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  • textes philo

Platon, Les lois Livre X

L'athénien, Clinias (suite)

Platon, portrait au crayon de buste du célèbre philosophe grecL'ATHÉNIEN Et maintenant laquelle des deux âmes dirons-nous qui gouverne le ciel, la terre et toute la voûte céleste ? Est-ce l'âme sage et pleine de vertu, ou celle qui n'a ni l'une ni l'autre de ces qualités ? Voulez-vous que nous répondions à cette question comme il suit ?
CLINIAS Comment ?
L'ATHÉNIEN Disons-le : si toute la marche et la révolution du ciel et de tous les corps célestes sont de la même nature que le mouvement, la révolution et les raisonnements de l'intelligence et vont d'accord avec elle, il est évident qu'on doit en conclure que c'est la bonne âme qui s'occupe de tout l'univers et le conduit dans la voie qu'il suit.
CLINIAS C'est juste.
L'ATHÉNIEN Et qu'au contraire c'est la mauvaise, si le monde va follement et sans ordre.
CLINIAS Cela aussi est juste.
L'ATHÉNIEN Quelle est donc la nature du mouvement de l'intelligence ? C'est là une question à laquelle il est difficile de répondre prudemment. C'est pourquoi il est à propos que je vous aide à trouver la réponse.
CLINIAS Tu as raison.
L'ATHÉNIEN N'imitons pas ceux qui regardent le soleil en face et s'aveuglent les yeux en plein midi ; ne répondons pas comme si nous devions jamais voir et connaître parfaitement l'intelligence avec nos yeux mortels : nous la verrons plus sûrement, en regardant son image.
CLINIAS De quelle image parles-tu ?
L'ATHÉNIEN Parmi les dix espèces de mouvement dont il a été question plus haut, prenons celle qui ressemble au mouvement de l'intelligence. Je vais vous la rappeler et nous ferons notre réponse en commun.
CLINIAS Ce sera très bien.
L'ATHÉNIEN De ce que nous avons dit alors, nous nous rappelons encore au moins ceci, c'est que nous avons reconnu que, de tous les êtres qui existent, les uns sont en mouvement, les autres en repos.
CLINIAS Oui.
L'ATHÉNIEN Et que parmi ceux qui se meuvent, les uns ne changent pas de place, les autres vont d'un lieu à un autre.
CLINIAS C'est cela.
L'ATHÉNIEN De ces deux mouvements, celui qui se fait toujours à la même place tourne nécessairement autour d'un centre, à l'imitation des cercles qu'on fabrique au tour, et doit avoir avec la révolution de l'intelligence une parenté et une ressemblance aussi complète que possible.
CLINIAS Comment cela ?
L'ATHÉNIEN Quand nous disons que l'intelligence et le mouvement qui se fait dans la même place, semblables aux mouvements d'une sphère sur le tour, s'exécutent certainement tous les deux suivant les mêmes règles, de la même manière, dans le même lieu, autour du même centre et vers les mêmes choses, selon la même proposition et le même ordre, nous n'avons pas à craindre qu'on nous prenne, en nous entendant parler, pour de médiocres artisans de belles images.
CLINIAS Tu parles on ne peut plus juste.
L'ATHÉNIEN Par contre, le mouvement qui ne se fait jamais de la même manière, ni suivant les mêmes règles, ni dans la même place, ni autour du même centre, ni vers les mêmes choses, qui ne se produit pas en un seul endroit, qui ne garde ni rang ni ordre, ni aucune proportion définie, ressemble tout à fait à l'imprudence.
CLINIAS Cela semble très vrai.
L'ATHÉNIEN A présent, il n'est plus du tout difficile de répondre nettement que, puisque c'est l'âme qui imprime à l'univers le mouvement circulaire, il faut nécessairement dire que cette révolution du ciel, c'est, ou l'âme bonne, ou la mauvaise qui s'en occupe et la règle.
CLINIAS Vraiment, étranger, après ce que tu viens de démontrer, il n'est même pas permis de dire autre chose, sinon que c'est une ou plusieurs âmes douées de toutes les perfections qui font tourner l'univers.
L'ATHÉNIEN Tu as parfaitement suivi mon raisonnement, Clinias. Mais écoute encore ceci.
CLINIAS Qu'est-ce ?
IX
L'ATHÉNIEN Si l'âme fait tourner le soleil, la lune et tous les astres, ne fait-elle pas tourner chacun en particulier ?
CLINIAS Sans doute.
L'ATHÉNIEN Faisons donc nos réflexions sur un seul astre : elles s'appliqueront évidemment à tous.
CLINIAS Sur lequel ?
L'ATHÉNIEN Sur le soleil. Tout le monde voit le corps de cet astre, mais personne ne voit son âme, non plus que celle d'aucun animal vivant ou mort. Mais il y atout lieu de croire que cette espèce de substance est de telle nature qu'elle ne e peut être perçue par nos sens corporels, et qu'elle ne peut être saisie que par l'intelligence. Prenons-en donc par la seule intelligence et la seule imagination l'idée que voici.
CLINIAS Quelle idée ?
L'ATHÉNIEN Puisque c'est une âme qui conduit le soleil, en disant qu'elle fait de trois choses l'une, nous ne risquons guère de nous tromper.
CLINIAS Quelles sont ces trois choses ?
L'ATHÉNIEN Ou bien l'âme, logée à l'intérieur de ce corps rond que nous voyons le transporte partout comme notre âme porte notre corps en tous les sens ; ou bien, s'étant procuré mi corps de feu ou d'air, comme quelques-uns le prétendent, elle s'en sert pour pousser du dehors le corps du soleil ; ou enfin, dégagée de tout corps, elle dirige le soleil par certaines autres vertus tout à fait admirables.
CLINIAS Oui.
L'ATHÉNIEN C'est donc une nécessité que l'âme dirige tout par un de ces trois moyens. Mais, soit que, conduisant le soleil sur un char, elle distribue, la lumière à tout le monde, soit qu'elle le pousse du dehors, soit qu'elle agisse sur lui de toute autre manière et par toute autre voie, chacun doit la regarder comme une divinité. Autrement, que faut-il en dire ?
CLINIAS Il doit la regarder comme telle, à moins qu'il ne soit arrivé au dernier degré de la déraison.
L'ATHÉNIEN Et maintenant, s'il s'agit de tous les astres, de la lune, des années, des mois et de toutes les saisons, qu'en dirons-nous, sinon ce que nous venons de dire du soleil, que, puisque nous avons montré qu'une âme ou des âmes sont les causes de tout cela et sont douées de toutes les perfections, il faut les tenir pour des divinités, soit qu'elles habitent dans des corps, et que, sous forme d'animaux, elles gouvernent tout le ciel, soit qu'elles le fassent d'une autre façon et par une autre voie. Si l'on convient de ces choses, peut-on soutenir que l'univers n'est pas plein de dieux ?
CLINIAS Non, étranger, il n'y a personne qui soit à ce point déraisonnable.
L'ATHÉNIEN Finissons ici, Mégillos et Clinias, notre dispute contre ceux qui jusqu'ici ne croyaient pas aux dieux, après leur avoir indiqué nos conditions.
CLINIAS Quelles conditions ?
L'ATHÉNIEN C'est de nous faire voir que nous avons tort d'admettre que l'âme est le principe originel de toutes choses et de déduire toutes les conséquences qui se tirent de là, ou, s'ils n'ont pas mieux à dire que nous, de nous écouter et de vivre désormais persuadés de l'existence des dieux. Voyons donc si ce que nous avons dit suffit pour convaincre les incrédules qu'il y a des dieux, ou s'il reste quelque chose à dire.
CLINIAS Cela suffit parfaitement, étranger.
X
L'ATHÉNIEN Arrêtons donc là notre discussion sur ce point. Passons à celui qui, tout en croyant qu'il y a des dieux, est persuadé qu'ils ne s'occupent pas des affaires humaines et instruisons-le. Excellent homme, lui dirons-nous, si tu crois qu'il y a des dieux, c'est sans doute qu'une sorte d'affinité entre leur nature et la tienne te porte à les honorer et à croire à leur existence. Mais en voyant prospérer des particuliers et des hommes publics méchants et injustes, qui en réalité ne sont pas heureux, mais que l'on croit, à tort, au comble du bonheur, tu te jettes dans l'impiété, parce que les poètes et toutes sortes de gens les vantent mal à propos dans leurs discours. Il se peut aussi qu'ayant vu des impies parvenir au terme de la vieillesse ne laissant derrière eux les enfants de leurs enfants élevés aux plus grands honneurs, tu te sentes à présent troublé de tous ces désordres, ou peut-être encore parce que tu auras appris par ouï dire, ou que le hasard t'aura fait voir de tes propres yeux un grand nombre d'actions impies et terribles qui ont servi de degrés à certains hommes pour s'élever d'une basse condition à la tyrannie et aux plus hautes dignités. C'est pour toutes ces raisons, je le vois, que ne voulant pas, à cause de ta parenté avec les dieux, les accuser d'être les auteurs de ces désordres, mais poussé par de faux raisonnements et ne pouvant t'en prendre aux dieux, tu en es venu maintenant à ce point de croire qu'ils existent, mais qu'ils dédaignent les affaires humaines et ne s'y intéressent pas. Aussi pour que ton opinion présente ne vienne pas augmenter ta disposition à l'impiété, nous allons, si nous en sommes capables, essayer d'en conjurer pour ainsi dire les approches, en rattachant la discussion qui va suivre à celle que nous avons achevée, lorsque nous nous sommes adressés d'abord à celui qui niait absolument l'existence des dieux. Nous allons à présent la diriger contre ce jeune homme. Quant à vous, Clinias et Mégillos, chargez-vous encore, comme vous l'avez fait précédemment, de répondre pour ce jeune homme. Su cours de l'entretien il se présente quelques difficultés, je vous prendrai tous les deux, comme tout à l'heure, et je vous ferai passer la rivière.
CLINIAS C'est bien dit. Fais cela de ton côté, du nôtre nous ferons ce que tu demandes de notre mieux.
L'ATHÉNIEN Il n'y aura peut-être pas du moins la moindre difficulté à montrer que les dieux ne s'occupent pas moins des petites choses que des plus grandes. Il a entendu, puisqu'il était présent, ce que nous avons dit tout à l'heure, qu'étant parfaits de tout point, ils s'occupent de l'univers entier avec un soin qui leur est spécialement propre.
CLINIAS Oui, il l'a fort bien entendu.
L'ATHÉNIEN Et maintenant qu'il examine avec nous de quelles perfections nous entendons parler, quand nous convenons que les dieux sont parfaits. Voyons : la tempérance et l'intelligence sont bien des vertus, selon nous, et les qualités contraires des vices ?
CLINIAS Oui.
L'ATHÉNIEN Et le courage, n'est-ce pas une vertu, et la lâcheté un vice ?
CLINIAS Si, assurément.
L'ATHÉNIEN De ces qualités, les unes ne sont-elles pas, à notre avis, honnêtes, et les autres malhonnêtes ?
CLINIAS nécessairement.
L'ATHÉNIEN Pour celles de ces qualités qui sont mauvaises, ne dirons-nous pas, si nous les avons, qu'elles sont le partage de notre nature, mais que les dieux n'y ont aucune part, ni petite, ni grande ?
CLINIAS Pour cela aussi, tout le monde sera de cet avis.
L'ATHÉNIEN Mais quoi ? Compterons-nous pour des vertus de l'âme la négligence, la paresse, la mollesse ? Qu'en dites-vous ?
CLINIAS Comment le pourrait-on ?
L'ATHÉNIEN Ne faut-il pas plutôt les ranger parmi les défauts ?
CLINIAS Si.
L'ATHÉNIEN Nous mettrons donc les qualités contraires dans le rang contraire ?
CLINIAS Oui, dans le rang contraire.
L'ATHÉNIEN Mais alors, l'homme mou, négligent, paresseux, celui que le poète assimile aux frelons oisifs, ne nous parait-il pas à tous comme un frelon véritable ?
CLINIAS Si, la comparaison est très juste.
L'ATHÉNIEN Il ne faut donc pas attribuer à Dieu ce caractère, qu'il déteste lui-même, ni souffrir qu'on essaye de tenir un pareil langage.
CLINIAS Non certes, on ne peut le souffrir.
L'ATHÉNIEN Mais si quelqu'un, chargé de faire et de surveiller certaines affaires, n'applique son intelligence qu'aux grandes et néglige les petites, comment pourrions-nous approuver sa conduite, sans nous fourvoyer complètement ? Examinons la chose de cette manière. Ne peut-on pas ramener à deux les motifs de celui qui agit ainsi, dieu ou homme ?
CLINIAS Quels motifs ?
L'ATHÉNIEN Ou bien il pense que la négligence des petites choses n'importe en rien pour le tout, ou, s'il croit qu'elle importe, c'est par indolence et par mollesse qu'il les néglige. La négligence peut-elle avoir une autre cause ? Car, lorsqu'il est impossible de pourvoir à tout, on ne peut taxer de négligence ce qui néglige ou les petites ou les grandes affaires, du moment que, Dieu ou homme chétif. il n'a ni les moyens ni la capacité de s'occuper de toutes.
CLINIAS Comment le pourrait-il alors ?
XI
L'ATHÉNIEN Maintenant que nos deux adversaires, qui confessent l'un et l'autre qu'il y a des dieux, mais dont l'un prétend qu'on peut les fléchir et l'autre qu'ils ne s'inquiètent. pas des petites choses, répondent à ce que nous leur proposons tous les trois. Avouez d'abord tous les deux que les dieux connaissent, voient et entendent tout, et que rien ne petit leur échapper de ce que perçoivent les sens et les sciences. L'avouez-vous, oui ou non ?
CLINIAS Oui.
L'ATHÉNIEN Avouez aussi qu'ils peuvent tout ce que les mortels et les immortels sont capables.
CLINIAS Comment nos contradicteurs eux-mêmes n'en conviendraient-ils pas ?
L'ATHÉNIEN Nous sommes d'ailleurs convenus tous les cinq qu'ils sont bons et parfaits.
CLINIAS Nous avons été bien d'accord là-dessus.
L'ATHÉNIEN Mais n'est-il pas impossible de dire qu'ils font quoi que ce soit avec indolence et mollesse, étant tels que nous le reconnaissons ? Car la paresse est fille de la lâcheté, et l'indolence, fille de la paresse et de la mollesse.
CLINIAs rien n'est plus vrai.
L'ATHÉNIEN Donc aucun des dieux n'est négligent par paresse ni par indolence; car ils n'ont point de part à la lâcheté.
CLINIAS Ce que tu dis est parfaitement juste.
L'ATHÉNIEN Il reste donc deux hypothèses, s'il est vrai qu'ils négligent les petites et menues choses dans le gouvernement de l'univers, l'une est qu'ils en agissent ainsi parce qu'ils savent qu'ils n'ont pas du tout à s'occuper d'aucune de ces choses, l'autre, la seule qui reste, qu'ils sont persuadés du contraire.
CLINIAS La seule en effet.
L'ATHÉNIEN Eh bien, mon bon, mon excellent ami, quel est ton sentiment ? Préfères-tu soutenir que les dieux ignorent que c'est à eux d'en prendre soin et que c'est par ignorance qu'ils les négligent, ou bien que, connaissant leur devoir, ils se comportent comme les plus méprisables des hommes, qui, sachant qu'il y a quelque chose à faire de mieux que ce qu'ils font, ne le font pas, parce qu'ils se laissent vaincre par le plaisir ou la douleur ?
CLINIAS Comment cela pourrait-il être ?
L'ATHÉNIEN Les affaires humaines sont-elles en dehors de la nature animée, et l'homme n'est-il pas celui de tous les animaux celui qui révère le plus la divinité ?
CLINIAS Il le semble bien en tout cas.
L'AThéNIEN Or nous soutenons que tous les êtres mortels sont une possession des dieux, comme le ciel tout entier.
CLINIAS Sans contredit.
L'ATHÉNIEN Et maintenant qu'on dise, si l'on veut, que nos affaires sont petites ou grandes aux yeux des dieux. Ni dans l'un ni dans l'autre cas, il ne convient que ceux à qui nous appartenons nous négligent, alors qu'ils sont très soigneux et très bons. Examinons donc encore ce point.
CLINIAS Lequel ?
L'ATHÉNIEN Il se rapporte à nos sens et à nos facultés. N'y a-t-il pas entre eux une opposition naturelle en ce qui concerne la facilité et la difficulté ?
CLINIAS Comment cela ?
L'ATHÉNIEN C'est qu'il est plus difficile d'entendre et de voir les petites choses que les grandes, et qu'au contraire il est plus aisé pour tout homme de se charger, de se rendre maître, de prendre soin de petites choses et en petit nombre que de grandes choses et en grand nombre.
CLINIAS De beaucoup plus facile.
L'ATHÉNIEN Si un médecin qui veut et qui peut soigner le corps entier d'une personne, s'occupe des parties importantes de ce corps et néglige les petites, verra-t-il jamais son client tout entier en bon état ?
CLINIAS Jamais.
L'ATHÉNIEN Il en est de même des pilotes, des généraux, des économes, des hommes d'état et de tous ceux qui exercent des professions semblables, s'ils ne s'intéressent qu'au grand nombre des affaires et aux plus importantes et laissent de côté le petit nombre et les affaires de mince importance ; car, comme disent les maçons, les grosses pierres ne s'arrangent pas bien sans les petites.
CLINIAS En effet.
L'ATHÉNIEN Ne ravalons donc pas Dieu au-dessous des artisans mortels, qui exécutent avec le même art les ouvrages de leur métier, soit petits, soit grands, avec d'autant plus de précision et de perfection qu'ils sont plus excellents. Ne disons pas que Dieu, qui est très sage et qui veut et peut prendre soin de tout, n'en prend aucun des petites choses, auxquelles il lui est plus aisé de pourvoir, comme un ouvrier paresseux ou lâche qui craint la peine et le prend à son aise, et ne s'occupe que des grandes.
CLINIAS N'adoptons jamais, étranger, de pareils sentiments sur les dieux. II ne serait ni pieux ni vrai de nous les figurer ainsi.
L'ATHÉNIEN II me semble que nous avons maintenant suffisamment disputé contre celui qui se plaît à accuser les dieux de négligence.
CLINIAS Oui.
L'ATHÉNIEN Et que nous l'avons contraint par nos raisons de reconnaître son erreur ; mais il me paraît avoir encore besoin de certains discours propres à charmer son âme.
CLINIAS De quels discours ?
XII
L'ATHÉNIEN Essayons de persuader à ce jeune homme par nos paroles que celui qui prend soin du tout a tout disposé pour le salut et la perfection du tout, que chaque partie souffre et fait autant que possible ce qu'il lui convient de souffrir et de faire, qu'il a chargé des chefs d'étendre leur surveillance jusqu'aux plus minces affections ou actions de chaque individu, et qu'il a poussé ses soins jusqu'au plus petit détail. La petite portion qu'est ta personne, si chétive qu'elle soit, malheureux, est toujours tournée et tend vers le tout. Mais tu ne te rends pas compte que toute génération se fait en vue du tout, afin qu'il ait une vie heureuse, et que tu n'es pas né pour toi, mais pour l'univers. Tout médecin, en effet, tout artisan habile ne fait rien qu'en vue d'un tout, tendant au bien commun, et il rapporte la partie au tout, et non le tout à la partie. Et tu murmures, parce que tu ignores que ce qui t'arrive est le meilleur pour le tout et pour toi, selon les lois de l'existence universelle. Puis donc que l'âme, toujours unie tantôt à un corps, tantôt à un autre, éprouve toutes sortes de changements soit par sa propre volonté, soit par l'action d'une autre âme, il ne reste à celui qui dispose les pions de l'échiquier qu'à mettre dans une meilleure place l'âme de la meilleure qualité, et dans une moins bonne celle qui est d'une qualité inférieure, selon ce qui convient à chacune, pour qu'elle ait le lot qui lui revient.
CLINIAS Qu'entends-tu par là ?
L'ATHÉNIEN J'entends, ce me semble, ce qui facilite le soin que les dieux prennent de toutes choses. Si, en effet, un ouvrier, l'oeil toujours fixé sur le tout, faisait, en façonnant son ouvrage, changer toutes choses de figures ; que du feu, par exemple, il fit de l'eau animée et de plusieurs choses une seule et d'une seule plusieurs, en les faisant passer par une première, une seconde et même une troisième génération, il y aurait une infinité de manières de disposer les choses et de les mettre en ordre, au lieu que, d'après moi, celui qui prend soin de l'univers le fait avec une merveilleuse facilité.
CLINIAS Explique-nous cela aussi.
L'ATHÉNIEN Voici ce que je veux dire. Notre roi, faisant réflexion que toutes les actions partent d'un principe animé et qu'elles sont mélangées de bien et de mal, que l'âme et le corps une fois nés sont indestructibles, mais non éternels, comme les dieux le sont selon la loi, car si l'un ou l'autre périssaient, il n'y aurait jamais plus de génération d'êtres vivants, et pensant que la nature du bien est d'être toujours utile, en tant qu'il vient de l'âme, tandis que le mal est toujours nuisible, notre roi, dis-je, voyant tout cela, a imaginé de placer chaque partie de manière à assurer le plus vite et le mieux possible dans le tout la victoire de la vertu et la défaite du vice. C'est en vue de ce tout qu'il a imaginé pour tous les êtres qui naissent successivement la place que chacun doit recevoir et occuper et dans quels endroits. Mais il a laissé à nos volontés les causes d'où dépendent les qualités de chacun de nous, car nous devenons généralement tels que nous désirons être, conformément aux inclinations de notre âme.
CLINIAS C'est en tout cas vraisemblable.
L'ATHÉNIEN Ainsi tous les êtres doués d'une âme subissent des changements dont ils portent en eux la cause, et, en changeant, ils se rangent dans l'ordre marqué par le destin et conformément à fa loi. Ceux dont les murs changent peu s'éloignent moins et demeurent à la surface du sol ; ceux qui changent davantage et sont plus méchants descendent dans la profondeur de la terre et dans des régions souterraines qu'on appelle Hadès ou d'autres noms pareils. Ils sont en butte à des craintes violentes et à des songes, pendant leur vie, et après qu'ils sont séparés de leurs corps. Mais lorsque l'âme a changé et progressé dans le vice ou dans la vertu par sa propre volonté et par la force de l'habitude, si elle s'est approchée de la vertu divine et qu'elle soit devenue elle-même éminemment divine, elle quitte le lieu qu'elle occupait pour passer dans un autre excellent et entièrement saint ; si, au contraire, elle est devenue plus mauvaise, elle passe dans un lieu pire que celui qu'elle occupait avant.
Telle est la justice des dieux qui habitent l'Olympe, enfant ou jeune homme, qui te crois négligé des dieux. Si l'on devient plus méchant, on va rejoindre les âmes plus méchantes; si l'on devient meilleur, on va rejoindre les âmes meilleures, et, dans la vie et dans toutes les morts successives, on souffre et on inflige les traitements que les semblables font naturellement à leurs semblables. Ni toi, ni aucun autre malheureux ne pouvez jamais vous vanter d'avoir échappé à cette justice des dieux. C'est une justice que ceux qui l'ont établie ont voulu supérieure à toutes les autres et il faut absolument la respecter. Tu ne seras jamais négligé par elle, quand tu serais assez petit pour pénétrer dans les profondeurs de la terre, ni assez grand pour t'élever jusqu'au ciel. Tu porteras la peine qui t'est due, soit dans ton séjour sur la terre, soit quand tu auras passé chez Hadès, ou que tu auras été transporté dans un lieu encore plus horrible. Il en sera de même de ceux que tu as vus devenir grands de petits qu'ils étaient, à la suite d'actes impies ou d'autres crimes, et que tu as crus être passés du malheur au bonheur, en suite de quoi tu as cru remarquer dans leurs actions, comme dans un miroir, que les dieux se désintéressent de tout, parce que tu ne connais pas comment leur intervention contribue finalement à l'ordre général. Et comment peux-tu croire, ô le plus audacieux des hommes, que cette connaissance n'est pas nécessaire, puisque, faute de l'avoir, on ne pourra jamais former un plan de vie ni concevoir une idée juste de ce qui fait le bonheur ou le malheur ? Si Clinias que voici, et tout le sénat que nous formons réussit à te convaincre qu'en parlant des dieux, tu ne sais ce que tu dis, c'est bien, c'est Dieu même qui aide à ta conversion. Mais si tu as encore besoin d'être endoctriné, écoute-nous parler à l'impie de la troisième espèce, si tu as tant soit peu de bon sens.
Que les dieux existent et qu'ils s'occupent des hommes, je pense l'avoir assez bien démontré. Mais que les dieux se laissent fléchir par les criminels moyennant les présents qu'ils en reçoivent, c'est ce qu'il ne faut accorder à personne, et ce qu'il faut refuser de toute manière et de toutes nos forces.
CLINIAS C'est très juste. Faisons comme tu dis.
XIII
L'ATHÉNIEN Voyons donc. Au nom des dieux mêmes, dis-nous, en admettant que nous puissions les fléchir, comment nous pourrions le faire; dis-nous qui ils sont et à qui ils ressemblent. Il faut bien qu'on donne le nom de maîtres à ceux qui sont chargés de gouverner efficacement tout l'univers.
CLINIAS Oui.
L'ATHÉNIEN Mais à quels maîtres ressemblent-ils ? Pouvons-nous en juger sans erreur en comparant les petits aux grands ? Sont-ils tels que les conducteurs de chars qui luttent dans la carrière, ou que les pilotes des vaisseaux ? On pourrait peut-être aussi les assimiler à des chefs d'armée ; il est encore possible qu'ils ressemblent à des médecins en garde contre la guerre que nous font les maladies des corps, ou à des laboureurs qui attendent en tremblant pour la production des plantes le retour des saisons qui leur sont nuisibles, ou encore aux gardiens des troupeaux. Puisque en effet nous sommes tombés d'accord que l'univers est plein de biens et en même temps de maux, mais ceux-ci en plus grand nombre, il y a entre eux, disons-nous, une lutte immortelle et qui exige une vigilance étonnante. Nous avons pour alliés les dieux et les démons, auxquels nous appartenons. L'injustice et la violence secondées par la folie nous perdent ; mais la justice et la tempérance secondées par la sagesse nous sauvent. Ces vertus habitent dans les âmes des dieux ; mais on peut en voir nettement une faible partie logée en nous. Mais certaines âmes qui habitent sur la terre, et qui, manifestement sauvages, s'adonnent à l'injustice, s'adressent aux âmes des gardiens, soit chiens, soit bergers, ou à celles des maîtres suprêmes, et essayent par des discours flatteurs et des prières enchanteresses, au dire des méchants, de leur persuader qu'ils ont le droit d'avoir plus que les autres, sans souffrir aucun mal. Mais nous disons que le vice que nous venons de nommer est ce qu'on appelle maladie dans les corps de chair, peste dans les saisons et les temps de l'année, et ce qui, changeant de nom, devient l'injustice dans les cités et les gouvernements.
CLINIAS C'est exactement cela.
L'ATHÉNIEN Or voici nécessairement comment celui qui soutient que les dieux pardonnent toujours les hommes injustes et criminels, si on leur fait part des fruits de l'injustice. C'est comme s'il disait que les loups font part aux chiens d'une petite portion de leurs proies, et que les chiens, adoucis par leur largesse, les laissent ravager le troupeau. N'est-ce pas là le langage de ceux qui prétendent que les dieux sont faciles à fléchir ?
CLINIAS C'est cela même.
XIV
L'ATHÉNIEN En ce cas, auxquels, parmi les gardiens que nous avons cités, peut-on assimiler les dieux sans se couvrir infailliblement de ridicule ? Est-ce à des pilotes qui se laisseraient détourner de leur devoir par une libation de vin ou la graisse des victimes, et feraient chavirer les vaisseaux et les nautonniers ?
CLINIAS Pas du tout.
L'ATHÉNIEN Ce ne sera pas non plus à des conducteurs de chars alignés ensemble pour la lutte, qui, gagnés par des présents, abandonneraient la victoire à d'autres attelages.
CLINIAS L'assimilation dont tu parles serait révoltante.
L'ATHÉNIEN Ce ne sera pas non plus aux généraux d'armée, ni aux médecins ni aux laboureurs, ni aux bergers, ni à des chiens séduits par des loups.
CLINIAS Parle des dieux avec plus de respect. Qui oserait faire une telle comparaison ?
L'ATHÉNIEN De tous les gardiens, les dieux ne sont-ils pas les plus grands et occupés des plus grandes choses ?
CLINIAS Ils dépassent les autres de beaucoup.
L'ATHÉNIEN Dirons-nous donc que ces dieux qui veillent sur ce qu'il y a de plus beau et qui sont des gardiens incomparables en vertu sont inférieurs aux chiens et aux hommes ordinaires, qui ne trahiraient jamais la justice en vue de coupables présents offerts par des criminels ?
CLINIAS Pas du tout. Un tel langage n'est pas supportable ; et des gens les plus complètement impies celui qui tient à une telle opinion risque de passer très justement pour le plus méchant et le plus impie de tous.
L'ATHÉNIEN Nous pouvons maintenant nous flatter d'avoir prouvé suffisamment les trois points que nous nous étions proposés, à savoir l'existence des dieux, leur providence et leur inflexible équité.
CLINIAS Sans doute et nous souscrivons à ce que tu as dit.
L'ATHÉNIEN A la vérité, l'esprit de chicane des méchants m'a fait parler avec plus de véhémence qu'à l'ordinaire. C'est pour cela que j'ai pris ce toit dans la discussion. J'ai craint que, si je leur cédais le dessus, les méchants ne se crussent en droit de faire tout ce qu'ils veulent et d'avoir sur les dieux tant d'opinions de toute sorte. C'est ce qui m'a fait parler avec cette ardeur juvénile. Mais pour peu que j'aie réussi à leur persuader de se prendre eux-mêmes en aversion et de s'attacher aux vertus contraires à leurs vices, j'aurai fait un beau prélude à nos lois sur l'impiété.
CLINIAS Espérons-le. Autrement, ce genre de discours ne fera point honte au législateur.
XV
L'ATHÉNIEN Ce prélude fini, c'est le montent d'énoncer la loi, eu avertissant d'abord tous les impies de renoncer à leurs sentiments pour prendre ceux des gens pieux. Contre les réfractaires, voici la loi que nous porterons sur l'impiété. Si quelqu'un se montre impie, soit en paroles, soit en actions, celui qui en sera témoin s'y opposera et le dénoncera aux magistrats. Les premiers informés d'entre eux le traduiront conformément aux lois devant le tribunal nommé pour juger ces sortes de crimes. Si un magistrat, après avoir reçu la dénonciation, n'y donne pas suite, il pourra lui-même être poursuivi pour impiété par quiconque voudra venger la loi. Si un accusé est convaincu, le tribunal fixera une peine spéciale à chaque espèce d'impiété. La peine générale sera la prison. Il y aura dans la cité trois sortes de prisons, une sur la place publique, qui sera commune à la plupart des délinquants et s'assurera de leurs personnes ; une autre à l'endroit où se réuniront la huit certains magistrats et qu'on appellera maison de correction ; une troisième enfin au milieu du pays dans un endroit désert et aussi sauvage que possible, qui sera surnommée la prison du châtiment. Il y aura délit d'impiété pour trois motifs, qui sont précisément ceux dont nous avons parlé, et, comme chaque espèce se divise en deux, il y aura donc six espèces de fautes envers les dieux, qui demandent à être distinguées, vu que la punition n'en sera ni égale ni pareille.
II y a en effet des gens qui ne croient pas du tout a l'existence des dieux, mais qui tiennent de la nature un esprit de justice, qui haïssent les méchants, et, parce que l'injustice leur répugne, s'abstiennent de toute action injuste, fuient la compagnie des pervers et chérissent les gens de bien. Mais il y en a d'autres qui, non seulement croient que le monde est vide de dieux, mais sont encore incapables de maîtriser le plaisir et la douleur, et qui possèdent une mémoire solide et une grande pénétration d'esprit. Ils ont une maladie commune, qui est de ne pas croire aux dieux ; mais pour ce qui est de gâter les autres hommes, les premiers font moins de mal que les seconds.
En effet, les premiers s'expriment avec une pleine licence à l'égard des dieux, des sacrifices et des serments, et, en se moquant des autres, ils pourraient peut-être les rendre impies comme eux, s'ils échappaient au châtiment ; mais les seconds, étant dans les mêmes sentiments que les premiers, sont, comme on dit, des finauds, pleins de ruse et d'artifice; c'est parmi eux que se forment un bon nombre de devins et ceux qui exercent tous les genres de sorcellerie, quelquefois aussi les tyrans, les généraux d'armée, ceux qui séduisent le public par des initiations privées et les sophistes avec leurs raisonnement captieux ; car les espèces de ces impies sont nombreuses ; mais il y en a deux qu'il faut réprimer par des lois, l'une, qui feint l'ignorance, mérite non pas une, mais plusieurs morts ; l'autre n'a besoin que de réprimande et de prison.
Pareillement, ceux qui pensent que les dieux ne s'occupent pas des hommes forment deux espèces, et ceux qui pensent qu'ils sont faciles à fléchir, deux aussi. Cette distinction faite, les juges condamneront, suivant la loi, ceux qui sont impies par défaut de jugement, mais sans mauvais penchant ni mauvaises moeurs, à passer cinq ans au moins dans la maison de correction. Pendant ce temps, aucun citoyen ne devra frayer avec eux, sauf les magistrats du conseil de nuit, qui l'entretiendront pour son instruction et le salut de son âme. Lorsque son temps de prison sera fini, s'il paraît assagi, il ira vivre avec les citoyens vertueux ; s'il ne l'est pas, et qu'il soit convaincu de nouveau, il sera puni de mort.
Quant à ceux qui, devenus semblables à des bêtes fauves, non seulement ne croient pas à l'existence, à la providence et à l'inflexible justice des dieux, mais qui, méprisant les hommes, séduisent un grand nombre de vivants et se disent capables d'évoquer les morts et promettent de fléchir les dieux en les charmant par des sacrifices, des prières et des incantations, et entreprennent, pour satisfaire leur avarice, de renverser de fond en comble les fortunes des particuliers, des maisons entières et des états, celui d'entre eux qui aura été convaincu de ces fourberies sera condamné, selon la loi, par le tribunal à être mis aux fers dans la prison du milieu du pays ; aucun homme libre n'approchera jamais de lui et il recevra de la main des esclaves ce que les gardiens des lois auront réglé pour sa nourriture. A sa mort, on le jettera hors des frontières sans lui donner de sépulture. Si un homme libre aide à l'ensevelir, il sera accusé d'impiété par quiconque voudra le citer en justice. Au cas où il laisserait des enfants capables de servir l'état, les magistrats qui s'occupent des orphelins en prendront soin, comme si c'étaient de véritables orphelins avec autant d'attention que les autres, dès le jour où leur père aura été condamné.
XVI
L'ATHÉNIEN Il faut encore édicter une loi générale contre ces impies, afin que la plupart d'entre eux pêchent moins contre les dieux en actes et en paroles, et qu'ils deviennent plus sensés, quand il ne leur sera plus permis de sacrifier contre la loi. établissons donc simplement pour tous la loi que voici. Que personne n'ait chez soi d'autel particulier, et, si quelqu'un a envie de faire un sacrifice, qu'il aille le faire aux temples publics, qu'il remette les victimes entre les mains des prêtres et des prêtresses chargés de veiller à la pureté des sacrifices, qu'il prie avec eux lui-même et quiconque voudra joindre ses prières aux siennes. Voici ce que nous avons en vue en faisant cette défense, c'est qu'il n'est pas aisé d'ériger des temples ou des statues de dieux, et qu'il faut pour y réussir des lumières supérieures ; que c'est une coutume en particulier chez toutes les femmes, chez les malades de toute sorte, chez ceux qui sont en danger ou en détresse, quelle qu'elle soit, ou, au contraire, chez ceux qui sont tombés sur quelque bonne aubaine de consacrer tout ce qui se présente à eux, de faire voeux d'offrir des sacrifices, de promettre des autels aux dieux, aux démons et aux enfants des dieux ; de même chez ceux qui se sont réveillés effrayés par une apparition ou qui ont eu un songe, de même aussi chez ceux qui, se rappelant diverses visions qu'ils ont eues, cherchent un remède à chacune d'elles en érigeant des autels et des chapelles, dont ils remplissent toutes les maisons, tous les bourgs et tous les lieux quels qu'ils soient, purs ou non.
C'est pour obvier à tous ces inconvénients qu'il faut observer la loi que je viens d'énoncer, il le faut aussi pour empêcher que les impies se livrent furtivement à ces pratiques, et construisent dans leurs maisons des chapelles et des autels, dans la pensée qu'ils pourront se rendre les dieux propices par des sacrifices et des prières, et que, s'abandonnant sales fin à l'injustice, ils n'attirent la réprobation des dieux sur eux et sur les magistrats qui les laissent faire. et qui sont plus honnêtes gens qu'eux, et qu'ainsi tout l'état ne pâtisse en quelque sorte avec justice des méfaits des impies. Alors Dieu n'aura rien à reprocher au législateur. Faisons donc une loi qui défende aux particuliers de bâtir des autels aux dieux dans leurs maisons. Si l'on découvre que l'un d'eux en a chez lui et qu'il célèbre des cérémonies en dehors des cérémonies publiques, au cas où le coupable, homme ou femme, n'aurait commis rien de grave en fait d'injustice ou d'impiété, quiconque s'en apercevra devra le dénoncer aux gardiens des lois, qui lui ordonneront de transporter ses autels particuliers dans les temples publics et le puniront, s'il n'obéit pas, jusqu'à ce qu'il les ait transférés. Si l'on surprend quelqu'un de ceux qui ont commis, non des péchés d'enfant, mais de graves impiétés d'hommes faits, soit en élevant des autels chez soi ou en sacrifiant en public à n'importe quels dieux, il sera puni de mort, comme ayant sacrifié avec un cœur impur. Les gardiens des lois jugeront si ce sont ou non des péchés d'enfant, et le traduiront alors devant les juges et lui feront porter la peine de son impiété.

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