Lao tseu. Le tao té king
La perfection accomplie semble incomplète, mais elle sert sans s'user.
La grande plénitude paraît vide, mais elle donne sans s'épuiser.
La grande droiture semble courbe, la grande habileté paraît maladroite, la
grande éloquence semble bégayer.
Le TAO TE KING ( Livre de la Voie et de sa vertu) est sans contredit un des textes les plus importants de l'humanité, au même titre que La Bible, le Coran ou
les Védas. Il aurait été écrit par Lao
Tseu au VIème siècle avant J.C. Il existe un bon nombre de traductions françaises du Tao
Te King. Personnellement, j'en connais au moins cinq dont celle, entre autres, du Père Léon WIEGER S.J. dans son ouvrage les Pères du Système Taoïste, une autre présentée par ETIEMBLE (en collection de poche), et deux autres dont j'ai oublié les auteurs. Celle que je vous propose ici, publiée aux éditions
DERVY, par un auteur anonyme, qui a eu la grande humilité cela mérite d'être remarqué de s'effacer derrière la haute personnalité de Lao Tseu. N'ayant personnellement pas la moindre notion de la langue chinoise, je ne suis pas apte à dire si cette traduction est la plus fidèle à l'original. Mais si je l'ai choisie c'est d'abord pour rendre hommage à la discrétion du traducteur et c'est aussi parce qu'elle s'accompagne d'une importante collection de notes et de commentaires où l'on trouve d'intéressants parallèles avec les traditions occidentales. Donc, si vous avez aimé le texte de la traduction, précipitez
vous sur le livre ( espérons qu'il n'est pas épuisé)
pour lire les commentaires.
Ayant réalisé ce travail pour mon plaisir personnel
et aussi pour faire connaître ce texte important je n'entends pas en tirer un quelconque avantage pécuniaire. Si vous l'avez
aimé et désirez m'en remercier, vous pouvez faire une offrande a l'Association Druk Toupten Tcheukhor Ling.
CENTRE D'ETUDES BOUDDHIQUES
Bel Avenir PLOURAY
QUI ETAIT LAO TSEU ?
On sait fort peu de chose de LAO TSEU. La courte biographie. que donne de lui Seu Ma Tsyeng dans ses mémoires
historiques, est le document le plus ancien qui contienne sur sa
vie quelques renseignements dont rien ne permet d'ailleurs d'affirmer
la parfaite authenticité.. Il serait né au village de Haï dans le royaume de Tch'en.
Il était de famille noble, celle des Lao Che, Che étant
le nom de sa race. Son nom patronymique était LI, son prénom
EUL. L'Empereur Tsing ordonna de lui rendre les mêmes honneurs
qu'à BOUDDHA. On lui donna le nom de YUEN HOANG TI,»Maître souverain de l'obscurité». Mais il fut surtout connu
sous le nom de LAO TSEU, c'est-à -dire»le vieux Maître»Â«Â le
vieux Docteur»où vieux est pris dans le sens de vénérable. LAO TSEU fut archiviste de la cour des Tchéou. Voyant que
leur puissance était sur son déclin, las du désordre
de l'Empire, il prit la résolution de s'éloigner pour
n'être pas témoin de leur chute. Nous ignorons quand
et ou il mourut.»Ayant aimé l'obscurité pardessus
tout, dit SE: MA TSHYENG, cet homme effaça délibérément
la trace de sa vie. Mais qu'importe la trame de son existence
! Génie original, ne relevant que de la grande et antique
tradition, LAO TSEU appartient à a lignée des missionnés,
dont la pensée et la sagesse sont sur la terre un reflet de la lumière divine, et qui ont atteint l'immortalité Le même mystère, qui entoure sa personne et sa vie,
et pour les mêmes raisons, enveloppe son œuvre condensée
dans un seul livre. La plupart de ses biographes répètent,
à ce sujet, à peu près dans les mêmes
termes, une anecdote suivant laquelle, en quittant la Chine et sur
le point de traverser la Grande Muraille, il aurait été prie, par l'officier gardien de la passe de l'Ouest, YIN HI, d'écrire
pour lui un résumé de sa doctrine. C'est dans ces
conditions que le TAO TE KING aurait vu le jour. Cette anecdote fait partie de la légende rédigée
par KO HONG vers l'an après J.C. et incluse dans son ouvrage
intitulé»Histoire des dieux et des immortels.
Est-elle mieux fondée que les autres faits relatés
dans ce récit fabuleux ? Nul ne peut le dire. Quoi qu'il
en soit, la tradition affirme formellement que le TAO TE KING est de la main d LAO TSEU et, d'après le savant Père WIEGER
tout porte à croire que la tradition a raison.
TAO TE KING ... LE TEXTE
I Une voie qui peut être tracée, n'est pas la voie éternelle: le Tao. Le nom qui peut être prononcé,, n'est pas le nom éternel
I Sans nom, il est a l'origine du ciel et de la terre. Avec un nom, il est la Mère des dix mille êtres
I.Ainsi, un Non-Dèsir éternel représente, son essence, et par un Désir
éternel il manifeste une limite
I Ces deux états coexistent inséparables, et diffèrent seulement de nom. Pensés ensemble: mystère! le Mystère des mystères'.
C'est la Porte de toutes les essences II Tous sous le Ciel, connaissant le beau comme le beau: voici le laid ! Tous connaissant le bien comme le bien: voici le mal ! C'est ainsi que l'être et le non-être naissent l'un de l'autre, que le difficile et le facile s'accomplissent l'un par l'autre, que mutuellement le long et le court se délimitent, le haut et le basse règlent, le ton et le son s'accordent, l'avant et l'après s'enchaînent.
II- C'est pourquoi le Saint-Homme s'en tient à la pratique du Non-agir. Il enseigne sans parler. Tous les êtres agissent, et il ne leur
refuse pas son aide. Il produit sans s'approprier, travaille sans rien attendre, accomplit des oeuvres méritoires sans s' attacher, et, justement parce qu'il ne s'y attache pas, elles subsistent.
III- Il ne faut pas glorifier les hommes de valeur, pour que le peuple ne dispute pas; ni estimer les biens difficiles à acquérir, pour qu'il ne vole pas; ni,étaler ce qui excite la convoitise, pour que son cœur ne soit pas troublé,.
III- C'est pourquoi le Saint-Homme a pour règle : faire le vide dans le cœur, emplir le ventre, affaiblir la volonté, fortifier les os, faire constamment en sorte que le peuple soit sans savoir et sans désirs, et que ceux qui savent n'osent pas agir.
III- Il pratique le Non-agir et il n'est rien alors, qui ne soit
bien dirigé, certes.
IV- Le Tao est vide mais il est inépuisable. Quel abîme
IV- Il apparaît comme l'ancêtre des dix mille êtres.
il émousse son activité, dénoue ses voiles, harmonie sa splendeur, s'unit à sa poussière; Oh! Qu'il est pur.
IV- Il semble subsister de toute éternité. Je ne sais de qui il pourrait être le fils; il paraît antérieur au Souverain du Ciel;
V- Le Ciel et la Terre ne sont pas humains; pour eux, tous les êtres sont comme le chien de paille. Le Saint-Homme n'a pas de prédilection;
pour lui les Cent Familles sont comme chien de paille.
V- Entre le Ciel et la Terre, il est semblable à un soufflet de forge vide, mais inépuisable, dont le mouvement produit un souffle croissant.
V- Parler beaucoup épuise sans cesse; mieux vaut garder le milieu.
VI- L'Esprit des profondeurs est impérissable; on l'appelle la Femelle mystérieuse.
VI- La porte de la femelle mystérieuse est nommée la Racine du Ciel et de la Terre. Elle dure perpétuellement, et se dépense sans s'user.
VII Le Ciel et la Terre durent toujours. S'ils durent toujours c'est parce qu'ils ne vivent pas pour eux-mêmes. Voilà ce qui leur permet de durer indéfiniment.
VII- C'est pourquoi se mettant à la dernière place, le Saint-Homme se trouve à la première; oubliant sa personne il la conserve.
Parce qu'il ne poursuit pas des buts égoïstes, il réalise à la perfection ce qu'il entreprend.
VIII- La suprême Vertu est comme l'eau. L'eau et la Vertu
sont bienfaisantes pour les dix mille êtres et ne luttent pas. Elles occupent les places que les hommes détestent. C'est pourquoi elles sont comparables au Tao.
VIII- Dans toute situation, la Vertu est humilité; dans le cœur elle est profondeur insondable; dans l'assistance elle est amour; dans la
parole sincérité. Dans le gouvernement, elle est ordre et droiture; dans l'action elle est capacité, et elle se meut avec opportunité.
VIII- mais elle ne lutte pas; c'est pourquoi elle est irréprochable.
Tao IX- Conserver plein ce qui va déborder, mieux vaut y
renoncer. Un tranchant trop aiguisé ne peut rester longtemps affilé.
Une salle remplie d'or ne peut être gardée.
Tao IX- S'enorgueillir parce que l'on est comblé de richesse et d'honneurs, attire sur soi l'infortune. Lorsque l'oeuvre utile est accomplie et que point la renommée, que la personne s'efface: c'est la Voie du Ciel.
X- Maintenir le corps et l'âme sensitive dans l'unité, pour qu'ils ne puissent se séparer; contenir la force vitale et la rendre docile, afin de devenir comme le nouveau-né; se purifier en s'abstenant de scruter les mystères, pour rester sain; aimer le peuple afin de pouvoir
gouverner sans agir; que les Portes du Ciel s'ouvrent ou se ferment, pouvoir être comme la femelle; étant inondé de lumière de tous cotés, pouvoir être ignorant; donner la vie, l'entretenir, produire sans s'approprier; agir sans rien escompter; diriger sans asservir. Telle est la Vertu merveilleuse.
XI- Trente rayons convergents, réunis au moyeu, forment une roue; mais
c'est son vide central qui permet l'utilisation du char. Les vases sont faits d'argile, mais c'est grâce à leur vide que l'on peut s'en servir. Une maison est percée de portes et de fenêtres, et c'est leur
vide qui les rend habitable.
XI- Ainsi l'être produit l'utile; mais c'est le non-être qui le rend efficace
XII- Les cinq couleurs rendent les yeux de l'homme aveugle, les cinq sons rendent ses oreilles sourdes, les cinq saveur rendent sa bouche inapte à savourer. Les courses violentes et le galop des chasses déchaînent dans son cœur de furieuses passions. Les biens difficiles à acquérir
font qu'il se heurte à de dangereux obstacles.
XII- C'est pourquoi le Saint-Homme s'occupe de l'intérieur et non des sens. Il rejette ceci et adopte cela;
XIII- Faveur et disgrâce vont avec la crainte. Honneur et tribulations vont avec la personne. Pourquoi dit-on que faveur et disgrâce vont avec la crainte? La faveur élève, la disgrâce abaisse. Obtient-on la faveur on est dans la crainte; la perd-on, on est encore dans la crainte. Tel est le sens de: faveur et disgrâce vont avec la crainte.
XIII- Pourquoi dit-on: honneurs et tribulations vont avec la personne?
Le moi est ce par quoi on a des tribulations. C'est parce que nous avons une individualité quelles nous frappent. Si nous n'avions pas d'individualité, quels malheurs pourraient nous atteindre?
XIII- C'est pourquoi celui pour qui l'Empire est aussi précieux que sa propre personne peut l'obtenir; celui qui l'aime autant que lui-même est digne de le diriger.
XIV- Regardant, on ne le voit pas, on le nomme l'Invisible; écoutant, on ne l'entend pas, on le nomme l'Inaudible. Touchant, on ne le sent pas, on le nomme l'Impalpable. Ce que sont ces trois attributs, il est impossible de le préciser; c'est pourquoi on les confond, car il ne font qu'un.
XIV- En haut, il n'est pas éclairé; en bas il n'est pas obscure. Il est éternel. Il est sans non. Son origine est là où
n'existe aucun être. On peut dire qu'il est forme sans forme, figure sans figure; c'est l'Indéterminé. Allant à sa rencontre on ne voit pas sa face; le suivant, on ne voit pas son dos.
XIV- C'est en observant l'antique Tao que l'on peut régler l'existence actuelle. Pouvoir connaître le commencement du passé, c'est tenir le fil du Tao.
XV- Les sages parfaits de l'Antiquité étaient insaisissables, surnaturels, mystérieux, pénétrants, si profonds qu'on ne pouvait les connaître. Comme on ne pouvait les connaître on ne peut tenter de les dépeindre.
XV- Ils étaient attentifs! comme celui qui traverse un cours d'eau en hiver; prudents! comme celui qui craint ses voisins; réservés!
comme celui qui
reçoit l'hospitalité; effacés! comme la glace fondante; vides! comme la vallée; troubles! comme l'eau limoneuse.
XV- Qui peut, par le calme, clarifier peu à peu ce qui est impur? Qui peut, peu à peu, naître au calme et s'y maintenir toujours?
Celui qui garde le Tao. Il ne désir pas être plein, mais vide. C'est pourquoi
il peut paraître méprisable et dépourvu de perfection temporelle.
XVI atteindre le Vide parfait, c'est se fixer fermement dans le repos.
XVI Les dix mille êtres paraissent ensemble et je les vois s'en retourner. Ils prolifèrent vigoureusement, puis chacun revient son origine. Le retour à l'origine, c'est le Repos. Le Repos, c'est le renouvellement de la destinée. Renouveler la destinée, c'est la loi éternelle.
Connaître la loi éternelle, c'est être éclairé; l'ignorer est un aveuglement qui rend malheureux.
XVI Connaître la loi éternelle rend magnanime; celui qui est magnanime est roi; roi, il est comme le Ciel; semblable au Ciel, il est uni au Tao, il dure toujours. Que sa personne disparaisse, il n'y a plus de péril.
XVII Les Grands Souverains de jadis, le peuple savait qu'ils existaient. Ceux qui vinrent ensuite il les aima, les honora: puis il les craignit, et enfin les méprisa. Quand la confiances est limitée, il n'y a pas de confiance.
XVII Les premiers étaient graves, réservés dans leurs paroles. Les oeuvres méritoires se multipliaient, les entreprises prospéraient. Dans les Cents Familles, tous disaient: C'est grâce à nous qu'il en est ainsi.
XVIII Quand le grand Tao fut délaissé, il y eut l'humanité, la justice. Puis la Sagesse, la prudence parurent, et l'hypocrisie fut générale.
XVIII Dans la famille, les membres se méconnurent; il y eut l'affection des parents, la piété filiale.
XVIII Les Etats souffrirent de la corruption, du désordre;
il y eut des fonctionnaires fidèles.
XIX Renoncez à la sagesse, abandonnez la prudence, ce sera cent fois plus profitable au peuple. Renoncez à l'humanité, rejetez la justice, et le peuple reviendra à l'amour filial et à l'affection paternelle. Renoncez à l'habileté, abandonnez le profit, et il n'y aura plus de voleurs ni de bandits.
XIX Ces qualités, étant des apparences, ne sauraient suffire. C'est pourquoi il faut tâcher de se montrer simple, rester naturel, réduire l'égoïsme, avoir peu de désirs.
XX Renoncer à l'étude délivre de l'inquiétude. Entre acquiescer et consentir la nuance est bien petite; mais combien diffèrent le bien et le mal
XX Ce que les hommes redoutent, on ne peut pas ne pas le craindre, mais pas au point d'en être troublé, anéanti.
XX Tous les hommes sont pleins d'ardeur, exaltés comme pour un festin, semblables à ceux qui font une ascension au printemps. Mois seul suis calme,
sans réactions, comme le nouveau-né qui n'a pas encore souri, errant sans dessein, sans but!
XX - Les autres hommes ont tous du superflu; moi seul suis un déshérité, mon cœur est celui d'un simple d'esprit, trouble! confus! l'homme de la foule est éclairé; moi seul suis plongé dans la pénombre.
l'homme de la foule est
précis, perspicace; seul je suis replié sur moi-même, mouvant comme la mer, flottant sans arrêt. La multitude des hommes se rend utile;
moi seul suis inapte, semblable un paria.
XX Moi seul diffère des autres hommes parce que je vénère la Mère nourricière.
XXI Ce qui contient la Grande Vertu procède du Tao. Quelle est la nature du Tao: il est confus, indiscernable. Oh! Qu'il est confus, qu'il
est indiscernable En lui il y a des formes indistinctes, indéterminées. En lui, il y a des êtres. Quel abîme! quelle obscurité!
en lui il y a une essence spirituelle: son essence, absolue vérité! En lui est son propre témoignage. Depuis l'antiquité jusqu'à présent, son nom
n'a point passé. De lui sortent les propriétés de tout ce qui est.
XXI Comment sais je que telle est l'origine de tout ce qui est,
Par cela.
XXII L'incomplet sera complété, le courbe redressé, le creux rempli, l'usé renouvelé, l'insuffisant augmenté, l'excès dissipé.
XXII C'est pourquoi le Saint-Homme, embrassant l'Unité est le modèle du Monde. Parce qu'il e se met pas en évidence, il brille; parce qu'il n'est pas personnel, il s'impose; parce qu'il ne se vante pas, il a du mérite;
parce qu'il n'est pas orgueilleux, il ne cesse de croître; parce qu'il ne lutte pas, personne au monde ne peut s'opposer à lui. XXII Cette sentence des anciens: ce qui est incomplet sera complété, est-elle une parole vaine?
XXII Tout retourne à la parfaite intégrité.
XXIII - Parler peu pour rester soi.
XXIII Un ouragan ne dure pas toute une matinée, ni une pluie torrentielle tout un jour. Or, qui fait cela, le ciel et la terre.
Si le Ciel et la Terre ne peuvent faire durer ce qui est excessif, comment l'homme le pourrait-il? XXIII C'est pourquoi celui qui en toutes choses suit le Tao, règle ses principes sur le Tao, identifie sa volonté et ses actions avec la volonté et l'action du Tao, conforme également ses non-interventions au Non-agir du Tao. E parce qu'il aspire à l'Union Suprême, le Tao l'accueille avec joie. Aussi sa conduite, ses projets, ses oeuvres ou ses abstentions ont-ils d'heureux résultats.
XXIII Quand la foi n'est pas totale, ce n'est pas la vraie foi.
XXIV Celui qui se dresse sur la pointe des pieds ne peut se tenir debout. Celui qui étend les jambes ne peut marcher. Celui qui se met en vue reste obscur; celui qui est satisfait de lui n'est pas estimé;
celui qui se glorifie est sans mérite; celui qui est orgueilleux cesse de croître. Par rapport au Tao, ces façons d'agir sont comme des vomissures et des tumeurs qui répugnent aux êtres.
XXIV C'est pourquoi celui qui a le Tao ne suit pas cette voie.
XXV -. Il est un être indéterminé dans sa perfection, qui était avant le ciel et la terre, impassible, immatériel! Il subsiste, unique, immuable, omniprésent, impérissable. On peut le considérer comme étant la Mère de l'Univers. Ne connaissant pas son nom, je le désigne par le mot Tao.
XXV En s'efforçant de le qualifier, on pourrait dire qu'il
est grand, qu'étant grand il fuit, que fuyant il s'éloigne, qu'éloigné il revient.
XXV Ainsi le Tao est grand, le ciel est grand, la terre est grande, le roussi est grand. Dans le monde il y a quatre grandes choses, et le roi n'en est-il pas une?
XXV l'homme se règle sur la terre, la terre se règle sur le ciel, le ciel se règle sur le Tao. Le Tao n'a d'autre loi que lui-même.
XXVI Le lourd est la racine du léger; le repos est le maître du mouvement. C'est pourquoi le prince sage va de l'aube au soir, sans se départir d'une sereine gravité. Bien qu'il possède gloire et honneur, il s'applique à s'en détacher.
XXVI Pourquoi, hélas! les maîtres aux dix mille chars attachent-ils plus d'importance à leur personne qu'à l'Empire? Insouciants, ils perdent leurs conseillers; violents, ils perdent leur trône.
XXVII Qui marche bien ne laisse pas de traces; qui parle bien ne commet pas de fautes; qui calcule bien n'a pas besoin de boulier; qui sait
bien garder ferme sans verrou, et personne ne peut ouvrir; qui sait bien lier ne se sert pas de liens, et personne ne peut délier.
XXVII C'est pourquoi le Saint-Homme excelle constamment à secourir les hommes, et ne repousse personne. Il aide tous les êtres et n'en délaisse aucun.. En quoi il est doublement éclairé.
XXVII aussi l'homme vraiment vertueux est un maître pour celui qui n'est pas vertueux; par contre le vulgaire est utile au Sage. Ne pas vénérer son maître, ne pas aimer celui qui nous rend service, serait-on
réputé, sage, est un grand égarement.
XXVII Voila une vérité essentielle et profonde.
XXVIII Celui qui connaît sa force et garde sa douceur est la vallée de
l'Empire. Étant la vallée de l'empire, la vertu éternelle ne l'abandonne pas; il redevient comme un petit enfant.
XXVIII Celui qui connaît sa lumière et garde son obscurité est le modèle
de l'Empire. Étant le modèle de l'Empire, la Vertu éternelle ne vacille pas en lui; il revient à l'Illimité.
XXVIII Celui qui connaît sa gloire et reste dans son opprobre devient la
vallée du Monde. Étant la Vallée du Monde la Vertu
éternelle le comble et il revient à la Simplicité originelle. C'est cette simplicité
qui, en se divisant, a formé toutes choses.
XXVIII Le Saint-Homme ne fait rien sans elle. Modèle des maîtres, il dirige avec noblesse et ne lèse personne.
XXIX Celui qui voudrait obtenir l'Empire pour le façonner, je vois qu'il n'y réussirait pas. L'Empire étant une réalité spirituelle, on ne peut le modeler. Ceux qui veulent le façonner le ruinent; ceux qui
veulent le saisir le perdent.
XXIX En effet, parmi les êtres, les un vont de l'avant, d'autres suivent; certains aspirent, d'autres soufflent; certains sont vigoureux d'autres débiles; les uns détruisent, les autres consolident.
XXIX C'est pourquoi le Saint-Homme proscrit seulement les excès dans la jouissance, l'ambition et le luxe.
XXX Celui qui seconde le Souverain en suivant le Tao ne se sert pas des armes pour subjuguer l'Empire, car quoi qu'on fasse aux hommes, ils aiment à rendre la pareille. Là où campent les armées, poussent les ajoncs et les
ronces; après les grandes guerres viennent les années de disette.
XXX C'est pourquoi celui qui est vertueux atteint son but sans se permettre de rien prendre par la force. Il réussit sans faire souffrir, sans détruire, sans s'enorgueillir, sans exploiter son succès, puis s'arrête. Il a vaincu sans violence.
XXX;- Quand les êtres usent de la force ils vieillissent, car cela est opposé au Tao, et ce qui est opposé au Tao, périt prématurément.
XXXI Les armes les plus belles sont des engins de malheur; tous les êtres les ont en horreur. Celui qui a le Tao ne s'y complaît pas
XXXI En temps de paix, la place d'honneur est à la gauche du prince sage; en temps de guerre, elle est à sa droite
XXXI Les armes sont des engins de malheur, ce ne sont pas les instruments du prince sage. Il ne peut en être dépourvu
en vue d'une nécessité éventuelle; mais il place bien au dessus le calme et la Paix.
XXXI Une victoire n'est pas un bien; celui qui la considérerait comme un bien prendrait plaisir à tuer les hommes. Or, celui qui prend
plaisir à tuer les hommes ne peut réussir à bien diriger l'Empire.
XXXI Dans les événements heureux, la première place est à gauche, dans
les événements malheureux elle est à droite. La place du général en second est à la gauche du prince, celle du général en chef est toujours à sa droite, c'est à dire à la première place selon les rites funèbres, car celui qui fait tuer beaucoup d'hommes doit les pleurer.
XXXI Le général vainqueur se trouve ainsi placé comme s'il conduisait le deuil de ceux dont l a causé la mort
XXXII Le Tao est éternel, il n'a pas de nom. Bien que petit par sa simplicité, l'Univers n'a aucun pouvoir sur lui.
XXXII Si les souverains pouvaient s'attacher à lui, les dix mille êtres viendraient spontanément se confier à eux; le Ciel
et la terre s'uniraient pour faire descendre une douce rosée, et, sans contrainte, les peuples se pacifieraient d'eux-mêmes.
XXXI l'origine de la distinction, il y eut le nom; avec le nom l'existence fut. Dès lors de même il y eut le savoir et la limite; avec le savoir et la limite, le moyen de ne pas périr.
XXXII Tout ce qui existe dans l'Univers est, par rapport au Tao, ce que sont les ruisseaux des vallées par rapport aux fleuves et aux mers.
XXXIII Celui qui connaît les hommes est averti; celui qui se connaît lui-même est réellement éclairé.
XXXIII Celui qui vainc les hommes est fort; celui qui se vainc lui-même est réellement puissant.
XXXIII Celui qui sait se suffire est riche.
XXXIII Celui qui suit sa voie a de la volonté.
XXXIII Celui qui reste à sa place dure longtemps.
XXXIII Celui qui meurt sans cesser d'être a acquis l'immortalité.
XXXIV Le grand Tao est partout; sa puissance s'étend en tous sens.
XXXIV Les dix mille êtres comptent sur lui pour naître et vivre, et il ne les déçoit pas. Son œuvre étant accomplie, il ne se l'attribue pas. Il nourrit les dix mille êtres avec amour, sans les traiter en
maître.
XXXIV Étant éternellement sans désir, on pourrait l'appeler petit; mais les dix mille êtres dépendent de lui; bien qu'il ne les traite pas en maître, on peut l'appeler grand.
XXXIV Voila pourquoi le Saint-Homme, jusqu'à la fin ne se considère pas comme grand; ainsi, il peut accomplir sa grandeur.
XXXV Attachez-vous à la Grande Idée, et le monde avancera.
Il avancera sans peine, dans la paix, la sérénité et l'abondance.
XXXV La musique et la bonne chère attirent le voyageur de passage et il
s'arrête. Mais ce qui vient du Tao ne flatte pas le palais, car il est sans saveur. On le regarde, mais cela ne suffit pas pour le voir; on l'écoute, mais cela ne suffi pas pour l'entendre.
XXXV Si l'on a recours à lui, on ne peut l'épuiser.
XXXVI Ce que l'on veut contracter s'était nécessairement déployé. Ce que l'on veut affaiblir s'était nécessairement fortifié.
Ce que l'on veut appauvrir avait nécessairement prospéré. Ce que l'on veut ravir avait nécessairement été acquis Cela s'appelle une lumière cachée.
XXXVI La douceur triomphe de la dureté, la faiblesse triomphe de la force.
XXXVI Il ne faut pas que le poisson sorte des profondeurs aquatiques. Les sources de profit du royaume ne doivent pas être révélées aux hommes.
XXXVII Le Tao est éternellement sans agir; cependant tout est fait par lui.
XXXVII Si les rois et les princes pouvaient le suivre, les dix mille êtres se transformeraient d'eux-mêmes. Transformés, s'ils voulaient agir, je les maintiendrais dans la rectitude grâce à la Simplicité sans nom. La simplicité sans nom les rendrait aussi sans désirs;
sans désirs, ils seraient en paix, et l'Univers se rectifierait de lui-même.
XXXVIII La suprême Vertu est sans vertu; c'est pourquoi elle est la
Vertu. La vertu inférieure est attachée aux vertus, c'est pourquoi elle n'est pas la vertu.
XXXVIII La suprême Vertu n'agit pas, et n'a pas de raison d'agir. La vertu inférieure agit par elle-même; elle a des motifs pour agir. l'humanité supérieure agit par elle-même sans mobiles. L'équité supérieure agit par elle-même avec des raisons pour agir La civilité supérieure agit par elle-même; et lorsqu'elle n'obtient pas la réciprocité, elle s'efforce de s'imposer par la contrainte, mais elle est rejetée.
XXXVIII C'est pourquoi lorsque le Tao fut délaissé, il y eut la vertu; la vertu perdue, il y eut l'humanité; après la perte de l'humanité, il y eut l'équité; après la perte de l'équité, il y eut la civilité. Or la civilité n'étant que l'apparence de la droiture et de la sincérité, elle est cause de désordre.
XXXVIII Le savoir n'est qu'ornement du Tao et commencement de l'erreur. C'est pourquoi le Sage s'attache au réel et rejette les apparences;
il s'intéresse au fruit plutôt qu'a la fleur; il laisse ceci et saisit cela.
XXXIX Voici ce qui, depuis les origines, possède l'Unité:
XXXIX Le ciel possède l'Unité par sa pureté, la terre par son repos, les esprits par leur transcendance, les vallées parce qu'elles peuvent se remplir, les dix mille être par leur puissance générative, les princes et les rois par l'exercice du pouvoir. C'est par cela qu'ils possèdent l'Unité.
XXXIX Si le ciel cessait d'être pur, il est probable qu'il se dissoudrait; si la terre n'était plus en repos il est probable qu'elle se désagrégerait; si les esprits perdaient leur transcendance, ils s'anéantiraient; si les vallées ne se remplissaient elles deviendraient stériles; si les dix mille être ne se reproduisaient plus ils disparaîtraient.
XXXIX C'est pourquoi ce qui est précieux a pour origine ce qui a peu de valeur, et ce qui est élevé est fondé sur ce qui est bas.
XXXIX C'est pour cette raison que les pinces et les rois s'appellent eux-mêmes orphelins, hommes de peu de valeur, sans mérite.
Ne montrent-ils pas par là que leur souche est vulgaire, et n'ont-ils pas raison?
XXXIX C'est pourquoi un char en pièces séparées n'est plus un char.
XXXIX Il ne faut pas désirer être surestimé comme le jade, ni foulé au pied comme un caillou.
XXXX Le retour est le mouvement du Tao; la faiblesse est le moyen dont il se sert.
XXXX Toutes choses sous le ciel naissent dans l'Etre; l'Etre naît dans le Non-Etre. XXXXI Quand un lettré d'une grande élévation entend parler du Tao, il s'applique à le suivre avec zèle. Quand un lettré moyen entend parler du Tao, tantôt il le suit, tantôt il le délaisse. Quand
un lettré inférieur entend parler du Tao, il le tourne en dérision; même s'il n'en rit pas cela ne signifie pas qu'il le suive.
XXXXI C'est pourquoi il est une tradition qui dit: pour le Tao, le lumineux est comme obscure; avancer comme reculer; étranger est comme familier. Pour la suprême vertu, élévation est comme abaissement, candeur comme honte, générosité comme parcimonie, vertu
bien établie comme perversité, probité comme malhonnêteté, véracité simple comme duplicité.
XXXXI Grand carré sans angle, grand vase inachevé, grande mélodie silencieuse, grande image sans contours: le Tao est caché et n'a pas de nom, cependant sa vertu soutient et accomplit tout.
La suite du Tao Té King
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