Admettant d’autre part, que ce corps subtils se trouve, quoi que matériel, soustrait à l’action des éléments physiques « grossier» (eau, feu, etc.), elle disposait d’un support, d’un véhicule capable de transporter d’une incarnation à l’autre les tendances héritées de l’existence ou des existences précédentes. Dans cette perspective, la réincarnation comme série indéfinie de renaissances tantôt glorieuses, tantôt médiocres, voir basses et infamantes, animales même, de « rétribution » et de « punition » que la poursuite, d’existence en existence, d’un même projet fondamental, la défense et illustration d’une même version ou variante individuelle de l’avidya.
Il advient à chacun, de naissance en naissance, moins ce qu’il mérite que ce qui lui ressemble. On en conclut que la condition humaine, dans la mesure où elle est dominé et dirigé par l’ignorance métaphysique, et toute entière placée sous le signe de l’illusion, de la servitude et du malheur.
Qualifier la condition humaine d’état de servitude, toutefois, n’a de sens qu’en référence à l’envers de la servitude, c’est-à-dire un état d’absolue liberté. C’est bien le cas de la plupart des doctrines philosophiques indiennes, lesquelles se présentent ouvertement comme des sotériologies. Face à la servitude humaine, elles dressent le tableau d’un état radicalement différent : la délivrance ( moksa ou mukti).
Accéder à la délivrance signifie, négativement, ne plus être astreint désormais à renaître au sortir de l’existence précédente. De manière plus concrète, l’entrée dans la délivrance représente, en cette vie même, la cessation définitive de l’ensemble des désirs, des illusions et des souffrances en tant que ces choses apparaissent comme la conséquence directe de l’ignorance métaphysique. Il semblerait donc que l’élimination de l’avidya doive constituer la tâche par excellence de la réflexion philosophique.
Vrin.
Pré-textes collection animée par François Dagognet et Alexis Philonenko
Le corps de béatitude (ānandamaya-kosha) n'est qu'une modification de l'ignorance sur laquelle le Suprême Soi est réfléchi, elle est expérimentée sans effort par tous dans une certaine mesure dans le sommeil profond... Pourtant, même cette gaine de béatitude ne peut être le Suprême Soi. »
