L'ignorance metaphysique
dans la pensée hindoue 6
D'aprés l'introduction de Michel Hulin.
Introduction
Qu’est-ce que l’ignorance métaphysique ?
no 6 Or la pensée indienne – d’abord chez les bouddhistes puis également en milieu brahmanique – a été sensible très tôt au caractère essentiellement arbitraire de tel découpage. En particulier, elle a relevé avec prédilection ce fait que non seulement les qualités affectives ou esthétiques portés par les choses mais aussi leurs configurations perceptives propres reflétaient les intentions pragmatiques des sujets entrant en rapport avec celle-ci.
Une même pièce d’étoffe blanche, par exemple, sera perçu comme vêtements possible par celui qui désire se draper, comme élément d’une corde de fortune par le prisonniers cherchant à s’évader, comme ensemble de fils par celui qui a besoin de charpie … Voire comme terrain d’atterrissage par un insecte volant dans la pièce !
En fonction de cette multiplicité des points de vue ou perspectives possibles, une seule et même chose apparaît tantôt comme regroupement commode d’éléments divers, tantôt comme partie d’un ensemble plus réel qu’elle même. Mais, à chaque fois, le sujet tendrait à considérer comme absolu, comme inscrit d’avance dans la réalité elle-même, le mode de découpage reflétant ses intentions du moment.
Et c’est ainsi que l’ignorance métaphysique se consoliderait jour après jour à notre insu et se pérenniseraient grâce à ce dangereux pouvoir de réification détenu par le langage. Pris dans les mailles du langage, soumis à sa logique immanente, les sujets parlants sont voués à s’éprouver sous la forme d’entités substantielles individuelles, distincte les unes des autres sur le fond d’une essence commune, insérées sans retour dans le temps, l’espace et la causalité, et au prise avec un monde de chose elle-même quasi individuelles.
Vrin.
Pré-textes collection animée par François Dagognet et Alexis Philonenko
Ignorance métaphysique 7 >
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