu’il croit le plus avantageux ; il n’est pas maître d’agir autrement qu’il ne fait au moment où sa volonté est déterminée par son choix. Dans quel moment l’homme est-il donc le maître ou libre dans ses actions ?
Ce que l’homme va faire est toujours une suite de ce qu’il a été, de ce qu’il est, de ce qu’il a fait jusqu’au moment de l’action. Notre être actuel et total, considéré dans toutes ses circonstances possibles, renferme la somme de tous les motifs de l’action que nous allons faire ; principe à la vérité duquel aucun être pensant ne peut se refuser. Notre vie est une suite d’instants nécessaires, et notre conduite bonne ou mauvaise, vertueuse ou vicieuse, utile ou nuisible à nous-mêmes ou aux autres, est un enchaînement d’actions aussi nécessaires que tous les instants de notre durée. vivre c’est exister d’une façon nécessaire pendant des points de la durée qui se succèdent nécessairement ; vouloir, c’est acquiescer ou ne point acquiescer à demeurer ce que nous sommes ; être libre c’est céder à des motifs nécessaires que nous portons en nous-mêmes.
Si nous connaissions le jeu de nos organes ; si nous pouvions nous rappeler toutes les impulsions ou modifications qu’ils ont reçues, et les effets qu’elles ont produits, nous verrions que toutes nos actions sont soumises à la fatalité, qui règle notre système particulier comme le système entier de l’univers ; nul effet en nous, comme dans la nature, ne se produit au hasard, qui, comme on l’a prouvé, est un mot vide de sens. Tout ce qui se passe en nous ou ce qui se fait par nous, ainsi que tout ce qui arrive dans la nature, ou que nous lui attribuons, est dû à des causes nécessaires, qui agissent d’après des lois nécessaires, et qui produisent des effets nécessaires, d’où il en découle d’autres.
La fatalité est l’ordre éternel, immuable, nécessaire, établi dans la nature, ou la liaison indispensable des causes qui agissent avec les effets qu’elles opèrent. D’après cet ordre les corps pesants tombent, les corps légers s’élèvent, les matières analogues s’attirent, les contraires se repoussent ; les hommes se mettent en société, se modifient les uns les autres, deviennent bons ou méchants, se rendent mutuellement heureux ou malheureux, s’aiment ou se haïssent nécessairement d’après la manière dont ils agissent les uns sur les autres. D’où l’on voit que la nécessité qui règle les mouvements du monde physique règle aussi tous ceux du monde moral, où tout est par conséquent soumis à la fatalité. En parcourant à notre insu et souvent malgré nous la route que la nature nous a tracée, nous ressemblons à des nageurs forcés de suivre le courant qui les emporte ; nous croyons être libres parce que tantôt nous consentons, tantôt nous ne consentons point à suivre le fil de l’eau qui toujours nous entraîne ; nous nous croyons les maîtres de notre sort, parce que nous sommes forcés de remuer les bras dans la crainte d’enfoncer.
volentem ducunt fata, nolentem trahunt. Senec.
Les idées fausses que l’on s’est faites sur la liberté sont en général fondées sur ce qu’il y a des événements que nous jugeons nécessaires, parce que nous voyons qu’ils sont des effets constamment et invariablement liés à de certaines causes, sans que rien puisse les empêcher, ou parce que nous croyons entrevoir la chaîne des causes et des effets qui amènent ces événements, tandis que nous regardons comme contingents les événements dont nous ignorons les causes, l’enchaînement et la façon d’agir : mais dans une nature où tout est lié, il n’existe point d’effet sans cause ; et dans le monde physique ainsi que dans le monde moral, tout ce qui arrive est une suite nécessaire de causes visibles ou cachées, qui sont forcées d’agir d’après leurs propres essences. Dans l’homme la liberté n’est que la nécessité renfermée au-dedans de lui-même.

{...}

Nous avons expliqué d’une manière purement physique et naturelle le mécanisme qui constitue les facultés que l’on nomme intellectuelles et les qualités que l’on appelle morales. Nous avons prouvé en dernier lieu que toutes nos idées, nos systèmes, nos affections, les notions vraies ou fausses que nous nous formons sont dus à nos sens matériels et physiques. Ainsi l’homme est un être physique ; de quelque façon qu’on le considère il est lié à la nature universelle, et soumis aux lois nécessaires et immuables qu’elle impose à tous les êtres qu’elle renferme, d’après l’essence particulière ou les propriétés qu’elle leur donne, sans les consulter. Notre vie est une ligne que la nature nous ordonne de décrire à la surface de la terre sans jamais pouvoir nous en écarter un instant. Nous naissons sans notre aveu, notre organisation ne dépend point de nous, nos idées nous viennent involontairement, nos habitudes sont au pouvoir de ceux qui nous les font contracter, nous sommes sans cesse modifiés par des causes soit visibles soit cachées qui règlent nécessairement notre façon d’être, de penser et d’agir. Nous sommes bien ou mal, heureux ou malheureux, sages ou insensés, raisonnables ou déraisonnables, sans que notre volonté entre pour rien dans ces différents états. Cependant malgré les entraves continuelles qui nous lient, on prétend que nous sommes libres, ou que nous déterminons nos actions et notre sort indépendamment des causes qui nous remuent.
Quelque peu fondée que soit cette opinion, dont tout devrait nous détromper, elle passe aujourd’hui dans l’esprit d’un grand nombre de personnes, très éclairées d’ailleurs, pour une vérité incontestable ; elle est la base de la religion, qui, supposant des rapports entre l’homme et l’être inconnu qu’elle met au dessus de la nature, n’a pu imaginer qu’il pût mériter ou démériter de cet être s’il n’était libre dans ses actions. On a cru la société intéressée à ce système, parce qu’on a supposé que si toutes les actions des hommes étaient regardées comme nécessaires, l’on ne serait plus en droit de punir celles qui nuisent à leurs associés. Enfin la vanité humaine s’accommoda, sans doute, d’une hypothèse qui semblait distinguer l’homme de tous les autres êtres physiques, en assignant à notre espèce l’apanage spécial d’une indépendance totale des autres causes, dont, pour peu que l’on réfléchisse, nous sentirons l’impossibilité.
Partie subordonnée d’un grand tout, l’homme est forcé d’en éprouver les influences. Pour être libre il faudrait qu’il fût tout seul plus fort que la nature entière, ou il faudrait qu’il fût hors de cette nature, qui toujours en action elle-même, oblige tous les êtres qu’elle embrasse, d’agir et de concourir à son action générale ou, comme on l’a dit ailleurs, de conserver sa vie agissante par les actions ou les mouvements que tous les êtres produisent en raison de leurs énergies particulières soumises à des lois fixes, éternelles, immuables.
Pour que l’homme fût libre, il faudrait que tous les êtres perdissent leurs essences pour lui, il faudrait qu’il n’eût plus de sensibilité physique, qu’il ne connût plus ni le bien ni le mal, ni le plaisir ni la douleur. Mais dès lors il ne serait plus en état ni de se conserver ni de rendre son existence heureuse ; tous les êtres devenus indifférents pour lui, il n’aurait plus de choix, il ne saurait plus ce qu’il doit aimer ou craindre, chercher ou éviter. En un mot l’homme serait un être dénaturé ou totalement incapable d’agir de la manière que nous lui connaissons.
S’il est de l’essence actuelle de l’homme de tendre au bien-être ou de vouloir se conserver ; si tous les mouvements de sa machine sont des suites nécessaires de cette impulsion primitive ; si la douleur l’avertit de ce qu’il doit éviter, si le plaisir lui annonce ce qu’il doit appéter, il est de son essence d’aimer ce qui excite ou ce dont il attend des sensations agréables, et de haïr ce qui lui procure ou lui fait craindre des impressions contraires. Il faut nécessairement qu’il soit attiré ou que sa volonté soit déterminée par les objets qu’il juge utiles, et repoussée par ceux qu’il croit nuisibles à sa façon permanente ou passagère d’exister.
Ce n’est qu’à l’aide de l’expérience que l’homme acquiert la faculté de connaître ce qu’il doit aimer ou craindre ; ses organes sont-ils sains ? Ses expériences seront vraies, il aura de la raison, de la prudence, de la prévoyance, il pressentira des effets souvent très éloignés ; il saura que ce qu’il juge quelquefois être un bien, peut devenir un mal par ses conséquences nécessaires ou probables, et que ce qu’il sait être un mal passager peut lui procurer pour la suite un bien solide et durable. C’est ainsi que l’expérience nous fait connaître que l’amputation d’un membre doit causer une sensation douloureuse, en conséquence nous sommes forcés de craindre cette opération ou d’éviter la douleur ; mais si l’expérience nous a montré que la douleur passagère que cette amputation cause, peut nous sauver la vie ; notre conservation nous étant chère nous sommes forcés de nous soumettre à cette douleur momentanée dans la vue d’un bien qui la surpasse.

Le texte complet : classiques.uqac.ca/classiques/holbach

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Le baron Paul Henri Tiry d'Holbach, philosophe allemand

Paul-Henri Thiry, baron d’Holbach, né Paul Heinrich Dietrich von Holbach, né à Edesheim, Rhénanie-Palatinat, le 8 décembre 1723 et mort le 21 janvier 1789 à Paris, est un savant et philosophe matérialiste d’origine allemande et d’expression française.

Né dans une riche famille catholique, d’Holbach fait des études de droit à Leyde et s’installe à Paris en 1749. Il devient alors français.

Il participe à l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert à partir de 1751 et rédige des articles traitant de métallurgie, géologie, médecine, de minéralogie et de chimie.

Il devient avocat au Parlement.

Source Wikipédia